Créations d'exception

« Cet article n’est pas à vendre »

Le 25/10/2022
par Cécile Vicini
Au fil de la création artistique, naissent des chefs d’œuvre dont la valeur est inestimable aux yeux de leur créateur ou de leurs descendants. Imprégnés de sentiments et d’une histoire singulière, ils sont devenus de véritables emblèmes du patrimoine familial, voire même local. 2022 ayant été proclamée année internationale du verre par l’Organisation des Nations Unies, nous profitons de l’occasion pour faire pleine lumière sur le (fameux) Carrosse de la verrerie d’Art de Gourdon.
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L’œuvre mesure 1, 20 mètre de longueur pour 50 centimètres de hauteur, et trône toujours au sein de la boutique familiale. Symbole de fierté et de transmission entre générations, elle témoigne d’un savoir-faire inégalé, mais surtout de l’amour d’un artisan pour son métier.

Une entreprise familiale née dun passionné autodidacte

Charles Balembois, ou « Charly » pour les intimes, était considéré comme un « poète de la transparence » et comme un véritable partisan de la préservation de la pensée humaine par ses proches, et certains professionnels des métiers dart.

Né en 1927 à Paris, cest à l’âge de 10 ans quil commence sa carrière dartisan verrier, en apprenant lArt du verre de manière autodidacte au cœur des cristalleries parisiennes. Un travail alimentaire qui allait rapidement forger le futur artisan… Et sa carrière artistique.

En 1954, après avoir rencontré son épouse Lily, le couple se dirige vers la Côte dAzur, plus précisément vers la ville de Grasse où lartisan a exercé son savoir-faire sur les flacons destinés aux parfumeries de prestige.

La suite des choses amène le couple à poser définitivement ses valises à Gourdon dans les Alpes-Maritimes. Une commune pittoresque, considérée comme lun des plus beaux villages de France.

Autodidacte, artiste et véritable passionné, c'est dans un tout petit atelier situé dans la rue principale que Charles Balembois sinstalle pour exercer et perfectionner l'art du verre filé.

La qualité de ses œuvres contribue à une notoriété rapide, ce qui permet louverture dune deuxième, puis dune troisième boutique, toutes situées dans le village de Gourdon.

La naissance dun chef-d'œuvre

Reconnu dans le cercle très fermé des arts du verre, Charles Balembois a su se démarquer par ses créations animalières subtilement élaborées, en trouvant linspiration auprès du papa de Mickey, le célèbre américain Walt Disney.

Cest dailleurs le dessin animé de Cendrillon, sorti dans les cinémas en 1950, qui a été la principale source dinspiration du fameux Carrosse en verre filé.

Ce dernier naît en1960 et est élaboré dans des dimensions imposantes et se compose de deux pièces majeures : le carrosse tracté par quatre chevaux.

Ces derniers sont dune incroyable finesse et baignés dans lunivers si familier de Disney. Ils sont orientés vers le haut, prêts à emprunter la route vers les étoiles.

L’œuvre mesure 1, 20 mètre de longueur pour 50 centimètres de hauteur, et trône toujours au sein de la boutique familiale. Symbole de fierté et de transmission entre générations, elle témoigne dun savoir-faire inégalé, mais surtout de lamour dun artisan pour son métier. Peut-être est-ce là, le secret de tant de convoitises…

Un condensé de petits détails

La pièce a demandé près de 450 heures de travail. Pour la produire, quelques secrets de fabrication nous ont été confiés par Stéphane Balembois : il a fallu chauffer le verre entre 1.000 et 1.500 degrés selon la masse à produire. Les parties les plus fines ont été les zones les plus « froides » pour que la matière puisse être malléable.

« Certaines personnes qui poussent les portes de la boutique viennent spécialement à Gourdon pour voir le carrosse. Mon père avait dans son carnet de commandes des clients prestigieux, comme la reine dAngleterre, qui commandaient des carrosses similaires. Mais celui que nous avons en boutique est unique, et ne peut pas être reproduit, techniquement parlant. ».

« Notre philosophie dentreprise fonctionne « à lancienne » : nous pensons que cest la création qui doit primer et non pas la monétisation. Bien sûr, nous produisons des pièces fantaisie comme des bijoux ou des petits objets du quotidien pour pouvoir faire vivre la boutique, mais le chef-d'œuvre est né dun investissement en termes de temps et de travail qui ne peut pas être égalé de nos jours. »

Un bien inestimable

« Désolé, il nest pas à vendre ». Cette phrase est maintenant bien connue dans la maison familiale. « On nous demande souvent de lacheter mais, pour nous, il est inestimable, on ne vend pas notre âme.»

Parmi les sommes les plus élevées qui ont été proposées à lartisan verrier, celle de 100 millions de francs. « Ce sont des clients très fortunés, nous avons également reçu des offres de personnes venues des émirats arabes », mais lartisan ne les compte plus.

« Même à un million deuros, on ne le vendrait pas »

« Les gens pensent souvent au rapport à largent, ils perdent la fibre artistique et le temps que demande la création dune telle œuvre. Pour nous, pour notre famille, cette valeur na pas de prix.»

Un patrimoine entre de bonnes mains

Tout est pensé et conceptualisé dans les moindres détails : les portes souvrent, et les roues sont « fonctionnelles », puisquelles tournent. Bien sûr, le temps a compté son lot de petites casses, mais qui ont pu être réparées par les mains habiles de Stéphane Balembois.

Il faut également compter sur le temps dentretien, et la minutie que cela nécessite. Une fois par an, lartisan verrier le rince à leau claire, à température tempérée, pour ne pas créer de choc thermique. Il est ensuite séché à lair libre puis remis à sa place initiale, au sein de la boutique.

Allier passion dentreprendre et mémoire

Lart verrier, Stéphane Balembois est en quelque sorte tombé dedans quand il était petit. « Jai commencé par fabriquer des petites gouttes en cristal, puis jai fait les saisons quand j’étais adolescent. Cest un véritable amusement qui est devenu progressivement un métier à part entière ».

Les valeurs éthiques de Charles Balembois continuent à vivre à travers le témoignage de son fils Stéphane qui a repris le flambeau de laffaire familiale :

« C'était un véritable artiste, un amoureux de la vie, je poursuis son œuvre et véhicule ses valeurs, celles qui m'ont été enseignées pendant près de vingt ans ».

Et lorsque nous lui posons la question de la relève, pour linstant, elle nest pas dactualité. « Mes enfants suivent des études dans lenseignement supérieur. Ils donnent un petit coup de main à la boutique, pendant les saisons touristiques, mais pour linstant, je tiens à ce quils poursuivent leur propre voie.»

>> En savoir plus sur la verrerie d'art de Gourdon.

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