Justice

Assurance : naissance de la jurisprudence "perte d'exploitation"

Le 12/01/2021
par Laëtitia Muller
De nombreux commerçants se sont tournés vers leur assureur, après la fermeture administrative de leur établissement, pour raison d'urgence sanitaire. Tous n'ont pas répondu présent. Face à ce mépris, un commerçant des Gets a obtenu la condamnation d'Axa à l'indemniser : explications…
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Rappel des faits 

Dans un jugement du 22 décembre dernier, le Tribunal de Commerce d'Annecy condamne Axa à indemniser, au titre des pertes d'exploitation, un hôtel-restaurant des Gets (Haute-Savoie).

Suite à la fermeture de son établissement, pour cause de crise sanitaire liée à la Covid-19, un hôtelier restaurateur se tourne, naturellement, vers son assurance "perte d'exploitation"

Cette dernière lui oppose une fin de non-recevoir. En cause, une clause du contrat d'assurance qui stipule que "la garantie perte d’exploitation ne joue pas si l’interruption d’activité touche plusieurs établissements dans une même région ou au niveau national"

Une solution qui fait jurisprudence 

Force est de constater que la Covid, comme toute épidémie, a frappé l'ensemble du territoire. 

Face à ce refus, le commerçant décide de porter l'affaire devant la justice. Le Tribunal d'Annecy juge la clause d'exclusion du contrat comme étant "réputée non écrite ", c’est-à-dire comme n'ayant jamais existé. 

Pour parvenir à cette conclusion, le tribunal rappelle qu'en vertu des dispositions du code des assurances, une clause d’exclusion doit être bien visible dans le contrat. 

Les juges ont considéré que tel n'était pas le cas dans le contrat d'AXA, et qu'en conséquence la garantie "perte d’exploitation suite à la fermeture administrative" trouvait à s’appliquer. 

S'agissant du chiffrage précis des pertes, les juges renvoient à une expertise et ils octroient, à titre de provision, 60.000 euros à l'hôtelier-restaurateur.

Des victoires au compte-goutte 

Plusieurs tribunaux de commerce avaient déjà rendu des décisions similaires, mais dans le cadre de procédures en référé. Autrement dit, cette décision concerne potentiellement l’ensemble des hôteliers-restaurateurs assurés par Axa via ce même contrat type. 

D'aucuns pourront penser que justice est faite, néanmoins s'il fallait qualifier les relations assureurs/commerçants en cette période de crise économique et sanitaire, l'adage serait plutôt : "le pot de fer contre le pot de terre".

En effet, si la bataille contre les assurances est ouverte, à l'image de celle des Traiteurs de France, les semaines se suivent et les dossiers liés aux pertes d’exploitation s’amoncellent dans les tribunaux

Le rapport de force n'est toutefois pas équitable. Les assureurs peuvent modifier les contrats pour l'avenir ou augmenter les primes

→ Il convient néanmoins de faire remarquer qu'une jurisprudence est née avec plusieurs décisions qui vont dans le même sens. 

En effet, les tribunaux de Toulouse, le 18 août, de Tarascon le 24 août, et de Rennes le 24 septembre ont statué dans le même esprit que le Tribunal de Commerce d'Annecy. 

Une patience qui s’essouffle

Malheureusement, sur le terrain,  le ras-le-bol des artisans et commerçants perdure.

>> Lire à ce sujet notre article "Perte d'exploitation : assurances, l'art de l'esquive"

→ Mobilisée, l'Union des Métiers des Industries et de l'Hôtellerie (Umih) a mis en ligne une plateforme permettant aux professionnels du secteur cafés, hôtels, restaurants et discothèques (CHRD) de déposer des recours en cas de litige avec leur assureur.

L'UMIH s'est également impliquée pour faire inscrire, dans la loi de finances pour 2021, la prise en charge des pertes d’exploitation par les assurances : sans succès. 

La mise en place de ces nouvelles clauses contractuelles a été repoussée début 2021, nous y sommes. Nous reparlons donc encore d'assurance et de pertes d'exploitation en ce début d’année…

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