Législation

Abandon de poste : le salarié bientôt présumé démissionnaire ?

Le 10/11/2022
par Cécile Vicini
La présomption de démission pour le salarié qui abandonne son poste va bientôt figurer dans la loi. L’adoption définitive de cette mesure, qui figure dans le projet de loi sur le marché du travail, aura lieu le 15 novembre prochain à l’Assemblée nationale et le 17 novembre devant le Sénat. L’entrée en vigueur se fera dans la foulée. Que faut-il retenir ? Explications.
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Les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP) sont parvenus le 9 novembre à un accord sur le projet de loi sur le marché du travail.

 

Sans surprise, les parlementaires se sont notamment entendus sur la version de l'amendement dit "présomption de démission" adoptée en première lecture par le Sénat.

 

→ Dorénavant, le salarié qui aura volontairement abandonné son poste, et qui ne reprendra pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de se justifier et de revenir travailler, sera présumé avoir démissionné.

 

Quelle procédure pour les chefs d'entreprise ? 

 

Le texte ne prévoit pas d’automatisme, mais une procédure : le chef d’entreprise artisanale, confronté à un salarié qui ne se présente plus au travail, doit le mettre en demeure par écrit de justifier son absence et de reprendre son poste sous un délai qu’il fixera lui-même. Le courrier recommandé reste préférable pour se ménager une preuve.

 

Nul doute que la jurisprudence viendra rapidement apporter des précisions quant à la durée de cette période d’attente.

Rappelons qu’en cas d’absence ou d’interruption du travail, le salarié est tenu de prévenir son employeur par tous moyens (mail, sms, appel téléphonique …) dans les 48 heures.

À noter : en l'absence de justification ou de congé posé, l'employeur peut retenir le salaire correspondant à la journée non travaillée.

 

Qu'est-ce qui va changer ? 

 

Pour l’employeur

 

Actuellement, le salarié qui n’avertit pas son employeur, et ne justifie pas d’une cause valable pour son absence, s’expose à des sanctions disciplinaires.

 

L’absence injustifiée peut, selon les cas, balayer le panel des sanctions allant du rappel à l’ordre au licenciement.

 

L’artisan employeur doit mettre en branle la procédure adaptée, convocation, entretien, délai, notification de la sanction.

Avec cette présomption de démission, le chef d’entreprise artisanale est contraint de mettre en demeure le salarié de se justifier, d’attendre le délai qu’il a lui-même fixé pour la réponse. Faute de justification valable dans le délai imparti, le salarié sera présumé démissionnaire.

→ Finies les sanctions certes, mais il reste conseillé aux artisans de notifier par écrit la prise d’acte de la présomption de démission.

 

En effet, le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes (CPH), où l’affaire sera directement portée devant le bureau de jugement.

 

Ce dernier aura alors un mois à compter de sa saisine pour statuer au fond : rapide !

 

Mais pas sûr que les CPH tiennent dans les faits les délais, et Il vaut mieux un employeur qui se présente devant la justice prudhommale avec un dossier comportant des preuves de la procédure qu’il a menée.

 

Pour le salarié

 

L’enjeu était là : à l’heure où les rapports sur les métiers en tension succèdent aux mesures locales et nationales pour pallier la pénurie de personnel dans certains secteurs, dont les métiers d’art, du BTP et de bouche font partie, le Gouvernement a voulu éviter les fuites de personnel via l’abandon de poste du jour au lendemain.

 

Faute de se présenter au travail, l’employeur qui était contraint de licencier un salarié lui ouvrait la porte à une indemnisation. Désormais, ce ne sera plus possible en période de (presque) plein emploi selon le Gouvernement !  

 

La qualification de « présumé démissionnaire » du salarié qui abandonne son poste le prive des droits aux allocations de retour vers l’emploi (ARE).

 

→ L’objectif de la mesure est d’empêcher les salariés dont l’employeur refuse une rupture conventionnelle de quitter le navire entreprise du jour au lendemain. 

Dans cette dynamique, un point reste en suspens : en droit positif, la démission ne se présume pas. Pourtant, le texte prévoit une présomption de démission… sans doute un détail !

Quand la mesure sera-t-elle appliquée ? 

 

Le texte devrait être définitivement adopté après son passage les 15 et 17 novembre prochain devant respectivement l’Assemblée nationale puis le sénat.

 

→ L’entrée en vigueur sera certainement fixée par décret en Conseil d’État dans la foulée.

 

Le plus de la rédaction 

 

La présomption de démission n’est pas la seule nouveauté du projet de loi Marché du travail.

 

Parmi les nouvelles dispositions, on retiendra notamment :

 

  • La suppression des allocations de retour à l’emploi, dites allocations chômage, après DEUX refus de CDI consécutifs à un CDD ou une période d’intérim ;
  • L’ouverture de la VAE à toute personne dont l’expérience est en lien avec une certification visée ;
  • L’ouverture (tant attendue) d’une négociation interprofessionnelle sur la gouvernance de l’assurance chômage.

Nous reviendrons sur ces informations lors de la promulgation de la loi Marché du travail…

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