Denis Brogniart : "L'artisan est un véritable couteau suisse"
Était-ce une volonté de la production d’avoir cinq artisans cette année ? Sont-ils plus débrouillards que les autres ?
Non, car c’est la personne dans son ensemble qui est retenue (son histoire, son parcours, sa motivation...). La volonté est d’avoir au travers des candidats une photographie de la France, que tout le monde puisse se reconnaître (milieu socioprofessionnel, région...).
On ne peut pas généraliser sur des caractéristiques liées à une catégorie de métiers, car dans Koh-Lanta on se retrouve dans un contexte où on n’a jamais exercé : comment réagiras-tu quand tu n’auras pas mangé, face au risque d’être éliminé... ? Ce sont des facteurs que l’on ne maîtrise pas en arrivant.
Quel est votre lien avec l'artisanat, votre vision de ses métiers ?
J’ai un profond respect pour les artisans. Pour leur talent d’abord. Mais aussi parce que l’artisan est un couteau suisse : il a ses compétences de base, et il faut aussi qu’il soit gestionnaire, manager, commercial, qu’il sache convaincre une banque, trouver les moyens de s’épanouir et de faire prospérer sa boîte.
Vous êtes votre propre patron, mais cette liberté coûte cher en temps, en investissement, en prise de risque... J’ai un ami très proche qui est charcutier-traiteur (David Davaine, à Douai) : c’est un professionnel hors pair, qui a plusieurs dizaines de collaborateurs, qui se renouvelle, qui a su gérer le Covid...
Il n’a pas fait d’études longues, mais, pour moi, il a un "doctorat de la vie" ! Il gère sa PME comme quelqu’un qui sort d’une école de commerce.
La première fois que l’on s’est rencontrés, j’animais une grosse convention ; il s’occupait du cocktail. Il m’a dit : "Vous faites des choses extraordinaires, merci de vous être intéressé à moi." Je lui ai répondu : "Mais non, nous nous sommes intéressés mutuellement l’un à l’autre, et détrompez-vous, vous avez créé une richesse extraordinaire !"
J’ajouterais que l’artisan a une singularité "relationnelle". Quand je rends visite à David au laboratoire ou à son magasin, je vois dans les regards une complicité, une connexion, une cohésion propre à ces métiers où l’on se dit les choses, où l’on se sert les coudes et où chacun est le maillon d’une chaîne.
Vous êtes un grand sportif. Quels parallèles faites-vous entre le sport et l’entrepreneuriat ?
Le sportif et l’entrepreneur sont des compétiteurs qui essayent de gagner un maximum de compétitions, avec le meilleur niveau possible. Après chaque compétition, il faut refaire ses preuves, se remettre en question.
Il y a une forme d’incertitude, d’où l’impérieuse nécessité d’être compétitif, donc compétiteur.
Il y a un ADN commun, en termes de psychologie, entre un sportif et un artisan, quel que soit leur niveau. Un artisan tout seul qui va doubler son chiffre d’affaires d’une année sur l’autre aura plus de mérite que quelqu’un avec une centaine de collaborateurs qui fera 10% de marge supplémentaire.
Mini-bio
- 1998 : La France est championne du monde de football ; Denis Brogniart y était pour Europe 1 : un de ses plus beaux souvenirs de journaliste sportif.
- 2000, 2005 et 2006 : Années de naissance de ses quatre enfants (dont des jumeaux).
- 2002 : Présentation de la première saison de Koh-Lanta ; il est toujours aux manettes en 2024.
- 2007 : Mariage avec Hortense.
- 2013 : Il gravit le Mont Blanc avec sa femme, le jour de ses 46 ans.
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