Présidentielle 2017

Le programme de François Fillon

Le 31/03/2017
par Propos recueillis par Samira Hamiche
En exclusivité pour Le Monde des Artisans, François Fillon, candidat des Républicains, livre les grandes lignes de son programme à destination des artisans.
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François Fillon

Le Monde des Artisans : En termes de fiscalité, quels dispositifs incitatifs entendez-vous mettre en place pour favoriser l’installation de TPE et PME artisanales et ainsi maintenir l’emploi en France, sur tout le territoire ?

François Fillon : Notre pays compte aujourd’hui plus d’1 million d’entreprises artisanales. Ces entreprises doivent être soutenues. Il faut aussi encourager les nouvelles implantations qui représentent un important vivier d’emplois. Malheureusement, les contraintes juridiques et fiscales lourdes viennent trop souvent limiter le développement de ces entreprises. C’est pourquoi je veux mettre en place un environnement qui leur soit favorable. A cet effet, je relèverai les niveaux de chiffres d’affaires plafonds de l’auto-entreprise à 50 000 euros pour les services et à 120 000 euros pour l’achat-revente. La franchise de TVA sera étendue jusqu’à ces plafonds pour les artisans et les commerçants. Les TPE et PME bénéficieront des allègements de charges que je veux mettre en place pour toutes les entreprises, notamment un nouvel allègement de charges sociales et d’impôts de production, de 25 Mds€, portant sur tous les salaires. Je ne veux plus que les contraintes juridiques dissuadent les petites entreprises d’embaucher. C’est pourquoi je faciliterai les recrutements dans les petites entreprises à travers une rénovation du contrat de travail. Enfin, je veux refonder le droit du travail, notamment en doublant les seuils sociaux (de 10 à 20 et de 50 à 100), pour faciliter l’embauche dans les petites entreprises. Enfin, en levant le verrou des 35 heures, nous laisserons chaque entreprise décider de son temps de travail par la négociation et la signature d’accords collectifs.

LMA : Estimez-vous que le RSI doit être réformé ? Si oui, de quelle manière et selon quel calendrier ?

F. F. : Le système de couverture sociale du Régime social des indépendants (RSI) ne fonctionne pas et ne crée que des mécontents. Nous ne pourrons pas développer le travail indépendant sans le revoir de fond en comble. Je veux garantir des régimes sociaux cohérents, efficaces, financés et préservant de la précarité. C’est pourquoi je réformerai radicalement le RSI, qui sera transformé en une Caisse de Protection des Indépendants (CPI). Le calcul des contributions, la collecte et la gestion seront confiés à cette caisse. Lorsque cela sera applicable, un calcul et un paiement en temps réel des cotisations liées au salaire seront mis en place. Enfin, je veux permettre aux indépendants qui ont de faibles revenus et qui versent la cotisation retraite minimum de valider quatre trimestres de retraite au lieu de trois aujourd’hui. Je mettrai également en place un système d’assurance pour les travailleurs indépendants en cas de perte d’activité, sur une base volontaire. Ce fonds sera adossé à la Caisse de Protection des Indépendants. Enfin, la prévoyance sera encouragée par le système de retraite complémentaire. Je mets en garde contre ceux qui veulent purement et simplement supprimer le RSI et faire cotiser les indépendants au régime général : cela se traduirait par une hausse insupportable des cotisations des indépendants.

LMA : Considérées comme des "voies de garage", les filières d’apprentissages souffrent d’une mauvaise image. Pourtant, elles recèlent de talents et leur taux d’employabilité est élevé, à l’inverse de nombre de filières universitaires. Si vous êtes élu, que ferez-vous pour valoriser ces filières et faire évoluer les mentalités ?
 
F. F. : Actuellement, un jeune de moins de 25 ans sur quatre est au chômage. C’est intolérable. Il faut donner le goût d’entreprendre et de réussir à la jeunesse. C’est pourquoi je veux utiliser l’alternance et l’apprentissage comme porte d’entrée vers l’emploi pour les jeunes. Je veux généraliser progressivement l’apprentissage dans l’enseignement professionnel, en développant rapidement des sections d’apprentissage dans les lycées professionnels, en organisant des jumelages entre CFA et lycées professionnels, en décloisonnant les parcours des jeunes et en permettant des réorientations. Je confierai la gestion des centres de formation des apprentis et des lycées professionnels aux Régions, en association avec les branches. Je mettrai en place une exonération totale des charges sociales pour l’embauche d’un jeune en alternance et je lancerai une grande campagne de promotion de l’alternance. Il faudra en outre revoir le rythme de l’alternance pour le rendre plus compatible avec celui de l’entreprise. Les conditions de sécurité des alternants seront alignées sur celles exigées pour les salariés. J’offrirai une plus grande lisibilité des différents contrats d’alternance en leur donnant un socle juridique commun. J’instaurerai un dispositif incitatif pour que les entreprises qui comptent plus de 4% de jeunes en alternance soient autorisées à dépenser les fonds de la taxe d’apprentissage pour créer leurs propres centres de formation.

