Politique

Régions de France célèbre 25 ans d'engagement en faveur de la proximité

Le 20/12/2023
par Samira Hamiche
Lors d'une conférence organisée le 18 décembre au Sénat, l'association, qui représente les dix-huit Régions françaises auprès des pouvoirs publics, a opéré un bilan des années passées et ouvert le débat sur les nombreux enjeux portés par les Régions.
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Dans un contexte marqué par la défiance vis-à-vis de la politique, la présidente de Régions de France, Carole Delga, appelle à reconnecter élus et citoyens.

Réunis au Pavillon de l'Orangerie (Sénat) lundi 18 décembre, les représentants de Régions de France ont convié plusieurs personnalités politiques pour célébrer les 25 ans de l'institution.

Étaient notamment présents François Hollande, Jean-Pierre Raffarin, Yaël Braun-Pivet, Pierre Moscovici ou encore Éric Woerth. L'occasion d'analyser les politiques déjà mises en oeuvre et de tracer le chemin à venir...

Régions de France, contemporaine d'une réforme de taille

L'événement vaut un rappel historique... Nous sommes en décembre 1998. Les représentants des Régions, alors au nombre de 26, décident de s'allier au sein d'une association, dont l'objectif sera de porter leurs voix aux échelles de l'État et de l'Union européenne.

Les vents leurs sont alors favorables : arrivé à l'Élysée trois ans plus tôt, Jacques Chirac est un fervent partisan de la décentralisation entamée en 1976 sous la présidence Giscard d'Estaing. En 2002, il nomme Jean-Pierre Raffarin à Matignon. Ensemble, ils portent l'"Acte II de la décentralisation": un sacré "morceau", qui donnera plus de souplesse et de poids aux collectivités locales.

Les pouvoirs et responsabilités des Régions se voient alors renforcés par le biais de la loi du 28 mars 2003, qui inscrit dans la Constitution le principe de "l’organisation décentralisée de la République". Dans la foulée, plusieurs lois sont publiées, qui renforcent l’autonomie financière des collectivités territoriales, leur autorisent le droit à l’expérimentation, instituent le référendum local. En 2004, un pas supplémentaire est franchi avec la loi du 13 août, qui transfère aux Régions les aides économiques aux entreprises, les crédits de formation professionnelle...

En 2013 intervient l'Acte III de la décentralisation, chapeauté par François Hollande. Cette série de mesures rebat de nouveau les cartes pour attribuer plus de prérogatives aux Régions. Plusieurs contours sont redéfinis : mode de scrutin, modernisation de l'action publique, nouveau tracé des Régions (ramenées au nombre de 18) et nouveau périmètre d'action des Régions (loi NOTRe du 7 août 2015).

Décentraliser pour mieux servir 

Un quart de siècle après la création de Régions de France, que reste-t-il des ambitions et des schémas de l'époque ? En France, reconnaissent les conférenciers, l'exécutif a encore tendance à tirer la couverture à lui, en syphonnant, sans forcément le vouloir, le pouvoir décisionnel. À l'instar des municipalités, intercommunalités, cantons et départements, les Régions ont donc un défi : lutter contre la tradition jacobiniste en faisant valoir leurs décisions, besoins et particularismes à l'échelle locale.

"L'unité n'est pas l'uniformité", "la différenciation n’est pas la séparation", a ainsi nuancé la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. "Les grands moments de l’Histoire de France furent ceux où les Français allièrent leurs particularités et atouts pour renforcer l’État", a-t-elle aussi souligné. 

Invité sous l'étiquette de "Grand témoin", François Hollande a ainsi appelé à poursuivre l'effort de décentralisation, en accordant davantage de prérogatives aux collectivités locales. "Il faut transférer plus de pouvoirs aux Régions, (...) et réétudier la délégation du pouvoir décisionnel aux départements (...) L’intérêt de l’Etat, c’est que les élus aient plus de pouvoir", a maintenu l'ancien Président de la République.

"La décentralisation, c'est la possibilité de démontrer chaque jour que ce qui est décidé est fait, et que ce n'est pas qu'une parole."

