Trésorerie

Délais de paiement : Bercy hausse le ton

Le 08/10/2020
par Samira Hamiche
Les derniers chiffres de l'Observatoire des délais de paiement font état d'une situation critique ces dernières années. Alors qu'en France, 1 entreprise sur 4 fait faillite faute d'être payée à temps, le ministère chargé des PME envisage un tour de vis...
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retards de paiementFin 2019, les retards de paiement ont en moyenne atteint 11,5 jours.

Dans son dernier rapport sur l'évolution des délais de paiement, rendu public ce jeudi 8 octobre, l'Observatoire des délais de paiement fait état d'un contexte toujours aussi préoccupant pour les PME.

Basé sur la période 2018-2019, ce rapport ne prend donc pas en compte la crise de la Covid-19. Un facteur qui laisse présager un scénario incertain, sinon pessimiste, pour les petites entreprises.

Une situation stable 

En 2018, les paiements interentreprises sont restés sous le seuil des 60 jours (44 jours pour les délais clients et 51 jours pour les délais fournisseurs). Un chiffre qui cache toutefois une situation pénalisante pour les PME : 1 sur 3 fait ainsi état de retards de paiement. Si le plus souvent, de "petites sommes" sont en jeu, la trésorerie des entreprises, elle, s'en trouve durablement affectée...

Sans surprise, le rapport note aussi de fortes disparités entre secteurs. La situation s'est ainsi améliorée dans l'industrie et les transports, quand dans le BTP, les PME ont continué de subir le comportement des mauvais payeurs.

Point noir du rapport : l'évolution des pratiques. Les chiffres de l'Observatoire indiquent qu'en 2018-2019, les délais de paiements n'ont pas décru. Ainsi, un tiers des entreprises ont payé leurs fournisseurs avec un retard avoisinant les 11 jours. Fin 2019, les retards de paiement ont en moyenne atteint 11,5 jours, soit un niveau proche de l'année précédente.

26 milliards d'euros de manque à gagner

Pour les PME, le manque à gagner imputable aux délais de paiement représente 19 milliards d’euros ; pour les ETI, il s'élève à 7 milliards d’euros. Sur ces 26 milliards à récupérer, 11 milliards d’euros sont dus par les grandes entreprises et 15 milliards d’euros par d'autres agents économiques (secteur public, international, etc.).

Quant au "profil" des mauvais payeurs, il apparaît que les grandes entreprises sont plus nombreuses que les entreprises de taille plus modeste à régler leurs fournisseurs en retard. En 2019, les dix premières amendes d’un montant supérieur à l’ancien plafond de 375.000 euros ont d'ailleurs été prononcées contre SFR (3 700 000 €), XPO Distribution France (1 230 000 €), GEFCO (1 600 000 €) et EDF (1 800 000 €).

L'État n'est pas non plus un élève modèle. En 2019, s’ils demeuraient en moyenne sous le délai réglementaire, les collectivités locales et établissements publics locaux et hospitaliers sont passés de 26,8 jours à 27,4 jours de retard. Le constat est plus frappant du côté des collectivités de grandes tailles : un quart, voire près de la moitié d’entre elles effectuent des paiements au-delà du délai réglementaire de 30 jours... De quoi dissuader les PME de répondre à des marchés publics.

Objectif : passer sous les 10 jours d'ici 2022

Dans un communiqué publié jeudi 8 octobre, le ministre délégué aux PME, Alain Griset, prend acte de ce panorama peu réjouissant et promet de "maintenir les efforts engagés depuis plusieurs années pour faire respecter les délais de paiement légaux".

En plus de renforcer les contrôles de la DGCCRF, le ministre délégué annonce un objectif qu'il qualifie d'"ambitieux" : "parvenir à ce que les retards de paiement passent sous la barre des 10 jours à la fin de l’année 2021." "Nos voisins néerlandais ont un retard de 4 jours seulement en moyenne et les Allemands, de 7 jours. La différence entre la France et ces deux pays n'est pas normale", souligne-t-il par ailleurs dans un entretien aux Échos.

Alain Griset mise en outre sur la facturation électronique. Obligatoire pour toutes les entreprises pour à compter de 2023, elle pourrait permettre "de gagner 3 à 4 jours dans les retards de paiement", selon le ministre délégué aux PME.

La Covid-19, prétexte à l'allongement des délais ?

 

Pour l'heure, faute de données suffisantes, rien n'indique que la crise sanitaire ait provoqué un bond opportuniste des retards de paiement. Le comité sur les délais de paiement mis en place durant le confinement n'a pas fait état "de problèmes importants avec les grandes entreprises", rappelle Alain Griset. "Mis à part une ou deux exceptions, elles n'ont pas profité de la crise pour se faire de la trésorerie sur le dos de leurs sous-traitants. De la même façon, nous n'avons pas constaté de décalages très importants en matière de retard de paiement pendant le confinement", note-t-il par ailleurs.

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