Trait d'union

Rencontre avec trois artisans surdiplômés

Le 27/04/2023
par Sophie de Courtivron
Ils ont Bac + 5, 6, 7… et, à un moment de leur vie, il y a eu un déclic, une prise de conscience. Ils ont choisi l’artisanat par goût et se sont rendu compte que leur nouveau métier les rendait épanouis et heureux.
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LAURA PUNTO • BOTTIÈRE : "C’est exactement ce que je veux faire"

C’est lors d’une exposition en hommage au dernier bottier de Belleville, à l’Hôtel de Ville de Paris, que Laura, jeune anthropologue italienne (sept ans d’études en communication, anthropologie visuelle et design industriel) a une révélation : "C’est exactement ce que je veux faire". Bottière. Alors qu’elle ne savait même pas en arrivant "ce que "bottier" voulait dire" et qu’elle travaillait alors dans une galerie d’art.

Elle a rencontré ce jour-là "des femmes qui parlent de ce métier, partagent des valeurs", ainsi que le bottier qui deviendra son premier maître : Michel Boudoux.

"J’entre alors dans un cercle de femmes qui s’entraident ; en plus des cours donnés par l’association Atelier Maurice Arnoult, on se voyait le soir pour cultiver notre passion."

En 2011, Philippe Atienza, alors directeur général de la Maison Massaro, vient leur donner des cours de patronage. Deux ans après, en 2016, Laura et lui ouvrent ensemble un atelier. Laura l’a repris depuis septembre 2022 et fait de la botterie pour femmes.

Philippe et Laura sont rentrés dans le dispositif Maître d’art et élève de l’Inma (Institut national des métiers d’art).

Elle ne chôme pas, travaille essentiellement avec des outils anciens et fait tout à la main : mesures au mètre ruban, formes en bois pour chaque pied, maquettes, chaussures avec des matériaux provisoires pour tester, et enfin la paire finale. Il y a trois à quatre mois de la première rencontre à la livraison. "C’est un métier où l’on ne peut pas tricher."

OLIVIER BEURTON • PLOMBIER-CHAUFFAGISTE : "Il faut de l’énergie pour s’adapter"

"Deux éléments de mon passé professionnel ont été essentiels dans ma décision : la primauté des résultats financiers sur tout (le métier, les clients, les usines), et le fait que j’avais toujours au-dessus de moi un ou deux c--- ; je voulais être mon propre patron", évoque sans ambages Olivier Beurton qui, après HEC et 20 ans de responsabilités marketing et commerciales dans de grands groupes internationaux, a racheté en 2004 une entreprise de plomberie à Paris (trois plombiers, 300.000 € de chiffre d’affaires).

Il passe son CAP d’installateur-sanitaire alors qu’il travaille, "par pur intérêt personnel". 

Plus tard, alors qu’il se cherche une entreprise à reprendre, il obtient le CAP d’installateur thermique. "Il faut de l’énergie pour s’adapter ; c’est une véritable mue de passer du monde salarié à celui de chef d’entreprise", pointe-t-il.

Parmi les acquis du passé qui lui ont servi : "La gestion prise à bras le corps instantanément : informatisation, remise en ordre dans les plannings et procédures, formalisation des choses et leur application…, cela conditionne la rentabilité", et "tout le savoir-être de la grande entreprise". Il dit aujourd’hui avoir fait "un excellent choix".

"Je suis allé dans un métier de réalisations concrètes, de l’économie réelle, où les gens sont reconnaissants et nous payent pour cela."

Administrateur de la Capeb Grand Paris, il se forme régulièrement et confie, comblé, avoir "une continuité de vie professionnelle très intense".

FABIEN MASSÉ • MAROQUINIER : "Je gardais cela pour moi"

"J’ai travaillé dans l’ingénierie informatique puis dans le conseil autour des systèmes d’information, avant d’être embauché par Thomson pour la gestion des brevets, explique Fabien Massé, 45 ans, ingénieur diplômé de l’École centrale de Lyon. J’avais depuis assez longtemps une appétence pour le travail manuel et l’envie d’allier cela à mon parcours professionnel."

Sa transition vers l’artisanat s’est faite en douceur. Tout en étant salarié, il passe son CAP (cours le mercredi après-midi) et se débrouille pour faire des stages variés lors de ses congés. "Je gardais ça pour moi."

Sûr de son choix, il quitte son poste fin 2014 et est embauché chez Hermès début 2015, "avec toujours l’envie d’être à mon compte pour avoir la dimension totale du métier : contact avec le client, design des pièces, etc."

Il quitte Hermès en août 2020, prépare son projet et cherche un local à Quimper. Son atelier-boutique de maroquinerie ouvre le 23 octobre 2021.

"Je fais du haut de gamme, des choses très finies (petite maroquinerie, sacs de voyage, objets pour la maison…), ainsi que tout projet sur mesure ; je vends aussi mes fabrications."

Son expérience chez Hermès lui a fait connaître des fournisseurs et il collabore uniquement avec des filières françaises (cuirs, accessoires).

Dans le futur, Fabien pense mettre en place des cours d’initiation : "Il y a un travail d’éducation à faire ; avec l’industrialisation, les gens ont perdu le sens de ce qu’est la qualité".

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