APCMA

Bernard Stalter : ses ambitions pour l’artisanat (4/4)

Le 16/01/2017
par Propos recueillis par Julie Clessienne et Samira Hamiche
Quatrième et dernier volet de cette rencontre exclusive avec Bernard Stalter, président de l’APCMA, avec le passage en revue des enjeux qui impacteront forcément et fortement l’Artisanat à court et long terme…
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Luthier"Nous ne sommes pas dans un schéma où une machine produit. Ici, c’est un humain qui produit avec ses mains, sa tête mais aussi son cœur. Ce sont ces choses-là qu’il faut valoriser !"

La transmission d’entreprise est une priorité aujourd’hui. Comment l’encourager ?

Pendant des années, nous avons travaillé sur les créations d’entreprise mais pas assez sur la transmission. Aujourd’hui, 20 % des chefs d’entreprise ont plus de 55 ans. Ce serait un drame social si leurs entreprises ne se transmettaient pas et mettaient la clé sous la porte car, souvent, les collaborateurs ont un décalage de cinq ou six ans avec leur chef d’entreprise et sont alors dans la plus grande difficulté à retrouver un travail. Nous devons inciter les Régions à faire des contrats d’objectifs sur la formation comme sur la transmission. Nous devrions aussi créer un Observatoire de l’artisanat, région par région et filière par filière, en partenariat avec les organisations professionnelles, qui permettrait de dresser un état des lieux, car pour l’instant l’Insee ne reconnaît pas l’artisanat.  Une fois que tout cela sera lancé, il faudra faire en sorte que les jeunes que l’on forme jusqu’au niveau III soient mis en lien avec les cédants. Il faudra aussi et surtout inciter les banques et les sociétés de cautionnement comme la Socama et la Siagi à donner la possibilité d’accès au crédit et à limiter, grâce à ces organismes, les garanties personnelles exigées qui sont pour l’instant un frein du statut d’EIRL. On donnera ainsi la confiance nécessaire à la reprise d’entreprises, à leur développement. Quand cette confiance sera redonnée, la France redémarrera. 

"Je crois beaucoup en l’artisanat et en cette jeunesse qui, demain, a envie de rentrer chez nous et de reprendre nos entreprises."

L’auto-entreprenariat peut-il se transformer en atout pour l’Artisanat ?

Beaucoup choisissent ce régime. Je pense que, là encore, nous ne devons pas les laisser au bord de la route. Il faut les inciter à devenir des vraies entreprises, à former, embaucher, se développer. Utilisons donc ce statut pour leur mettre le pied à l’étrier mais accompagnons-les pour leur développement.

Comment mieux faire connaître le secteur au grand public et aider les artisans à défendre leurs spécificités ?

Nous ne sommes pas dans un schéma où une machine produit. Ici, c’est un humain qui produit avec ses mains, sa tête mais aussi son cœur. Ce sont ces choses-là qu’il faut valoriser ! Mettons en avant aussi la possibilité de faire du "sur-mesure", le fait que les artisans arrivent toujours à s’adapter aux demandes de leurs clients, même compliquées. Et cette multitude de métiers avec chacun leurs spécificités ? C’est ça l’Artisanat, première entreprise de France ! Comment vouloir déréglementer les professions, comme l’a fait Emmanuel Macron, alors que tous ceux qui travaillent à Bercy sont bardés de diplômes ? Comment peut-on dire qu’on n’a pas besoin de qualifications et donner en toute confiance notre voiture à un garagiste qui n’aurait pas besoin d’être qualifié ? Valoriser l’artisanat, c’est aussi valoriser la qualification, le savoir, la réussite et la possibilité de réussite… Aujourd’hui, certaines organisations professionnelles communiquent à l’occasion d’événements spécifiques : la Semaine du Goût, le Mondial Coiffure Beauté, les Journées professionnelles de la Capeb. Il y a aussi les portes ouvertes de CFA qui sont une réussite complète, les stages d’orientation et stages découverte qu’il faut développer. On doit aussi encourager les décideurs à venir découvrir nos métiers avec des opérations comme "Fais mon job" ou "Artisan d’un jour". Tout un panel d’initiatives existe pour valoriser nos entreprises et nos métiers et faire de notre secteur un pôle d’attractivité énorme et l’une des planches de salut de l’économie française !

Les artisans font aujourd’hui face à différentes menaces comme l’"ubérisation" ou les travailleurs détachés. Comment les appréhendez-vous ?

Si vous voulez de l’exploitation, il faut continuer comme ça ! L’artisanat, lui, offre un service de qualité et traite ses artisans humainement donc nous ne pouvons cautionner l’ubérisation. Si nous jouons la qualité et la qualification, n’ayons pas peur de ce phénomène. Il faut engager une vraie réflexion sociale avec les futurs candidats sur l’avenir de notre planète et de notre pays en pensant à ceux qui vont les reprendre un jour. Nous ne devons pas les gérer à court terme ! Veut-on d’une société ubérisée sans protection sociale ? Laissons plutôt à nos jeunes une planète correcte, un pays correct et une protection sociale correcte. Je suis aussi un pro-européen, mais on ne peut continuer à embaucher des travailleurs détachés qui sont exploités. Tant qu’on n’aura pas d’Europe fiscale et sociale, ce sera compliqué. Je suis d’accord pour libérer les énergies et pour ne pas être protectionniste. Quand on est artisan, on n’a pas peur de la concurrence, du moment qu’elle est loyale ! La concurrence, on la pratique tous les jours… Nous sommes même pour que le secteur se développe, c’est pourquoi nous encourageons la création et l’envie d’entreprendre, mais pas à n’importe quel prix. 

"Nous sommes pour la promotion d’entreprendre à concurrence égale et loyale."

 
 

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