Double activité

Cumul, mode d’emploi

Le 27/05/2020
par Sylvain Villaume
Ils exercent en même temps un métier salarié qui leur assure un revenu, et leur passion dans une activité artisanale d’appoint qu’ils ambitionnent souvent de voir devenir leur occupation principale. Pourquoi, comment ? Voici trois témoignages de pluriactifs, pour l’exemple…
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Caroline Fiche Le Louarn partage son temps entre son métier de taxi et ambulancière et sa passion pour la gravure sur verre.

Caroline Fiche Le Louarn, taxi ambulancière et graveuse sur verre : une vocation enfin assouvie

Elle parle de la gravure sur verre comme d’une vocation "contrariée par les ambitions socioprofessionnelles" que ses parents manifestaient pour elle… Mais les études correspondant aux attentes familiales n’ont pas abouti, et Caroline Fiche Le Louarn est aujourd’hui ambulancière diplômée d’État (depuis 2013) et taxi (depuis 2017), salariée d’une entreprise de Laval (Mayenne), un travail qui représente 45 à 50 heures par semaine. "J’ai la chance d’avoir une hiérarchie bienveillante, et des collègues arrangeants", dit-elle. Car, en parallèle, Caroline a fini par consacrer son temps libre à son art de prédilection. Quelques mois après son embauche à Laval, elle est contactée par la maison Dior, qui cherche une graveuse pour personnaliser des flacons de parfum. Caroline tenait un blog sur lequel elle présentait son travail, et Internet qui réduit parfois le monde à un grand village a fait le reste… Depuis, d’autres missions, comme pour Guerlain ou Hermès, ont rempli l’agenda de l’artiste qui, en 2019, a compté que la gravure sur verre avait représenté un tiers de ses revenus d’ambulancière : "Voilà sept ans que je cumule les deux  et je me sens arrivée à un tournant. J’aimerais donner une impulsion nouvelle à mon activité artistique, j’ai d’ailleurs en projet un graveur spécialiste de la calligraphie." La passion finirait alors par rejoindre la réalité.

Jean-Marc Merger, technicien de maintenance et patron de Bol Concept : "Ça ne remplit pas le frigo"

"Passionné de belles choses, mais pas designer", féru de sports mécaniques, ayant grandi à quelques pas du circuit des 24 Heures du Mans, Jean-Marc Merger a décidé un jour de rassembler tous ces éléments a priori épars : ainsi est né Bol Concept, fabricant de fauteuils de bureau pivotants en forme de casques. "J’avais fait tomber un vieux casque d’une étagère l'homme affiche au compteur 38 années de bons et loyaux services chez le constructeur automobile Renault, en tant que technicien de maintenance. Pour lancer Bol Concept, fin 2012, Jean-Marc Merger a trouvé des artisans locaux, en l’occurrence un sellier et un peintre, lancé un site Internet et, depuis, écumant Salons et événements, il commercialise ses fauteuils auxquels s’ajoutent, depuis peu, des tabourets de bar. Ce travail  occupe ses soirées et ses week-ends : "Mon employeur n’a montré aucune réticence, dès lors que ça n’empiète pas sur mon temps de travail. Le plus difficile est de coordonner tout le monde, du client aux prestataires." "J’imaginais pouvoir en vivre. J’y prends du plaisir, mais ça ne remplit pas le frigo. Jusqu’en 2018, je réalisais environ 25 ventes par an. En 2019, nous sommes passés à 59 ventes. Et l’année 2020 semble se situer sur la même lancée. Peut-être que je pourrais envisager de passer à temps partiel chez Renault, mais ce n’est pas encore d’actualité."

Hervé Mazeau, artisan en salaison et piégeur : "Le jour où je devrai choisir..."

CAP, BEP, bac pro, BTS… Hervé Mazeau possède la batterie complète des diplômes d’un cuisinier qui aurait pu faire carrière, y compris un passage dans un établissement gastronomique réputé de Genève. Mais à 26 ans, et avec déjà deux enfants à l’époque, "j’ai décidé de privilégier ma vie familiale", précise-t-il pour expliquer pourquoi il a opté pour la restauration collective dans la fonction publique hospitalière. "Quand les deux grands ont quitté le nid, j’ai eu envie de faire quelque chose qui me plaisait. Tout en conservant mon emploi à l’hôpital, j’ai créé en 2012 une société de piégeage (de la guêpe au serpent en passant par le rat ou la taupe). Mais la passion pour la cuisine est restée, en particulier pour les produits fumés." Avec un fumoir d’occasion, un sel de qualité déniché en Vendée, un labo construit à côté de son domicile avec espace de vente, et la collaboration d’un grossiste des halles de Limoges et du seul éleveur de saumon de France, Hervé Mazeau se lance fin 2015, chez lui, en Haute-Vienne et, très vite, se met en disponibilité de la fonction publique… "Le jour où je devrai choisir, je garderai l’activité de salaison. C’est mon plaisir. Je fabrique mes produits fumés le matin, je consacre l’après-midi au piégeage. C’est compliqué, il faut oser, investir, faire face à des frais, travailler 70 heures par semaine, mais la réussite est au rendez-vous des deux côtés." Hervé Mazeau vient d’acquérir un vieux TUB Citroën qu’il aménage en magasin ambulant.

Travail, plaisir et indépendance

Selon une étude de l’Insee datant de 2016, plus de 2  millions de Français cumulent deux activités professionnelles et 500 000 exercent une activité indépendante en plus d’un emploi salarié. L’époque, avide d’anglicismes, appelle ces pluriactifs les "slashers", en référence au signe slash (/) qui sépare les activités… Président du Salon des micro-entrepreneurs, qui s’était penché sur le sujet il y a trois ans, Alain Bosetti affirmait alors au Figaro que "les slashers souhaitent conjuguer travail, plaisir et indépendance". Bien sûr, le cumul d’activités peut impliquer des règles particulières sur le plan fiscal, social, juridique… Pour celles et ceux qui voudraient se lancer dans une activité artisanale à côté de leur emploi salarié, le mieux est de se tourner vers sa chambre de métiers et de l’artisanat.

www.artisanat.fr

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