Portrait

Maxime Leroy : son truc en plu(me)s

Le 06/11/2019
par Julie Clessienne
Dix ans seulement auront suffi à propulser Maxime Leroy au firmament d’un métier rare et exigent : la plumasserie. Des plateaux de cinéma, aux podiums des défilés haute couture, et désormais au cœur de l’atelier historique du Moulin Rouge, il imprime de sa patte – minutieuse et audacieuse – le monde de la plume.
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Le plumassier Maxime Leroy assis derrière son établis, en plein collage de plumes vertes

L'envol

Piqué par la plume, qu’il découvre en option arts appliqués en filière littéraire, Maxime Leroy emprunte cette voie en 2010, et ne s’en écartera plus. Ainsi, à peine obtenu son CAP de plumasserie en un an qu’il enchaîne au lycée professionnel Octave Feuillet (le seul lycée de France à proposer cette formation, promotion de dix élèves par an) « avec les meilleures notes depuis vingt ans ! ». Il deviendra lui-même professeur, à 22 ans seulement…

« J’ai envie que la transmission perdure et, en sept ans à ce poste, j’ai œuvré pour développer les CAP en un an, pour y attirer des personnes plus expérimentées, bachelières. Exactement ce que recherchent désormais les grandes maisons de couture. »

Éthique et patience

Rassurez-vous, aucun animal n’a été blessé durant ce reportage ! « J’utilise essentiellement des plumes de mue – d’oiseaux non protégés – récupérées auprès d’éleveurs sélectionnés avec rigueur », souligne Maxime Leroy. Les autres plumes (poules, canard…) sont issues d’élevage classique dont les animaux sont destinés à la consommation et les plumes considérées comme un rebut.

Une dimension éthique, une patience à toute épreuve (6 mois à 3,5 ans sont nécessaires avant qu’un faisan n’atteigne sa maturité sexuelle et donc ne mue) et un sacerdoce administratif qui n’ont pas rebuté le plumassier et son associé, Paul Baret. « Ce qui a été négocié et pensé en amont avec les éleveurs, toute la filière de la plumasserie en bénéficie désormais ! Cela a pérennisé notre métier et le leur, nous assure des plumes de qualité sur le long terme. »

Sans limite

Autruches, perroquets, faisans, paons… À chaque plume sa souplesse, son « gras », ses exigences. Sa connaissance pointue de la matière ouvre à Maxime Leroy des collaborations prestigieuses dans les milieux de la mode ou de la décoration, un terrain de jeu sans limite. À son actif, aussi bien des bracelets de montre, des pieds de lampe, une moto, de la maroquinerie, des chaussures… « Je me considère comme un artisan, pas comme un artiste. Je mets au service d’un créateur mon savoir-faire, mes techniques, comme pour Jean Paul Gaultier avec qui je collabore depuis dix ans. Je conçois des projets à vivre, utiles. »

« Je ne me considère pas comme un artiste, je ne veux pas conceptualiser mon savoir-faire. Je suis un artisan : je conçois des choses utiles, qui durent, qui vivent… »

Moulin rouge, côté coulisses

Consécration ultime : Maxime Leroy est devenu en début d’année le mandataire de la Maison Février, l’atelier de plumasserie historique du Moulin Rouge, intégré en son sein, à Montmartre. « Et dire que l’univers du cabaret ne m’attirait même pas ! », s’amuse-t-il. Son idée : « redonner ses lettres de noblesse à cette maison, développer l’aspect mode, qui s’est un peu perdu en chemin, conserver l’âme du travail réalisé ici, tout en le modernisant ». Pour ce faire, il est entouré de cinq « petites mains » (une expression qu’il exècre !), dont deux véritables « autruchiennes » au savoir-faire inestimable (une tonne de plumes d’autruche est travaillée ici chaque année !

Chemin tout tracé

En parallèle, Maxime Leroy est toujours à la tête de M Marceau, son atelier de création lancé il y a cinq ans, et de Sacco Baret, une marque vitrine qui met en avant ses créations de haute-façon (souliers, maroquinerie…). « À terme, je souhaite réussir à incorporer l’aspect expérimental et l’audace qui anime M Marceau au sein de la Maison Février », explique le jeune homme. En attendant, il devra s’atteler à un autre chantier de taille : une installation autour de l’art de la plumasserie pour fêter la réouverture de la salle d’exposition temporaire du musée des Arts décoratifs Paul Dupuy, à Toulouse, en 2020. De quoi déployer un peu plus ses ailes… et sa réputation déjà solide.

Dates clés 

2010. CAP en un an au lycée Octave Feuillet, dans le XVIe arrondissement à Paris. Il en sortira major de promotion et y deviendra professeur dans la foulée.

2011. Première collaboration avec Jean Paul Gaultier pour le lancement de Kokorico, le nouveau parfum du créateur.

2016. Exposition « Double je » au Palais de Tokyo avec la Fondation Bettencourt Schueller. Sa moto ornée de plumes noires attire tous les regards.

2019. Prise de fonction au sein de la Maison Février, structure appartenant au Moulin Rouge. Il y est, entre autres, en charge de l’entretien et la modernisation des costumes des 60 danseurs(ses).

www.m-marceau.com  / www.saccobaret.com 

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