Patrimoine

Les gestes verriers sont inscrits sur la Liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité (UNESCO)

Le 08/12/2023
par Cécile Vicini
Le dossier, porté depuis 2020 par la Fédération du cristal et du verre et déposé par le Ministère de la Culture, a abouti à cette reconnaissance internationale, suscitant une immense joie au sein du secteur.
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Le comité intergouvernemental de sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, réuni à Kasane (Botswana) du 4 au 9 décembre 2023, a décidé d’inscrire les gestes verriers sur la Liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Cette candidature, déposée par le ministère de la Culture, a été portée conjointement avec la République Tchèque, la Finlande, l’Allemagne, la Hongrie et l’Espagne.

« C’est une merveilleuse reconnaissance. Elle prouve à la fois que la communauté s’inscrit dans la pratique d’un savoir-faire ancestral et qu’elle a toute la légitimité pour le protéger, le documenter et le transmettre aux générations futures ».

Jérôme de Lavergnolle, Président de la Fédération du cristal et du verre et de la Cristallerie de Saint-Louis.

Sur proposition de la Fédération du cristal et du verre et avec la collaboration de l’Institut national des métiers d’art, les gestes des savoir-faire verriers sont inscrits depuis 2019 à l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel de la France.

Cette inscription, visant à assurer la sauvegarde de ces savoir-faire séculaires, constituait également l’un des cinq critères requis pour une candidature sur les listes du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité inventoriées par l’UNESCO.

En 2022, les gestes verriers ont ensuite fait l’objet d’une candidature multinationale entre la France, la République Tchèque, la Finlande, l’Allemagne, la Hongrie et l’Espagne en vue de leur inscription à l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Cette reconnaissance à l'échelle mondiale représente une fierté immense pour les artisans et les collaborateurs du domaine. Ils espèrent ainsi promouvoir davantage la beauté, la diversité et la créativité de leurs savoir-faire auprès d'un large public. Plus largement, ce rayonnement va pouvoir susciter l'intérêt des jeunes pour leurs métiers, assurant ainsi la transmission de ces compétences aux générations futures.

Le verre : un secteur, des métiers, des gestes

Les compétences verrières vont de la fusion à la gravure, et les artisans contribuent à divers secteurs tels que la parfumerie, la décoration ou encore la bijouterie, marquant ainsi une constance et une pérennité remarquables, et ce, depuis des millénaires.

Les gestes concernés par cette inscription sont : 

L’élaboration de la matière première

Cette première phase permet de créer des objets. La forme n’existe pas à l’état naturel et doit donc être préalablement produite avant sa mise en forme, à partir de plusieurs matériaux en fusion.

Elle a une influence décisive sur l’ensemble des gestes qui lui succèdent. Les propriétés de la matière évoluent selon les proportions de chaque ingrédient qui la composent.

La formulation peut donc évoluer en fonction du type de production envisagé et du résultat attendu. Chaque atelier possède ses propres secrets de fabrication, souvent garants de la qualité de la production.

La mise en forme de la matière à chaud

L’action de la chaleur est essentielle pour fabriquer du verre, comme pour le travailler et le mettre en forme. L’art verrier appartient ainsi à la catégorie des arts du feu.

Lorsqu’il est en fusion, le verre devient malléable et liquide. Il faut alors, avec rapidité et précision, lui donner une forme avant que la matière ne refroidisse.

Différentes techniques peuvent être utilisées pour travailler le verre en fusion, comme le soufflage. Il s'agit d'un savoir-faire particulièrement spectaculaire, consiste à introduire de l’air dans une masse de verre à l’état visqueux en soufflant à la bouche dans une « canne », long tube creux métallique, afin d’obtenir une forme creuse.

En premier lieu, le verrier « cueille » du bout de sa canne une boule de verre en fusion dans le creuset.

Ensuite, le « marbrage » permet de centrer la boule sur le marbre (en métal).

Après avoir introduit une bulle d’air dans le verre, le verrier souffle, réalisant une « poste ». L’opération de soufflage est renouvelée après des réchauffements successifs, pour former et développer la « paraison », soit le volume définitif de verre creux souhaité pour la pièce à créer. 

