Des trophées, et beaucoup d’amour !
Le 12 octobre dernier, la Chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir accueillait la cérémonie de remise des Prix Garance de l'artisanat, dans le cadre de la 26e édition des Artisanales de Chartres. En présence de Michel Cibois, président de la Chambre de métiers et de l'artisanat d'Eure-et-Loir, organisatrice des Artisanales, et de Serge Crouin, président de la mutuelle Garance, six artisans exposants ont été récompensés pour cette édition 2019, sur les vingt en compétition.
Super Tremplin Garance 2019
L’opération Tremplins Garance de l’artisanat permet à de jeunes entreprises venues de toute la France, sélectionnées sur dossier, de se voir offrir un stand tout équipé par la mutuelle. Parmi elles, le jury a distingué « le Super Tremplin 2019 » : Thibaut Ricard, joaillier à Verneuil-sur-Seine (Yvelines).
Insolite joaillerie, le nom de son entreprise donne le ton ! « J’aime associer les classiques argent et or à des matériaux contemporains et audacieux, comme le titane et le carbone, qui sont plutôt, du fait de leur résistance et légèreté, utilisés dans l’aérospatial et les sports automobiles. » En intervenant sur l’oxydation, les effets de matière, le terrain de jeu de Thibaut n’a plus de limites et l’aléatoire s’invite souvent dans son atelier parisien (un espace de coworking dans une pépinière d’entreprises).
Ses dix années d’expérience en haute joaillerie dans les grandes maisons de la Place Vendôme lui ont permis de se forger un savoir-faire, reste désormais à le faire savoir ! « Depuis que je me suis lancé à mon compte, en avril 2017, je multiplie les participations à des expositions, des Salons d’envergure comme le Carrousel des métiers d’art au Louvre… On commence à me remettre d’une fois à l’autre ; j’aime à croire que mes bijoux marquent les esprits, c’est très encourageant pour la suite ! » Tout comme cette reconnaissance de « Super Tremplin 2019 » dont la dotation de 1 500 € offre plusieurs perspectives au jeune joaillier. « Soit investir dans un nouvel ordinateur portable pour travailler plus sereinement, soit participer à de gros Salons comme Maison & Objet pour atteindre un public de professionnels… » L’avenir appartient à ceux qui se bougent tôt !
Trophée du plus beau chef-d’œuvre
Mathieu Vath, ébéniste à Condé-sur-Huisne (Orne), a lancé son entreprise en avril dernier, après avoir travaillé dix ans en tant que restaurateur pour un antiquaire dans la Manche. « Je voulais avoir les mains libres, sortir des méthodes traditionnelles ! » Soucieux des notions d’écoresponsabilité, l’artisan espère aussi, à travers sa pratique, être pédagogue envers sa clientèle : « Le meuble doit garder son histoire, son âme. Si le client s’obstine à faire remplacer automatiquement les parties amochées ou qui ont subi l’épreuve du temps, à terme, les meubles anciens vont totalement disparaître ».
Pour sa première participation à un Salon, Mathieu a choisi tout naturellement les Artisanales de Chartres, « proches » de chez lui et très « réputées ». « J’ai eu envie d’apporter sur mon stand un meuble qui représente tous mes savoir-faire : un secrétaire… et ses secrets ! » Complet en termes de techniques (les éléments mécaniques, gonds et entrées de serrure sont invisibles), ingénieux (système magnétique, clé en tête d’éléphant, tiroirs secrets…) et représentatif des bois indigènes (chêne, frêne et orme du Perche)… Plus qu’un meuble, ce véritable objet de décoration a attiré l’œil du jury qui lui a attribué le prix du « plus beau chef-d’œuvre ».
