Covid-19

Pénurie de masques : et si les artisans faisaient la différence ?

Le 24/03/2020
par Julie Clessienne
Les stocks de masques de protection sont l’objet de toutes les attentions alors que la France fait face à l’épidémie de coronavirus. Pour endiguer les pénuries, l’État cherche à reprendre une production massive, en mobilisant des entreprises textiles en plus des producteurs habituels. Les artisans, par le biais d’initiatives isolées ou à la demande de leurs organisations professionnelles, se mobilisent aussi.
Partager :

Face à l’urgence d’équiper en masques de protection les professionnels exposés au coronavirus, le secrétariat d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances a mobilisé de façon inédite les entreprises industrielles françaises pour assurer la continuité de leur approvisionnement. Selon la direction générale de la Santé, la production est actuellement de six millions de masques par semaine et elle devrait monter en puissance.

À cette fin, en lien avec le Comité stratégique de filière (CSF) des industries de la mode et du luxe, les pôles de compétitivité Euramaterials et Techtera, les industriels du textile (UIT), de l’habillement (UFIHM) et l’Institut français du textile et de l’habillement, un groupe de travail de la direction générale des Entreprises (DGE) a lancé un appel à destination des entreprises prêtes à proposer des solutions pour augmenter la capacité de production nationale. Cet appel a été accompagné d’un cahier des charges élaboré par la direction générale de l’Armement (DGA) du ministère des Armées, permettant de conduire des tests quantifiant le niveau de protection sanitaire de ces nouveaux masques.

Pourquoi cette pénurie ?

En 2010, la France disposait d'un stock d’un milliard de masques chirurgicaux et de 600 millions de masques de protection respiratoire (dits FFP2). Après la crise de la grippe H1N1, changement de doctrine. Le pays a jugé qu’il n’était plus nécessaire de garder de telles réserves "tant les capacités de production mondiales de masques étaient désormais intenses, notamment en Asie", rappelle le ministre de la Santé Olivier Véran. La France a ainsi affronté le début de la vague Covid-19 "avec un stock nul en FFP2 et à peine 150 millions de masques chirurgicaux adultes et pédiatriques".

Les entreprises passent à l’action

Plusieurs dizaines d’entreprises ont déjà répondu à l’appel et ont proposé des méthodes alternatives de fabrication destinées à compléter les productions des fabricants de masques existants sur le marché.

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, salue cette mobilisation et précise que "l’appel à propositions reste ouvert à toute entreprise volontaire et ce, sans date limite de fin".

Même si plus un jour ne passe sans que les médias et les réseaux sociaux viennent saluer les initiatives solidaires, au premier rang desquelles les dons de masque de protection, les stocks sont toujours jugés insuffisants au vu des besoins.

>> Lire à ce sujet notre article sur l’élan de générosité des artisans.

Dans le Grand-Est, l’un des territoires le plus touché par l’épidémie de Covid-19, la Région a annoncé le dimanche 22 mars la production locale d’un million de masques par semaine. Jean Rottner, président du conseil régional et urgentiste de profession, l’affirme : "Certaines productions ont commencé, d’autres démarreront prochainement, en Alsace, dans l’Aube, en Moselle et dans les Vosges, grâce à l’aide de nos entreprises, de nos partenaires économiques et de la filière textile, qui s’impliquent en masse. C’est un défi que nous devons relever collectivement. C’est un enjeu vital."

« Grâce à notre industrie et à son ingéniosité (…), nous sommes en train d’imaginer des procédés innovants de production de masques de protection. Par ailleurs, les industriels jouent le jeu de la solidarité en modifiant parfois complètement des lignes de production. » Agnès Pannier-Runacher

Dans les Vosges, des couturières volontaires ont réussi à endiguer à elles seules la pénurie de masques de protection de l’Ehpad d’Épinal, comme en témoigne Évelyne Schermann, membre de l’Unacac 88 : "J’ai fabriqué une vingtaine de masques à l’appel de l’Ehpad. Le CHU de Grenoble leur avait au préalable envoyé des patrons et des consignes à respecter pour le choix des tissus. Il est notamment nécessaire de multiplier les couches – j’en ai mis quatre. Celle du milieu devant être un peu plus technique et résistante, j’ai utilisé du polaire. Beaucoup de couturières ont répondu à cet appel, au point que l'Ehpad a pu nous dire stop." Cette mobilisation peut sembler anecdotique mais elle tend à résoudre des problèmes locaux. C'est ainsi que le premier réflexe des entreprises vosgiennes Berjac et Le Drap français, spécialisées respectivement dans les vêtements professionnels et dans le linge de lit, et sollicitées par la préfecture pour produire rapidement des masques de protection, a été de contacter les couturières vosgiennes afin qu'elles viennent en renfort. "Ils vont nous fournir des kits, à charge à nous de les assembler. Pour une fois que les industriels et les indépendants travaillent main dans la main, qui plus est pour une grande cause, cela vaut le coup de le souligner et de s'entraider", conclut Évelyne Schermann.

>> Lire à ce sujet notre interview de Julien Tuffery, qui fabrique des masques de protection depuis le début de l'épidémie.

Les types de masques filtrants

  • Masque antiprojections, de type « chirurgical » (dispositif médical, norme EN 14683) : il sert à piéger les gouttelettes de salive lors de l’expiration de celui qui le porte et évite leur projection vers l’entourage. Il ne protège pas contre l’inhalation de très petites particules en suspension dans l’air. Usages : industrie agroalimentaire (il évite la propagation de bactéries ou de particules de virus à la nourriture) ; médical (il évite la contamination d’un patient par un praticien de santé).
  • Masque de protection ou FFP (appareil de protection respiratoire, norme NF EN 149) : il protège celui qui porte le masque contre l’inhalation de gouttelettes et de particules en suspension dans l’air. Il est équipé d’un filtre avec trois finesses de filtration (FFP1 à FFP3). Usages : industries métallurgique et chimique, BTP, traitement des eaux usées… ; médical, pour protéger un praticien de santé d’une infection.

Source : www.entreprises.gouv.fr

La DGE travaille également depuis plusieurs semaines avec les industriels pour augmenter les volumes de la production de gel hydroalcoolique et pour renforcer les chaînes d’approvisionnement.

En savoir plus : www.entreprises.gouv.fr/covid-19/approvisionnement-en-masques-et-gel-hydroalcoolique
L’Institut français du textile et de l’habillement a rédigé un guide de fabrication de masque de protection simplifié.
Pour répondre à l’appel à propositions sur la production de masques : www.csfmodeluxe-masques.com

Partager :