Interview

Jean-Pierre Pernaut : "La proximité ? Mon leitmotiv depuis plus de 30 ans…"

Le 15/09/2020
par Propos recueillis par Julie Clessienne
Figure emblématique du 13 heures de TF1 depuis 32 ans, Jean-Pierre Pernaut a toujours misé sur la proximité et la défense des savoir-faire. Sans langue de bois. Une orientation largement plébiscitée par le public, qui place régulièrement le journaliste en tête des palmarès des personnalités préférées des Français.
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Jean-Pierre Pernault souriant, sur le plateau du 13 heures de TF1

Le Monde des Artisans : Comment expliquez-vous que votre 13 heures soit si suivi ?

Jean-Pierre Pernaut : Nous avons des audiences au sommet depuis 30 ans. Le 13 heures est le 2e journal télévisé européen (après le 20 heures de TF1) et le 1er journal mondial de la mi-journée en termes d’audience… Nous sommes fiers de cela ! Nous avons été les premiers dans l’audiovisuel à mettre cette notion de proximité en avant. Si notre ligne éditoriale évolue bien évidemment en même temps que la société, elle reste ancrée autour de la vie des Français, au plus près de leurs préoccupations, de leurs bonheurs, de leurs difficultés parfois. Le réseau de correspondants en région que j’ai créé à mon arrivée est désormais la norme dans toutes les rédactions de JT…

LMA : Avez-vous ressenti un regain d’intérêt de votre public pour la proximité ces dernières années ?

JPP : Pour moi, cet intérêt pour la proximité a toujours existé. Pour preuve : les audiences remarquables du 13 heures depuis très longtemps. Ce qui a changé, en revanche, c’est l’intérêt des autres médias qui se sont dits « Tiens, il y a autre chose au-delà du boulevard périphérique ! ». Cette prise de conscience s’est encore accentuée au moment de la crise des gilets jaunes.

LMA : Vous vous êtes toujours posé comme le défenseur des savoir-faire…

JPP : Le fait d’être au plus près de la vie des gens en région fait que l’on est aussi au plus près de tous ceux qui travaillent, notamment des artisans, si nombreux, si efficaces, si mobilisés, comme on l’a vu pendant le confinement. Dans la partie magazine du 13 heures, on découvre les régions à travers leurs richesses, leur patrimoine et le savoir-faire d’artisans. C’est un leitmotiv depuis 30 ans. J’ai pour coutume d’utiliser la phrase « ils ont le savoir-faire au bout des doigts, ils n’ont pas le faire savoir » On essaye de les faire connaître, grâce à une équipe de journalistes exceptionnels. Ces gens font des métiers que l’on disait en voie de disparition autrefois, comme les ferronniers, les ébénistes… Aujourd’hui, ce sont pour beaucoup devenus des métiers d’art. Je crois d’ailleurs que c’est Jack Lang qui a contribué en partie à cette reconnaissance. Je prends toujours en exemple le métier de charron (fabricant de roues en bois).… Nous avions réalisé le portrait de l’un d’eux qui se désespérait de trouver un apprenti et de nouvelles commandes. Quelques années après, nous sommes retournés le voir. Il avait retrouvé le sourire : son entreprise avait été sauvée grâce à la mode des courses d’attelage. Je constate également au fil des années un rajeunissement considérable de ces métiers.

« J’ai pour coutume d’utiliser la phrase "ils ont le savoir-faire au bout des doigts, ils n’ont pas le faire savoir". On essaye de les faire connaître, grâce à une équipe de journalistes exceptionnels. »

LMA : Avez-vous l’impression de contribuer vous-même à les pérenniser en leur donnant cette visibilité ?

JPP : Quand on a commencé à faire ce type de reportages à l’époque, on me regardait avec de gros yeux en se demandant qui ça pouvait intéresser. Aujourd’hui nous constatons que le public du 13 heures rajeunit d’année en année ! Quand on voit le succès de l’École Boule, des journées portes ouvertes des Compagnons du Devoir…, on perçoit bien l’intérêt croissant des jeunes pour ces métiers où il y a du travail, une expérience à acquérir auprès des anciens.

LMA : Votre intérêt pour ce secteur est uniquement journalistique ou il y a des raisons plus personnelles ?

