Présidentielle 2017

Le programme de Marine Le Pen

Le 31/03/2017
par Propos recueillis par Samira Hamiche
En exclusivité pour Le Monde des Artisans, Marine Le Pen, candidate du Front national, livre les grandes lignes de son programme à destination des artisans.
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Marine Le Pen 2017

Le Monde des Artisans : En termes de fiscalité, quels dispositifs incitatifs entendez-vous mettre en place pour favoriser l’installation de TPE et PME artisanales et ainsi maintenir l’emploi en France, sur tout le territoire ?

Marine Le Pen : Depuis 2011, les entreprises ont vu leurs impôts exploser. De 2011 à 2015, ils ont augmenté de 15,5 milliards d’euros. Dans le même temps, les gouvernements de François Hollande ont cru bon de mettre en place l’usine à gaz qu’est le CICE pour enrayer cette tendance. Or, les dernières études montrent que les TPE-PME ont capté seulement 32% du CICE alors qu’elles créent l’essentiel de l’emploi. C’est pour cela que je propose de transformer le CICE en baisses pérennes de charges, et de fusionner l’ensemble des dispositifs d’allègements de charges pour les réorienter prioritairement vers les TPE-PME. Les allègements de charges doivent non seulement profiter aux salariés mais aussi aux travailleurs indépendants ! C’est mon engagement n°46. Les grandes entreprises n’ont en effet pas besoin de l’Etat dans ce domaine. Pour alléger la fiscalité des bénéfices, je propose d’étendre le taux réduit d’impôts sur les sociétés à toutes les TPE et à toutes les PME jusqu’à
75 000 euros de bénéfices. Pour les bénéfices des PME situés au-dessus de cette barre, le taux sera de 24% au lieu de 33% (engagement n°47). Pour revitaliser les centres-villes, je m’engage à geler dans un premier temps la fiscalité locale. Les récentes hausses ont fait peser sur les entreprises, et notamment les commerces, une véritable menace. On peut également envisager des zones franches urbaines dans les centres-villes pour faciliter l’aménagement commercial attractif sur l’ensemble du territoire. Plus de la moitié des communes n’ont plus aucun commerce sur le territoire. Et un local commercial sur 10 est inoccupé dans les centres-villes.


LMA : Estimez-vous que le RSI doit être réformé ? Si oui, de quelle manière et selon quel calendrier ?

M. LP. : Le RSI est un véritable fléau pour nos indépendants. La source de ces dysfonctionnements est pourtant bien connue : c’est la réforme Sarkozy-Fillon opérée à la hâte en 2008 qui en a fait l’interlocuteur social unique des indépendants, avec le succès que l’on connaît …
Depuis cette réforme, les indépendants font face à des doubles appels à cotisations, ou alors à des appels disproportionnés (au moins 15% des cotisants furent concernés), à des difficultés de remboursement de soin, ou de liquidation des droits à retraite, et enfin à un service déplorable en raison de l’externalisation (téléphone, courrier…). Tout ceci ne peut plus durer. C’est pourquoi je propose aux indépendants de leur offrir un bouclier social qui consistera à leur proposer le choix de s’affilier au régime général ou de conserver la spécificité de leur régime après une refonte totale du RSI qui fonctionnera sur la base de l’auto-déclaration trimestrielle des revenus. Ce bouclier social comprendra notamment l’amnistie généralisée pour les arriérés du RSI, parce que les indépendants ne doivent pas payer pour l’incompétence et les défaillances de leur système de protection.
Je convoquerai donc des Assises sur la protection sociale des indépendants avec les acteurs concernés. Ce sera également l’occasion de discuter de la création d’un fonds qui serait en quelque sorte une assurance chômage permettant aux indépendants sans patrimoine de bénéficier d’un support financier le temps de retrouver un travail.

LMA : Considérées comme des "voies de garage", les filières d’apprentissages souffrent d’une mauvaise image. Pourtant, elles recèlent de talents et leur taux d’employabilité est élevé, à l’inverse de nombre de filières universitaires. Si vous êtes élue, que ferez-vous pour valoriser ces filières et faire évoluer les mentalités ?

