Mesures d'urgence

Sortie de crise : le plan de l'exécutif pour accompagner les entreprises

Le 04/06/2021
par Laëtitia Muller
Le plan B est enclenché : Bercy toujours aux manettes des aides et charge à la Place Vendôme de limiter les faillites en amont. Lors d’une conférence commune, le 1er juin dernier, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire et le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti ont présenté tout un panel de mesures pour protéger les entreprises encore viables malgré la crise. Leur plan d’action s’articule en 4 phases : accompagner, détecter, orienter et soutenir.
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Le 1er juin 2021 fera date : Bruno Le Maire et Éric Dupond-Moretti, respectivement ministre de l’Économie et de la Justice, ont tenu une conférence commune le jour même de la publication de la loi relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire. Un tournant qui laisse entrevoir la fin de l’état d’urgence et du "quoi qu’il en coûte", et donc la diminution des aides, mais en douceur. Objectif : sauver les entreprises qui peuvent l’être.

Un régime transitoire pour prolonger certaines mesures d’urgence

Cette loi du 1er juin organise, pour une période courant entre le 2 juin et le 30 septembre prochain, le régime juridique de sortie de l'état d'urgence. Le texte permet notamment au Gouvernement d'instaurer un régime transitoire, et de donner une légitimité juridique au maintien de plusieurs mesures restrictives de libertés parmi lesquelles :

  • la limitation des déplacements ;
  • la restriction des conditions d’ouverture de certains établissements recevant du public, voire leur fermeture provisoire ;
  • la réglementation dans les lieux ouverts au public : jauge, maintien des gestes barrières, port du masque, pass sanitaire…

Toujours parmi les mesures qui intéressent les chefs d’entreprises artisanales, la loi du 1er juin permet à l’exécutif de prolonger ou réactiver plusieurs mesures dérogatoires à la réglementation du travail.

Le Gouvernement pourra, par exemple, jusqu'au 30 septembre 2021 :

  • adapter ou prolonger les dispositifs dérogatoires de l'activité partielle ;
  • déroger aux règles d'ordre public sur le renouvellement des CDD, des contrats de travail temporaire et le délai de carence entre 2 contrats.

En parallèle, les ministères sont en ordre de bataille : Bercy prêt à dégainer des aides et la Justice à adapter les procédures. Restait à trouver un emblème : ce sera le "plan d’action sur l’accompagnement des entreprises en sortie de crise".

Celui-ci compte 24 articles signés par l’ensemble des acteurs du monde de l’entreprise y compris l’artisanat. Parmi les instances auteures du parafe :

  • l’État,
  • CMA France,
  • l’Union des entreprises de proximité (U2P),
  • l’Association française des entreprises privées,
  • la Fédération bancaire française,
  • Bpifrance,
  • l’Urssaf,
  • les conseils nationaux des administrateurs,
  • des greffiers des tribunaux de commerce,
  • des experts-comptables
  • des barreaux.

Tous s’engagent à détecter précocement les fragilités des entreprises mais plus encore à proposer une palette de solutions permettant de consolider la situation financière des entreprises et d’assurer la poursuite de leur activité dans les meilleures conditions.

Un comité national de sortie de crise, dirigé par Gérard Pfauwadel, est mis en place pour suivre la mise en œuvre des engagements.

Il sera relayé au sein de chaque territoire par un conseiller départemental, qui sera l’interlocuteur des entreprises en situation de fragilité financière.

Vaste mobilisation de tous les acteurs de l’entreprise

Les partenaires financiers de l’entreprise renforcent leur engagement de prévention et de conseil auprès des entreprises fragiles, de façon pratique et en proximité.

→ Les experts-comptables proposent sans surcoût à leurs entreprises clientes un diagnostic de sortie de crise simple et rapide d’ici la fin de l’année 2021. Pour les petites structures dépourvues d’expert une plateforme en ligne permettra une mise en relation gratuite.

→ Les réseaux consulaires (CMA et CCI) mobilisent leurs moyens pour être à l’écoute des entreprises et leur proposer une aide. 25.000 entreprises seront ainsi sensibilisées aux différents dispositifs de soutien et 5.000, dont les activités ont été les plus impactées par la crise sanitaire, seront accompagnées en priorité. Les chambres consulaires proposeront une prise en charge directe ou une orientation du chef d’entreprise vers un expert externe.

 → Les greffiers des tribunaux de commerce mettent à disposition des outils d’autodiagnostic des difficultés et d’alerte précoce.

→ Les administrateurs et mandataires judiciaires s’engagent à établir un diagnostic gratuit pour tous les chefs d’entreprise et indépendants qui le souhaitent.

