Apprentissage

Patrick Toulmet : "Recréer du lien avec les jeunes"

Le 12/11/2019
par Propos recueillis par Sylvain Villaume
Délégué interministériel au développement de l’apprentissage dans les quartiers difficiles, Patrick Toulmet se bat pour installer le dialogue, sur le terrain, afin d’aider les jeunes à trouver leur voie professionnelle. Les premiers signes lui semblent encourageants.
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Patrick Toulmet entouré de l'équipe de l'Epide de Brétigny-sur-Orge.Juillet 2019. Patrick Toulmet (au centre), entouré de l'équipe de l'Epide de Brétigny-sur-Orge (91), et de Pierre-Alain Raphan, député de l’Essonne (à droite).

Votre nomination remonte à un peu plus d’un an. Quel est votre premier bilan ?

Nous sommes en train d’instaurer le dialogue entre Pôle Emploi, les Missions locales, les CFA, les lycées professionnels… Ce lien est vital pour faire découvrir à des jeunes des établissements qu’ils ne connaissent pas alors qu’ils se trouvent parfois à 2 kilomètres de chez eux, et qui forment à des métiers dont on considère à tort qu’ils ne sont pas pour eux. Lors d’un récent déplacement dans l’Aisne, nous avons emmené neuf jeunes de l’Essonne : eh bien, quatre ont décidé de s’inscrire dans le lycée agricole que nous visitions, et un 5e en soudure. Cinq sur neuf ! C’est l’exemple que recréer du lien avec les jeunes peut porter ses fruits.

De quels moyens disposez-vous pour remplir votre mission, qui consiste à lever les freins dans l’accès des jeunes des banlieues à l’apprentissage ?

Le président Macron dit toujours qu’il ne suffit pas de dépenser de l’argent : il faut de la volonté ! J’ai cette intense volonté de rassembler les acteurs concernés pour qu’au lieu de s’ignorer au détriment des jeunes, ils se parlent et les informent. Ma délégation couvre 5 ministères : Travail, Éducation nationale, Enseignement supérieur, Cohésion des territoires et Agriculture. Cela permet de faire découvrir aux jeunes des métiers nombreux et variés. Nous allons ouvrir des CFA dans les quartiers, sur des métiers en tension, mais aussi dans des filières comme le patrimoine culturel ou le numérique. Le but, c’est de donner du boulot aux jeunes, tout bonnement. C’est passionnant ! Difficile, mais passionnant !

Vous avez dirigé le CFA de Bobigny et présidé la chambre de métiers et de l’artisanat de Seine-Saint-Denis : ces expériences vous sont-elles utiles aujourd’hui ?

Je connais effectivement le sujet, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président Macron m’a nommé. Je vis à Sarcelles depuis 64 ans, j’y ai tenu un campus en plein cœur d’une cité : j’en ouvrais les portes aux tout jeunes pour l’aide au devoir, ça peut paraître dérisoire mais ça leur permet de s’approprier les lieux, de savoir qu’un CFA existe, tout simplement. En Seine-Saint-Denis, nous avions mis en place la prépa-apprentissage qui, en 2015-2016, avait permis de réinsérer 215 jeunes dans les filières de la formation, ce n’est pas rien ! Je reproduis ce dispositif dans le cadre de ma délégation, et ça marche. Nous aurons des chiffres stabilisés en fin d’année mais nous observons une belle progression. Les effectifs en CFA des jeunes issus de quartier sont en passe d’avoir doublé en un an. C’est bien la preuve que ces territoires-là ont été négligés, voire abandonnés. Je préconise aussi, par exemple, que les collectivités territoriales de plus de 150 salariés comptent 2 % d’apprentis dans leurs effectifs et après tout, elles ont, elles aussi, besoin d’électriciens, de menuisiers, de cuisiniers… Nous sommes là sur des choses concrètes, ce qui permettra d’en vérifier facilement les effets. Nous devons aussi mieux tenir compte des métiers en tension. Or, cette réalité-là, ce sont les entreprises qui la possèdent. Il faut donc les écouter et les connaître. Par exemple, les grandes surfaces aussi embauchent des artisans et recrutent des apprentis. Il faut juste le savoir…

Ce n’était pas le cas jusqu’ici ?

Jusqu’ici, tout le monde se tournait le dos et s’ignorait, au grand détriment des jeunes. Moi, je suis là pour dire ce qui bloque ; ça ne plaît pas toujours, mais c’est nécessaire pour offrir un but nouveau aux gamins des cités, qui ne sont pas là pour tenir les murs ! Il y a de beaux métiers, des métiers nobles, qui peuvent permettre aux jeunes de trouver leur voie. Je leur donne souvent cet exemple : un bon pâtissier qui parle anglais pourra gagner sa vie ici comme à l’autre bout du monde. Ça se tente, non ?

SON PARCOURS 

  • 1988 : Patrick Toulmet devient artisan prothésiste dentaire à Pierrefitte-sur-Seine (93), après 14 années passées comme salarié d’un laboratoire d’Aubervilliers.
  • 2005 : préside la Chambre de métiers et de l'artisanat de Seine-Saint-Denis et le campus des métiers de Bobigny.
  • 2016 : Emmanuel Macron annonce sa candidature à l’élection présidentielle, en novembre, depuis la Maison de l’artisanat et de l’apprentissage que dirige Patrick Toulmet en Seine-Saint-Denis.
  • 2017 : un jeune sur dix habite dans l’un des 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais seulement 6 % des apprentis en sont issus.
  • 2018 : nommé délégué interministériel au développement de l'apprentissage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) avec l’ambition de doubler le nombre d’apprentis issus des quartiers.
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