LMA : Aujourd’hui, pour exercer la plupart des métiers de l’artisanat, un diplôme est requis, qui valide les compétences et savoir-faire. Or, la Loi Sapin 2 a failli signer la fin de cette obligation de qualification professionnelle, ouvrant la porte à la libéralisation totale de certains métiers. Pensez-vous qu’un coiffeur, un mécanicien ou un boulanger puissent se passer de diplômes ?

F. F. : Les secteurs que vous évoquez font figure de modèles pour l'insertion des jeunes : plus de 30 000 jeunes apprennent ainsi le métier de coiffeur chaque année, dont plus des deux tiers par l'apprentissage ou des contrats de professionnalisation. Ces secteurs proposent de vrais cursus allant du CAP au Brevet de maîtrise, en passant par le Brevet professionnel. Ils offrent des parcours diversifiés à des jeunes qui veulent travailler rapidement. Ce qui pose problème aujourd'hui, c’est la situation délicate des jeunes qui ne disposent que d'un CAP (sans mention complémentaire). Une étude de 2012 montrait qu'ils étaient 4 fois plus susceptibles d'être au chômage 3 ans après l'obtention de leur diplôme que ceux qui disposaient d'un Brevet professionnel (29% contre 6%). Les formations ont déjà fait l'objet d'évolutions et si cela doit être encore envisagé, nous nous rapprocherons des professionnels du secteur pour proposer des réformes en phase avec leurs attentes ; cela permettra de définir les exigences liées aux niveaux de qualification nécessaires pour exercer certaines activités et métiers.

LMA : Pour vendre, communiquer, effectuer leurs démarches… Les outils numériques sont devenus indispensables aux entreprises artisanales. Comment les aider à réaliser leur transition numérique, et assurer l’égalité d’accès à Internet sur tout le territoire ?

F. F. : Les opportunités offertes par la révolution numérique sont immenses. Pourtant, nos entreprises n’en bénéficient pas encore pleinement. En France, le poids du numérique dans le PIB est seulement de 5,5% contre 10% au Royaume-Uni et 8% aux Etats-Unis. J’ai comme objectif de hisser cette part à 7% du PIB d’ici à 2022, ce qui représente un potentiel de 70 milliards d’euros de PIB en plus. L’accès au numérique doit être pour tous et partout sur le territoire. C’est vital pour le tissu économique et les entreprises qui doivent pouvoir s’implanter partout. C’est pourquoi je lancerai en priorité un plan Très Haut Débit Fixe et Mobile en refinançant et en réorganisant le Plan France Très Haut Débit et j’initierai un "Plan 5G". Je renforcerai la compétitivité de nos PME/ETI grâce au numérique en passant en cinq ans de 10% à 100% des PME/ETI accompagnées ; un grand plan de rattrapage et d’accompagnement sera mis en œuvre à l’issue des Etats généraux de l’Industrie et de l’Innovation. Enfin, concernant l’administration, toutes les démarches administratives pourront être effectuées en ligne, de la fiscalité à la demande de permis de construire.


LMA : La multiplication de plateformes de service comme Uber instaure une concurrence déloyale face aux artisans. Nous en voulons pour preuve l’exemple emblématique des VTC. Dans un contexte européen, comment légiférer pour encadrer les prix et les prestations sur Internet ?

F. F. : Je comprends les critiques qui sont émises contre ces nouveaux acteurs. Les abus constituent toujours une menace et il faut un minimum de contrôle. Mais le problème qui se pose en urgence aujourd’hui en France, c’est comment mettre fin au chômage de masse qui est un drame pour notre pays en termes de consommation, de croissance, et surtout un drame personnel pour tous ceux qui le subissent. C’est pourquoi je donnerai en priorité la possibilité à ceux qui le souhaitent de créer leur entreprise en levant un maximum d’obstacles. Bien sûr, en ce qui concerne ces nouvelles formes de travail, il faut protéger et encadrer. Notamment pour éviter les distorsions avec les acteurs traditionnels qui ont parfois engagé des coûts importants pour accéder à leur profession. Mais on doit pouvoir créer son business dans des conditions simples et sûres en termes juridiques. C’est pourquoi je créerai un statut de prestataire indépendant qui s’adaptera parfaitement à la nouvelle économie sans tomber dans les contraintes du salariat. Ces prestataires indépendants pourront passer des contrats avec les entreprises d’une durée de trois ans.

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