M. LP. : Ces filières ont trop longtemps été dévalorisées. Pourtant, elles sont celles qui garantissent notre art de vivre, nos traditions et notre culture. L’exemple de la Suisse devrait nous éclairer. L’apprentissage n’y est pas dévalorisé, bien au contraire. C’est même une source d’épanouissement reconnu. Il est d’ailleurs intéressant de constater que plusieurs ministres suisses sont issus de ces filières. Ma politique vise à remettre l’apprentissage au cœur d’un projet éducatif en collaboration forte avec les patrons de TPE-PME. Il faut décloisonner la filière professionnelle et l’apprentissage. L’un est du ressort du système éducatif, l’autre des chambres de métiers. C’est pour cela qu’il faut revaloriser le travail manuel par l’établissement de filières professionnelles d’excellence (suppression progressive du collège unique, autorisation de l’apprentissage à partir de 14 ans, classes préparatoires aux grandes écoles des filières professionnelles) et développer parallèlement des lycées professionnels ou technologiques de la seconde chance sur tout le territoire pour les élèves sortis du système scolaire sans diplôme. Et ce avec une double perspective : les filières d’excellence viseront à redonner du prestige aux métiers manuels et les filières de la seconde chance qui existent déjà à titre expérimental. 100 000 jeunes environ quittent chaque année le système scolaire sans diplôme (ou juste le brevet), soit 15%.

LMA : Aujourd’hui, pour exercer la plupart des métiers de l’artisanat, un diplôme est requis, qui valide les compétences et savoir-faire. Or, la Loi Sapin 2 a failli signer la fin de cette obligation de qualification professionnelle, ouvrant la porte à la libéralisation totale de certains métiers. Pensez-vous qu’un coiffeur, un mécanicien ou un boulanger puissent se passer de diplômes ?

M. LP. : De plus en plus, les gouvernements en place tentent de lever les barrières à l’entrée de toutes les professions et notamment des métiers de l’artisanat. Cette lubie ne vient pas de nulle part : il s’agit d’une exigence de l’Union européenne de Bruxelles. Cette attitude est une menace pour la qualité de la main-d’œuvre et tire vers le bas toutes ces professions. Sous le prétexte fallacieux de la concurrence pure et parfaite, on en vient à menacer notre artisanat (mais ce raisonnement peut être étendu aux notaires, pharmaciens, avocats et autres professions règlementées). Je m’engage évidemment à conserver cette exigence de diplôme. Ceci entre dans ma politique de revalorisation des métiers manuels.

LMA : Pour vendre, communiquer, effectuer leurs démarches… Les outils numériques sont devenus indispensables aux entreprises artisanales. Comment les aider à réaliser leur transition numérique, et assurer l’égalité d’accès à Internet sur tout le territoire ?

M. LP. : L’un des leviers essentiels pour assurer l’égalité entre les territoires passe par l’investissement public dans les infrastructures. Le budget alloué à ce dernier a chuté de 20% depuis 2010. Il est urgent de le revaloriser, notamment pour financer l’établissement du très haut débit sur tout le territoire français. C’est un impératif de justice sociale. Cet effort nécessite 3 milliards d’euros, largement autofinancé car cet investissement engendrerait d’importants gains pour l’activité économique.

LMA : La multiplication de plateformes de service comme Uber instaure une concurrence déloyale face aux artisans. Nous en voulons pour preuve l’exemple emblématique des VTC. Dans un contexte européen, comment légiférer pour encadrer les prix et les prestations sur Internet ?

M. LP. : Je propose de créer un secrétariat d’Etat dédié aux Mutations économiques rattaché au ministère de l’Economie pour anticiper les évolutions des formes de travail liées aux nouvelles technologies (ubérisation, robotisation, économie du partage…). C’est d’ailleurs l’engagement n°40 de mon projet présidentiel. Dans le cadre d’une coopération avec les secteurs concernés, j’établirai une nouvelle régulation pour préserver une concurrence loyale. Il faut faire en sorte que les plateformes numériques sur le modèle d’Uber respectent le droit fiscal français et contribuent équitablement au financement de la protection sociale, au même titre que les entreprises.

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