→ Les avocats, quant à eux, proposent un audit des créances et des dettes, ainsi qu’une analyse juridique.

En plus des hommes, l’intelligence artificielle (IA) fait son entrée : des algorithmes repéreront les "signaux faibles" des entreprises.

Fruit d’un maillage de données entre la Direction générale des entreprises (DGE), la Banque de France (BDF), l’Urssaf et la Direction interministérielle du numérique (Dinum), cet outil unique, co-construit avec Bercy détectera les fragilités financières des entreprises.

Un accompagnement sur mesure et réactif

Opération simplicité et efficacité : un volet complet de la charte est dédié à l’orientation des entrepreneurs vers le meilleur interlocuteur.

Un numéro unique – 0806 000 245 – est dédié pour renseigner les entrepreneurs sur les aides d’urgence et l’orientation en sortie de crise. Les partenaires s’engagent à proposer à chaque entreprise une solution adaptée à sa situation.

Côté finances, les vannes ne seront pas coupées brusquement :

  • les prêts garantis par l’État (PGE) jouent les prolongations, en particulier pour les PME et ETI qui verront les quotités garanties relevées à 90% quand leur CA n’excède pas 1,5 milliard d'euros, et à 70% pour les autres ;
  • les prêts exceptionnels pour les petites entreprises se poursuivent en 2021 : ce soutien prend la forme d’un prêt participatif couvrant les besoins en investissements et en fonds de roulement des entreprises (d’une durée de 7 ans, pouvant aller jusqu’à 100.000€) ;
  • un fonds de transition de 3 milliards d’euros financera les besoins des entreprises de taille significative ;
  • les plans d’apurement des dettes fiscales et sociales pour renforcer la liquidité des entreprises et les accompagner dans leur restructuration sont renforcés.

Combien ça coûte ?

Tout cela à un coût, 16,6 milliards d’euros ! C’est le montant présenté dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui a été validé en conseil des ministres le 2 juin. Le texte acte la fin du "quoi qu’il en coûte" tout en permettant de couvrir le financement des mesures d’urgence maintenues jusqu’à la sortie de la crise.

En détail :

  • 6,4 milliards d’euros pour l’activité partielle ;
  • 3,6 milliards d’euros pour prolonger le fonds de solidarité ;
  • 4 milliards pour l’aide au paiement et les exonérations de cotisations.

Ces plans d’apurement de cotisations pourront être proposés aux employeurs jusqu’au 30 septembre 2021 et aux indépendants jusqu’au 31 décembre 2021.

Un volet judiciaire axé sur la prévention

Ce plan de l’exécutif promeut une intervention judiciaire plus précoce, qui privilégie les procédures préventives.

→ Un dispositif de mandat ad hoc de sortie de crise est créé pour faciliter la renégociation des dettes des petites entreprises. Avec la conciliation, ils constituent les outils privilégiés pour réaménager les dettes des entreprises dans un cadre confidentiel.

L’objectif affiché est de faciliter encore davantage l’accès des plus petites entreprises à ces procédures. Cette procédure de mandat est réservée aux TPE-PME employant au plus 10 salariés, qui rencontrent des difficultés financières en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences.

Le mandat durera 3 mois et son coût est plafonné à 1.500€ HT pour les entreprises de moins de 5 salariés et à 3.000€ HT pour les entreprises de 5 à 10 salariés. Cette mesure exceptionnelle restera applicable 18 mois soit jusqu’à fin 2022.

→ L’État propose en outre une procédure collective simplifiée pour deux ans afin de permettre aux petites structures de rebondir rapidement.

Innovation : présenter un projet de plan de continuation de l’activité dans un bref délai.

→ L’exécutif travaille également à la finalisation d’une ordonnance pour faciliter le rebond des entreprises qui ne peuvent bénéficier d’un plan de continuation.

Cette mesure est la traduction de l’article 196 de la loi Pacte. Elle allège les conditions permettant de bénéficier d’une procédure de rétablissement professionnel et élargit l’accès à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, notamment aux entrepreneurs individuels.

Un point est prévu à la fin de l’année et la reconduction du dispositif sur 2022 n’est pas exclue.

"L’ère de la reconquête a sonné", pour citer Emmanuel Macron. Le Président de la République en déplacement dans le Lot le 2 juin indiquait vouloir, avec les chefs d’entreprise, "réinventer le modèle".

Mais avant le monde d’après, il faut déjà que les entrepreneurs épongent leurs dettes du monde d’avant pour exercer leur activité au présent…

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