François Hollande

Mais pour gouverner, encore faut-il bénéficier de solides ressources... D'où l'intérêt de rénover la fiscalité des territoires, a martelé l'ex-chef de l'État, qui souhaite notamment que les élus des collectivités "puissent décider de la mise en place d’un impôt". D'après François Hollande, il conviendra par ailleurs de clarifier la fiscalité actuelle, jugée "illisible" car mixte (impôts nationaux et locaux) : "cette pluralité de ressources dessert les collectivités", a-t-il ainsi jugé.

Toujours plus de proximité

Un autre défi attend les Régions : rapprocher les citoyens des élus. Sujet d'inquiétude croissant pour les élus locaux (pour preuve, la mobilisation lors du dernier Congrès des Maires de France), la question de la défiance vis-à-vis du monde politique a été largement abordée.

Pourtant, nombre d'élus sont mobilisés sur le terrain. "Plus de la moitié des députés siègent dans un conseil municipal, départemental ou régional", a ainsi noté Yaël Braun-Pivet. Mais le statut de l'élu, comme sa rétribution, "ne sont pas à la hauteur des services rendus", a-t-elle estimé. Nombre d'élus, a-t-elle rappelé, cumulent emploi à plein temps et mandat local, ce qui les oblige à exercer à coups de "sacrifices personnels" sur leur vie privée ou professionnelle.

Il convient désormais de "remédier à cette désaffection pour la vie publique" et à "la réduction des moyens et prérogatives des Régions", a insisté Carole Delgaprésidente de Régions de France et présidente de la Région Occitanie

 

"Notre pays a besoin d’être apaisé et rassuré : il est nécessaire de rassurer notre peuple !"

Carole Delga, présidente de Régions de France

"Le contexte international préoccupant que nous vivons modifie notre rapport à la souveraineté (...), il nous oblige à garder un formidable espoir et nous rappelle le sens du service au peuple", a développé Carole Delga, qui exhorte les acteurs politiques à s'unir au-delà des clivages politiques.

Un voeu qui sera sans doute matérialisé dans les mois à venir par les travaux de la mission parlementaire conduite par Éric Woerth ayant pour objet "la clarification de l'action publique territoriale et l'identification de nouvelles pistes de décentralisation".

Vigilance rouge au sujet de l'apprentissage 

 

Trois heures trente n'auront pas suffi à parcourir en longueur l'ensemble des thématiques relatives aux Régions... Néanmoins, la question du financement de l'apprentissage a été abordée avec ardeur par le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, qui a rappelé que le sujet était surveillé par les Régions comme le lait sur le feu. 

 

Du côté de l'apprentissage, "nous sommes dans un quinquennat de recentralisation", a jugé l'ancien président de Régions de FranceSi l'apprentissage a dernièrement "explosé", a-t-il argumenté, c'est "parce que ce qui était autrefois financé par les entreprises est maintenant financé par l'État avec le 'quoi qu’il en coûte' : 10 milliards d’euros". Et de dénoncer "une situation infernale" : "on a permis à L’Oréal et aux grands groupes français de créer leurs propres écoles, le lobbying a parfaitement fonctionné... Dieu sait si je suis proche des entreprises, mais à ce point c’est indécent !"

 

Alain Rousset s'est également offusqué des centres d'apprentissage "créés virtuellement" : "quand on sait ce qu’est l’apprentissage, ça peut paraître paradoxal... Vous avez des écoles de commerce - il suffit de les interroger - qui se sont gavées".

 

"Par contre, aujourd’hui, il n’y a pas plus d’apprentis infra-bac – des boulangers, menuisiers… 80% des apprentis sont formés par des artisans - qu’en 2010", a-t-il avancé. Entre 2010 et 2022, le nombre d'apprentis bac et infra-bac est en effet passé de 214.000 à 307.000. Dans le supérieur, l'évolution est plus marquante 75.000 en 2010, contre 523.000 en 2022.

Une tendance à pondérer, toutefois, puisque sur la seule année 2022-2023, les CFA des Chambres de métiers et de l'artisanat ont bien enregistré un regain d'intérêt, avec une hausse de 2,5% du nombre de contrats d'apprentissage (soit 112.000 jeunes apprentis au total). Raison pour laquelle le réseau se bat dur comme fer pour maintenir des financements et des conditions de formation dignes et adaptés aux besoins des jeunes.

>> Lire aussi notre entretien avec Carole Delga :  "Notre pays souffre du manque d'écoute"

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