Reconstruction

Notre-Dame de Paris : l'Etat lance les "Chantiers de France"

Le 18/04/2019
par Samira Hamiche
Alors que commencent à s'organiser les travaux de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les ministères du Travail, de la Culture et de l'Education nationale, lancent "Chantiers de France". Un projet national visant à valoriser l'apprentissage dans les métiers de la construction-rénovation et à fédérer les forces en vue de la restauration de nombreux autres édifices.
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Point presse de Muriel Pénicaud, Franck Riester et Jean-Michel BlanquerParis, le 18 avril 2019. Muriel Pénicaud, Franck Riester et Jean-Michel Blanquer annoncent le lancement des "Chantiers de France", destinés notamment à reconstruire Notre-Dame de Paris en cinq ans.

Au lendemain du sinistre de Notre-Dame de Paris, l'heure est à l'union sacrée entre les ministères du Travail, de l'Education nationale et de la Culture. L'enjeu est double : planifier - de façon réaliste - les travaux de reconstruction du monument et inciter les jeunes à s'orienter vers des filières d'apprentissage. 

Chantiers de France

C'est donc aidé du secteur de l'artisanat que l'exécutif entend déployer son plan de bataille. A ce titre, le réseau des Chambres de métiers et de l'artisanat (CMA France), les Compagnons du Devoir, les organisations du bâtiment (Capeb, FFB) ainsi que des acteurs du patrimoine (Maisons familiales rurales) et de l'apprentissage (WorldSkills France), ont été sollicités pour apporter leur contribution dans le cadre d'une réunion organisée le 18 avril au ministère du Travail.  

Objectifs : identifier les corps de métiers nécessaires à la reconstruction (et les CFA formant à ces métiers) et proposer des solutions concrètes pour faciliter la mise en oeuvre des travaux.

En préambule de ces échanges, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a lancé officiellement l'opération "Chantiers de France". Initiée par Emmanuel Macron, cette "mobilisation nationale" visera à organiser les travaux de rénovation dans un délai de cinq ans tout en créant "un appel d'air" dans les métiers les plus touchés par le manque de main-d'oeuvre (couvreur, charpentier, vitrailliste, facteur d'orgue, maçon, peintre décorateur...).

Les Chantiers de France fédéreront les CFA et lycées professionnels formant aux métiers de la construction et aux métiers d’art. Leur visée ne sera pas circonscrite à la reconstruction de Notre-Dame, mais aura pour vocation d'"aider à la rénovation du patrimoine partout dans le pays". 

Photo de Notre-Dame de Paris au lendemain de l'incendie

Notre-Dame de Paris au lendemain de l'incendie...

Valoriser (plus que jamais) l'apprentissage

"En France, nous avons l'excellence, le savoir-faire... Le fait de nous mobiliser aujourd'hui tous ensemble va nous faire changer d'échelle", a introduit Muriel Pénicaud. "Plus que jamais, nous allons faire connaître ces métiers et montrer aux jeunes que ce ne sont pas des 'vieux métiers'. Parallèlement, nous allons augmenter en quantité l'offre de formation, afin d'ouvrir un maximum de places en apprentissage", escompte la ministre. 

Le chantier de Notre-Dame de Paris "va susciter parmi les jeunes un élan extaordinaire", "une euphorie et une adhésion favorables aux corps de métiers bâtisseurs", s'est de son côté réjoui le ministre de la Culture, Franck Riester. Même son de cloche du côté du ministère de l'Education nationale, avec un focus particulier sur l'artisanat d'art : "les métiers d'art représentent l'excellence française et nous avons besoin de projets fédérateurs pour les valoriser", a souligné Jean-Michel Blanquer. "C'est l'occasion de dire aux jeunes que ce sont de très beaux métiers et que nous avons des places disponibles en apprentissage", a poursuivi le ministre. 

Le "bon" moment ?

Entre tous, l'idée fait consensus : aussi tragique soit-elle, la situation aura pour conséquence, qui sait, de faire revenir les jeunes vers des branches désertées en raison de leur image peu attractive. "Ce drame nous donne l'opportunité de valoriser les métiers de l'artisanat et la voie d'excellence qu'est l'apprentissage, trop longtemps considérée comme une voie de garage", a ainsi indiqué le président de CMA France, Bernard Stalter

"Le drame peut se reproduire ailleurs", a aussi alerté le représentant du réseau des Chambres de métiers et de l'artisanat. "Ce qui est arrivé à Notre-Dame de Paris peut arriver à d'autres édifices de ce type : il est donc capital que l'on transmette ces savoir-faire et que les jeunes s'en saisissent". Les Chantiers de France permettront, note Bernard Stalter, de mieux "coordonner" et "identifier" les initiatives allant dans ce sens.

Un avis partagé par le président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), Patrick Liébus, qui estime que l'émotion suscitée par le "malheur" survenu à Notre-Dame de Paris "pourra amener des jeunes vers les métiers du bâtiment". "Nous devons faire de ce chantier un chantier-école, montrer aux jeunes nos métiers et ce qu'ils apportent de plus noble. Pour cela, il faudra redonner des moyens humains et financiers à l'apprentissage", a-t-il en outre développé.

Les professionnels du bâtiment seront régulièrement consultés pour établir un diagnostic des compétences à mobiliser.

Vite... Et bien ?

Le chantier de reconstruction de Notre-Dame de Paris sera-t-il achevé d'ici cinq ans, comme souhaité par l'Elysée ? A ce jour, il semble difficile, voire impossible de se projeter avec certitude, puisque le projet architectural est bien loin d'être défini ! Les plans de la flèche signés Eugène Viollet-le-Duc, ceux de la "forêt" (charpente en chêne) érigée par les Compagnons au XIIe siècle, serviront-ils de base à une rénovation à l'identique ? Ou s'agira-t-il d'un projet totalement différent, "modernisé", voire aux antipodes ? Quel sera le choix des matériaux, des forces en présence ?

"Si nous mettons tous les moyens sur la table, nous pouvons tout à fait reconstruire en cinq ans. Il faut que les moyens financiers soient fléchés", a estimé Bernard Stalter. "Et si nous avons la volonté, les moyens nous les trouverons !"

Patrick Liébus, lui, pondère : "nous ferons tout pour relever le challenge, même si le délai me paraît un peu court". "Il faut rester raisonnable et ne pas agir dans la précipitation. Les appels d'offres seront européens : nous serons vigilants à ce que seul un personnel hautement qualifié soit sélectionné, et qu'on ne fasse pas appel au travail détaché". 

Pour accélérer les travaux sans les dénaturer, l'exécutif mise sur les délais de procédures : permis de construire facilités, appels d'offres sur des délais courts, etc. Le défi, désormais, est de concilier projet architectural, qualité de travail et recrutement de main-d'oeuvre experte. Le tout avec une dose de pragmatisme, sachant que Rome ne s'est pas faite en un jour...

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