Le plus beau stand
Avec un espace d’exposition qui s’apparentait à l’entrée d’une villa florentine, tapis rouge en prime, Damien Dos Santos Pires, plâtrier à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), a su interpeller le jury. Qui l’a tout naturellement gratifié du prix du « plus beau stand ». « Tout a été assemblé sur place. Je voulais vraiment qu’il y ait un côté spectaculaire, attiser la curiosité des visiteurs. »
L’idée de ce jeune entrepreneur de 31 ans, qui a lancé son entreprise Stuc & Déco en avril dernier, était aussi de montrer l’étendue de ses savoir-faire, parfois méconnus ou jugés, à tort, inaccessibles. « Je maîtrise tous les métiers du plâtre : le staff, la fabrication d’éléments décoratifs en atelier, assemblés sur le chantier ; la plâtrerie traditionnelle (cheminées, escaliers sur voûte sarrasine…) ; et le stuc pierre, un enduit traditionnel dont le rendu imite par exemple la pierre de taille. »
Formé chez les Compagnons du Devoir et fort de douze ans d’expérience, Damien appréhende l’avenir plein d’envies et d’ambition. « J’ai participé aux Artisanales, encouragé par la CMA 94, car j’aimerais obtenir le titre d’Artisan d’art et que la promotion de mon métier est une condition sine qua non. L’idée est aussi d’élargir ma zone de chalandise, car un projet familial pourrait m’amener prochainement à exercer du côté de l’Eure-et-Loir. Le rêve ultime pour moi serait d’approcher des architectes des Monuments historiques afin de décrocher des chantiers dans les châteaux, si nombreux dans la Loire. »
Trophée reconnaissance artisanale
Julie Lambert-Coucot, bijoutière à Arras (Nord), illustre parfaitement la citation de Corneille : « La valeur n’attend point le nombre des années ». Le prix de la « reconnaissance artisanale », dont elle a eu les honneurs lors de cette édition « consacre les années de labeur depuis le lancement de mon propre atelier en 2013, la réflexion menée autour de mes créations. »
S’inscrivant dans la destinée familiale, où l’on est bijoutier joaillier depuis trois générations, Julie a commencé à écrire sa propre histoire à 15 ans seulement. « Je suis partie toute seule à Morteau (Doubs), pour passer mon CAP et mon brevet de maîtrise. J’ai enchaîné avec un Diplôme des métiers d’art (DMA) à l’École Boulle, à Paris. » Cap ensuite sur Madagascar, le temps d’une année en VIE (Volontariat international en entreprise). De cette expérience dans l’océan Indien est né son intérêt pour la corne, devenue sa matière de prédilection. Elle a ensuite parfait sa maîtrise dans les grandes maisons de luxe avant de lancer sa première marque, Coucot - L’artisan créateur. Son talent et sa singularité lui ont déjà valu des collaborations prestigieuses, notamment avec Louis Vuitton.
2 entreprises "Coups de cœur du jury"
Cette année, deux entreprises, au lieu d'une, ont eu les honneurs d’un coup de cœur du jury.
Tout d’abord, Mélanie Zinovieff, installée au Poiré-sur-Vie (Vendée). Son entreprise, Au tablier sucré, est le fruit d’une reconversion professionnelle, après une première vie dans le secteur bancaire. Désormais, cette pâtissière partage son quotidien entre la fabrication de biscuits – des sablés classiques aux créations maison qui s’accordent avec la saisonnalité (figue, cannelle, fève tonka…) – et l’animation d’ateliers culinaires.
Effectivement, cette maman de quatre enfants a très rapidement été sollicitée pour développer cette activité. 300 à 400 bambins sont ainsi accueillis tous les ans dans son laboratoire et initiés au goût, à l’importance du « faire soi-même ». « Les ateliers en duo parent-enfant sont aussi très tendances et offrent un vrai temps de partage, plus si évident à trouver dans nos quotidiens ! »
Rejointe récemment par son mari « pour la partie démarchage, commercialisation et approvisionnement », Mélanie entend prochainement se développer au-delà des frontières vendéennes. D’où son envie de participer cette année aux Artisanales de Chartres. Le prix « Coup de cœur du jury », « qui me démontre que mon nouveau choix de vie est une réussite », étant la « cerise sur le biscuit ».
Place enfin au régional de l’étape : le ferronnier d’art Julien Thieulin, dont l’entreprise artisanale, « À la forge de Chartres », est installée à Saint-Luperce (Eure-et-Loir). Ici, c’est une affaire de famille (« je me suis lancé à mon compte il y a deux ans avec mon père – 40 ans de métier au compteur – et mon épouse ») mais aussi de principe : « Je travaille encore avec la forge et l’enclume et ne peux concevoir le métier autrement. Je suis attaché au fait de faire toutes mes pièces à la main et de faire perdurer ce savoir-faire ancestral ».
Sa spécialité ? La fabrication sur mesure de rampes d’escalier débillardé (courbe). Mais ses quinze années d’expérience, dont une formation initiale chez les Compagnons du Devoir à l’école de la ferronnerie française (près de Reims), l’autorisent à proposer une gamme bien plus large (portails, verrières…), alternant entre création et restauration, touchant à la fois à la ferronnerie d’art, la serrurerie et la métallerie.
À son actif, des références dans les monuments historiques : les cathédrales de Chartres et de Paris, l’Assemblée nationale, l’Arc de Triomphe… Des compétences et un état d’esprit qui ont séduit le jury des Trophées Garance qui l’ont gratifié d’un « Coup de cœur » cette année. « J’ai été surpris et très ému de recevoir ce prix. Cela fait deux ans que je participe aux Artisanales pour montrer ce que je fais, trouver des clients… » Bien lui en a pris quand on sait qu’il a réalisé 80 % de son chiffre d’affaires des derniers mois grâce aux contacts pris sur le Salon en 2018 !
>> Voir le palmarès des années précédentes : 2018 - 2017 - 2016
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