JPP : Rien de personnel, mais j’ai toujours aimé rendre hommage à ceux qui avaient un savoir-faire, une expérience… Ce ne sont pas des gens qui ont des attachés de presse ! Ce sont des gens discrets que j’aime beaucoup, des rencontres qui me touchent et dont j’aime parler. Pour nous, en télévision, c’est magique de voir à la fois les gestes d’artisans, mais aussi leur regard, et de partager cette richesse qui est la preuve de la passion qu’il y a derrière tout cela. Ça se voit, ça se sent, et c’est tellement agréable dans un monde un peu agité…

LMA : Justement, vos prises de position régulières sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement ne passent pas inaperçues… Vous pointiez notamment du doigt la fermeture imposée de certains petits commerces…

JPP : J’estime que je fais simplement mon travail de journaliste en montrant, parfois, des incohérences. Par exemple : la fermeture des fleuristes la veille du 1er Mai alors que les jardineries étaient ouvertes.  La vente de masques était interdite dans les pharmacies mais autorisée chez les buralistes… Ce sont des remarques de bon sens qui ont pu être interprétées comme un coup de gueule ou des remontrances alors que ce n’était pas cela.

LMA : Que vous évoque la situation aujourd’hui ?

JPP : On suit de près le travail des artisans et petits commerçants car ils ont souffert énormément pendant la crise. On pouvait penser qu’elle était derrière nous, mais les autorités nous disent le contraire. Il faut faire le point sur la réalité de l’épidémie : combien de personnes encore hospitalisées, le nombre de décès…. Les mesures de précaution mises en place freinent la reprise de l’épidémie. On s’efforce de faire le point au jour le jour ; nos spécialistes y travaillent !

LMA : Quelles sont vos craintes pour les artisans à l’avenir ?

JPP : L’inquiétude des artisans, on la partage évidemment… D’ailleurs, nous avons mis en place, il y a une dizaine d’années déjà, l’opération SOS Villages, pour essayer de sauver de nombreux commerces ou activités artisanales menacées faute de repreneurs après un départ à la retraite. Sur le site www.sosvillages.fr, plus de 8 000 annonces sont consultables, et vérifiées par nos soins. Toutes les semaines, avec la journaliste Dominique Lagrou Sempère, nous mettons en avant dans le 13 heures soit des offres de cession, soit des commerces repris. Grâce à notre force de frappe et nos 5 millions de téléspectateurs, ces commerçants qui n’avaient pas trouvé de repreneurs depuis 5 ou 6 ans, ont parfois une vingtaine de « touches » en 8 jours ! Un article de La Dépêche du Midi paru au mois de juin estimait même que 30 à 40 % des reprises de commerces réalisées sur le territoire du nord du Lot se sont faites par l’entremise de SOS Villages ces derniers années. Nous avons aussi de plus en plus de municipalités qui se sont rendu compte, récemment, de l’importance sociale des petits commerces ou des artisans. La disparition d’une activité est toujours un coup dur pour un village. Désormais, les mairies déposent elles-mêmes des annonces sur le site, subventionnent des locaux pour l’ouverture d’un commerce ou d’un bistrot… Tous les ans, on réussit à sauver quelques centaines de commerces ruraux. On refera une semaine spéciale sur ce thème mi-octobre. C’est une cause qu’on souhaite continuer à défendre. En y associant, pourquoi pas, les Chambres de métiers et de l’artisanat ou les Chambres de commerce puisque nous avons des intérêts communs…

Jean-Pierre Pernaut en quelques dates

 

  • 1950. Naissance à Amiens (Somme) d’une mère pharmacienne et d’un père directeur d’une usine de machines-outils.
  • 1975. Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, il rentre à TF1 le jour de la création de la chaîne.
  • 1988. Il remplace Yves Mourousi et Marie-Laure Augry à la présentation du journal de 13 heures. Un poste qu’il occupe encore aujourd’hui.
  • 1991. Lancement du magazine « Combien ça coûte » qu’il présentera jusqu’en 2010.
  • 2020. Jean-Pierre Pernault quittera le 13 heures de TF1 avant Noël (annonce du 15 septembre)
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