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Ils ont parié sur les marchés de niche

Le 20/03/2017
par Marjolaine Desmartin
Concurrence moins forte, potentiel de marges plus élevées : les niches sont souvent plus rentables que le marché de masse… et plus risquées. Rencontre avec des artisans qui, en acceptant de se mettre en danger, ont tout gagné. Preuve que " la fortune " sourit aux audacieux.
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Hervé Brunelle a reçu le label Entreprise du Patrimoine Vivant en 2007.

Hervé Brunelle, formier-embauchoiriste : Garder la forme

Que serait une chaussure sans la patte de Hervé Brunelle ? Cet artisan est une pointure dans son domaine : l’embauchoir. En épousant la forme de la chaussure lorsqu’elle n’est pas portée, l’embauchoir évite son affaissement et l’apparition de plis d’usure. Objet pratique s’il en est, il devient esthétique, œuvre d’art, sous les doigts de Hervé. Compagnon du devoir du Tour de France pendant douze ans, formier chez Hermès, l’Axonais (l’atelier de Hervé est situé à Troësnes, Aisne) s’installe à son compte en 1999. Passionné par le travail du bois, il sculpte des formes et embauchoirs sur mesure. Rallumant la flamme d’un savoir-faire traditionnel éteint. Aucune formation n’existe ? "J’ai appris au fil des années, à force de recherches et de mises au point", raconte Hervé. Aucun outillage n’est adapté ? "Je dessine moi-même mes outils." Rien n’arrête l’artisan. Berluti, Massaro, Corthay…, les meilleurs bottiers, les grandes maisons de haute couture se l’arrachent. Tout comme les particuliers et les podo-orthésistes. Pour ne pas crouler sous les commandes et rester libre de choisir, Hervé a initié à son art son ami Christophe Varraud, aujourd’hui formier dans les Bouches-du-Rhône, et se concentre sur l’export. "Je travaille beaucoup avec le Royaume-Uni, où on apprécie les embauchoirs réalisés comme il y a cent ans. Selon les pays, les demandes sont très différentes." Chaque année, Hervé sculpte plus de 1 500 pièces… Et trouve le temps d’exposer au Grand Palais à Paris et de participer aux Journées du Patrimoine pour faire connaître son savoir-faire au grand public.

hervebrunelleformesetembauchoirs.fr

Fabien Ollivier, entretien d'installations photovoltaïques : Une place au soleil

La base de données ENF recense 678 entreprises d’installation ou de maintenance de panneaux solaires en France. Parmi elles, Amisun. Située à Montflours (53), cette société a été fondée en avril 2013 par Fabien Ollivier et David Larbre. Les deux hommes se sont "jetés à l’eau" après la fermeture de la société d’installations photovoltaïques qui les employait. "Nous ne partions pas de zéro. Nous avions les compétences en charpente, couverture, électricité et surtout la technicité du terrain", souligne Fabien. Efficace, réactive, la petite entreprise se fait rapidement un nom dans le secteur de la maintenance, du nettoyage et du dépannage de panneaux (la pose est plus anecdotique). Seule en Mayenne sur ce créneau, elle travaille pour le monde agricole (à 50 %), pour les particuliers et pour les collectivités. "En quelques années, nous avons quadruplé notre chiffre d’affaires. La seule concurrence qui existe est nationale, et les agriculteurs préfèrent le local", sourit Fabien. Amisun a aussi diversifié son offre en proposant à ses clients d’injecter directement l’électricité produite dans leur réseau domestique afin de réduire leur facture énergétique. L’entreprise, qui adhère à l’association PVCYCLE France, est par ailleurs l’unique point de collecte de panneaux solaires en fin de vie en Mayenne. Or, pour effectuer cette mission, il lui faut de la place. C’est pourquoi Fabien et David projettent de monter, avec cinq autres sociétés, une zone artisanale réversible et écologique. Baptisé L’Archipel, ce projet atypique colle parfaitement à l’identité de ses porteurs.

www.amisun.fr | Facebook : amisun53

Éric Fayerman, plectrier : Une partition haut de gamme

La routine, la banalité ? Éric Fayerman, dit "Riki le plectrier", les bannit. Touche-à-tout, cet artisan alsacien (Kaysersberg) a tâté de la menuiserie, de la logistique… avant de revenir à ses amours premières, la musique et le bricolage. Dans son petit atelier, il "sublime" les médiators (ou plectres), ces accessoires indispensables des guitaristes. Grand collectionneur, Riki a eu le déclic après avoir reçu une corne de cerf. Immédiatement, il y façonne un médiator, dont l’utilisation produit un son chaleureux, différent. L’artisan commence alors à s’amuser avec les matières, y compris les métaux : laiton, cuivre, bronze, titane… "Beaucoup de choses influencent le son, explique-t-il. Le matériau, l’épaisseur, la taille." Il crée même des plectres en os ou corne de mammouth. Après des années passées à s’essayer au façonnage, à découvrir les propriétés des matières et à tester (ou faire tester) ses œuvres, Riki sélectionne certains matériaux pour incruster des sonorités uniques à ses médiators. Installé depuis un an en tant que professionnel, il propose une gamme de neuf modèles. Des plectres… mais pas que. Les réalisations de l’artisan sont de véritables bijoux. Entre autres exemples, Riki a incrusté de minuscules engrenages dans l’un de ses modèles. Son premier "chef-d’œuvre" lui a coûté huit heures de travail. "C’est comme ça que je m’évade. Produire pour produire est rébarbatif. J’aime créer. Et puis, je n’ai jamais voulu faire comme les autres. J’aime me démarquer. Aller à l’extrême." L’artisan produit 70 à 100 médiators par mois. Porté par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux, il s’est construit une solide notoriété chez les guitaristes, en France et à l’étranger – Russie, États-Unis, Espagne, Italie… – et mûrit des projets ambitieux. Affaire à suivre, donc.

www.riki-le-plectrier.net | Facebook : riki.plectrier

Hommes et femmes d'exception

Ce qui fait la richesse de l’artisanat, c’est la diversité de ses métiers. Plus de 250, dont des activités plus rares ou insolites, dans lesquelles des hommes et des femmes de talent et de passion ont choisi de s’exprimer. À Cachan (Val-de-Marne), la petite entreprise Litavis se spécialise dans la fabrication artisanale de globes terrestres et l’édition cartographique, touristique et régionaliste. Sandro Faita (Lyon) est facteur de cors des Alpes. Ils ne sont que cinq en France, et seulement une vingtaine en Europe, à exercer cette profession. Des métiers atypiques comme ceux-ci, il en existe une multitude : fabricant de filets de pêche, taillandier, lunetier-tabletier, biscottier, graveur de timbres, santonnier, treillageur, campaniste… À découvrir notamment sur le site des Entreprises du Patrimoine Vivant.

www.patrimoine-vivant.com

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