Prestige
Maison Fey : talent à fleur de peau
09/07/2019
Julie Clessienne

Histoire d’une reprise

Le choix de Fabienne Saligue s’oriente vers la Maison Fey, une entreprise jusqu’alors familiale créée en 1910. Elle va tout de suite y imprimer sa patte : "Diversification des produits (dont au moins une création exclusive par an), internationalisation, montée en gamme et visibilité".

Matière sans limite

Art ancestral, la gainerie consiste à recouvrir n’importe quelle structure avec du cuir : mobilier, mur, objets de bureau… S’il n’existe plus de formation à proprement parler, les dernières entreprises à pratiquer ce métier (cinq à Paris, dix en province) puisent au besoin leur main-d’œuvre dans le secteur de la maroquinerie-sellerie. "Nous travaillons le cuir sous toutes ses formes – gaufré, tissé, troué, plissé… – et l’enrichissons à l’envi – patine, peinture, dorure, le tout à la main", explique Julien, le chef d’atelier. Ici, les outils datent des débuts de l’entreprise, mais l’innovation est constante, et stimulante !

Un savoir-faire précieux

Spécialité de la maison : le cuir de Cordoue, qui a toujours ses adeptes. Cet ancêtre du papier peint, qui trouve ses origines au XVIIIe siècle, en Espagne et au Maghreb, impose une maîtrise toute particulière. "Le cuir est gaufré, pressé sous des plaques gravées en aluminium. Celles-ci peuvent être totalement personnalisées à la demande et façonnées sur nos machines à commande numérique. Seule limite : le budget du client (comptez 5 000 € pour créer son propre motif, puis 300 à  1200 € pour une plaque en cuir de 70 X 65 cm, selon les finitions)", souligne Julien. Parmi les autres talents "maison" : la restauration (10 à 15 % du CA) et le travail du parchemin.

Quand l’audace paye…

La réactivité et la précision d’exécution de la Maison Fey attirent aujourd’hui les décorateurs d’intérieur et les agenceurs les plus en vue. "Cette clientèle aime que l’on soit force de propositions, qu’on leur présente nos exclusivités", affirme Fabienne Saligue. L’audace et le talent payent : des murs des boutiques de l’horloger Patek Philippe à Londres ou en Suisse, à ceux du restaurant d’Alain Ducasse à Macao, ou celui de Philippe Starck à Venise… Sans oublier le sous-main qui orne le pupitre du président du Sénat ou les porte-documents personnalisés des ministres… Tous portent la griffe de la maison.

Vivier de talents

Convaincue de l’intérêt de se diversifier et de surprendre, Fabienne Saligue multiplie les partenariats, rend visible ses projets "sur notre site récemment modernisé, sur Facebook, Pinterest, Instagram…". Et pour lancer des créations originales, rien de plus simple : "Le Viaduc des Arts, où l’entreprise est installée depuis sa réhabilitation, permet de collaborer facilement entre voisins. Nous avons déjà travaillé avec des menuisiers et sommes en train de développer un concept inédit alliant cuir et plume avec Julien Vermeulen, un jeune plumassier (lauréat en 2018 du Prix Bettencourt pour l’intelligence de la main, catégorie Talents d’exception). Nous présentons souvent ces œuvres lors de Salons prestigieux, comme Révélations. Il faut toujours voir plus loin, estime Fabienne Saligue.

Désuète la gainerie ? Assurément pas. Surtout à observer de plus près les créations de la Maison Fey, reprise il y a sept ans par l’audacieuse Fabienne Saligue. L’entreprise parisienne plus que centenaire ne cesse, depuis, de remettre dans l’air du temps un savoir-faire en pleine raréfaction, qui a ses initiés parmi les grandes signatures de la décoration d’intérieure.