En complément du soufflage, le verre est façonné, ce qui nécessite d’autres gestes et des outils précis :

  • Les mailloches, cubes de bois évidés, servent à le centrer et à le répartir ;
  • Les pontils et les ferrets, barres d’acier, permettent de saisir le verre ;
  • Les fers permettent d’ouvrir les cols et d’esquisser la forme ;
  • Les ciseaux, selon leur forme, servent à couper, rogner, poser des anses, des jambes de verre à pied, etc. ;
  • Le marbre, plaque d’acier (parfois chauffante), sert à rouler la paraison.

Pour mettre en forme le verre à chaud, il existe également le travail du verre au chalumeau. Réalisé assis ou debout, ce savoir-faire consiste à créer des formes pleines ou creuses, en manipulant des tubes ou des baguettes de verre sous la flamme du chalumeau.

Le verrier intervient lorsque la matière commence à devenir malléable, jusqu’à la fusion lorsqu’il souhaite réaliser des soudures.

Il peut être filé ou soufflé, on peut l’étirer, le torsader à sa guise grâce à un savant jeu de buses différentes ayant chacun un rôle précis. Cette méthode est utilisée pour la fabrication de matériel de laboratoire, d’enseignes lumineuses, de décorations ou encore de bijoux.

Le travail de la matière à froid

Après la mise en forme du verre à chaud, intervient souvent un travail à froid où le verrier décorateur intervient directement sur la matière durcie.

Il est possible de creuser des motifs dans la matière plus ou moins profondément grâce à la technique de la taille ou de la gravure, mais aussi d’agrémenter les pièces d’éléments décoratifs par apport de matières (peinture, émaillage, dorure, sérigraphie...).

Travail individuel d’une incroyable minutie, le façonnage de la matière à froid requiert patience et habileté.

Le verre face aux défis environnementaux et sociaux

Pendant des millénaires, les gestes des artisans du verre ont évolué en parallèle avec l'humanité. Il est tout naturel qu'ils s'inscrivent désormais dans les préoccupations contemporaines pour l'environnement et la société.

Les entreprises du secteur ont déjà lancé plusieurs initiatives visant une production plus respectueuse de l'environnement, particulièrement les grands groupes industriels et les manufactures.

L'art du feu pratiqué par les verriers et cristalliers requiert une grande intensité énergétique. Afin de s'adapter à son époque, cette industrie cherche en permanence des moyens de diminuer son empreinte carbone.

Xavier Capilla, Responsable environnement de la Fédération du Cristal et du Verre, explique :

« Le monde des verriers a déjà vécu de grandes transformations, comme lors du changement de combustible utilisé du fuel au gaz. La prochaine étape sera la transition vers l’électrique. Nous sommes conscients de notre empreinte et devons évoluer avec notre temps. »

L’actualité du secteur est particulièrement marquée, en 2023, par la création d’une composition de cristal sans plomb. Innovation majeure, cette nouvelle matière est l’aboutissement d’années de recherches pour garantir une production plus durable.

Les défis de la production verrière pour l’avenir sont aussi également sociaux : « les gestes ancestraux, notamment en ce qui concerne la pénibilité. À l’avenir, des exosquelettes pourraient aider les verriers pour les charges les plus lourdes », a précisé Xavier Capilla.

 « Notre rôle est de protéger la santé des salariés, tout en préservant la permanence des gestes, surtout lorsqu’on parle de métiers éprouvants physiquement. »

L’art verrier : tout une histoire…

L’héritage ancestral de l'art verrier, né il y a 3500 ans au Proche-Orient et diffusé en Europe, marquant les siècles par son évolution technique et artistique. Les artisans se sont installés dans des régions riches en matières premières, forgeant ainsi une profession communautaire structurée.

Cette tradition s'est développée, donnant lieu à une incroyable diversité d'objets, avec le verre devenant un support artistique majeur depuis la Renaissance.

L'industrie verrière a connu son apogée au XIXe siècle, mais des crises ont frappé dans les années 1970-80, entraînant fermetures et restructurations. Cependant, l'intérêt croissant du public pour le travail artisanal et les objets de qualité a ravivé l'intérêt pour ces savoir-faire. Musées, centres de formation et manufactures contribuent à préserver et valoriser cette histoire de dix mille ans.

En France, ce sont près de quatre mille hommes et femmes qui pratiquent l'art verrier quotidien.

Ce sont ces artisans d’art qui font vivre la production, œuvrant dans leurs ateliers, dans des manufactures, mais aussi dans des lieux culturels et des centres de formation.

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