Se relever plus fort

Banques, assurances : recours… éventuels

Le 15/06/2020
par Sophie de Courtivron
Banques et assurances ne sont pas toujours à la hauteur des responsabilités qu’elles sont censées assumer en cas de problème. L’État veille au grain et la solidarité est là, même si, sur le terrain, au cas par cas, il faut parfois batailler.
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Christophe Maugard - Philippe Vernet Christophe Maugard, boulanger à Rouen, et Philippe Vernet boucher-traiteur dans le Puy-de-Dôme, n'ont pas cessé leur activité durant la crise. N'ayant bénéficié que de peu d'aides de leur banque ou assurance, ils ont dû faire preuve de courage et d'inventivité.

Les banques et le prêt garanti par l’État, aléatoires

Instauré pour encourager les banques à soutenir leurs clients, le prêt garanti par l’État (PGE) est un prêt de trésorerie d’un an ; son amortissement est différé d’autant. Son montant, qui peut atteindre jusqu’à 25% du chiffre d’affaires HT 2019, a un taux d’intérêt de 0,25% (garantie) pour les TPE (la première année). Les banques se sont engagées à octroyer les PGE à "prix coûtant" pour chaque année de remboursement (cinq maximum), c’est-à-dire au taux dit de la ressource des banques (variable), ajouté à celui de la garantie. Quel sera-t-il dans un an ? Mystère, donc demandez conseil à votre banque, qui donne son pré-accord.

Début mai, Nicolas Dufourcq, le directeur général de la BPI, annonçait que les TPE représentaient 90% des bénéficiaires des PGE. D’autres sources, plus proches du terrain, le trouvent optimiste. Ce sont aussi "très majoritairement des TPE" qui, selon la Médiation du crédit, se tournent vers elle. La demande des TPE est forte, elles veulent survivre (les entreprises placées en sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation depuis le 1er janvier 2020 peuvent aussi avoir recours au PGE).

Bpifrance propose un dispositif complémentaire, les "prêts rebonds" (de 10 à 300 K€), en partenariat avec les Régions, qui en fixent le taux. D’autres prêts existent : prêt d’honneur à 0% de l’Adie avec un différé de remboursement de plusieurs mois, avance remboursable de la Région Pays de la Loire (fonds territorial Résilience) à destination de ses TPE qui ne bénéficient pas du fonds de solidarité (jusqu’à 10K€, en fonction du CA)… Consultez votre CMA pour en savoir plus.

"Ma priorité, ce sont mes clients"

L’activité traiteur de Philippe Vernet, boucher installé à Châteaugay (Puy-de-Dôme) s’est arrêtée complètement (90% de son CA). "Nous sommes restés ouverts pour ne ruiner ni l’État, ni nous. Nous sommes donc passés de 'traiteur assiette' à 'traiteur barquette'. J’assure seul les livraisons (150 à 200 barquettes par semaine) ; je ne demande pas un centime. J’attaque à une heure du matin et finis à 10 heures du soir. Avant, je ne faisais pas de livraisons individuelles… Mais ma priorité, ce sont mes clients. Ils pensent à nous, je pense à eux*." L’entreprise a aussi une nouvelle clientèle côté boucherie. "Les gens se sont aperçus que je n’étais pas plus cher que Leclerc, et pour un autre service ! À nous de communiquer pour garder cette nouvelle clientèle."

* Interview réalisée pendant le confinement.

Le soutien des assurances, aléatoire

"La quasi-totalité des contrats couvrant les entreprises (pertes d’exploitation, rupture de la chaîne d’approvisionnement, annulation d’événements, défaut de livraison, etc.) exclut l’événement d’épidémie", peut-on lire sur le site de la Fédération française de l’assurance (FFA). Quelques rares artisans ont cependant pu obtenir quelque chose de leur assureur. Signalons néanmoins que la FFA a contribué à hauteur de 400 millions d’euros au fonds de solidarité destiné aux TPE, PME et indépendants. Ses experts travaillent sur une proposition de régime d’assurance contre les risques sanitaires majeurs de type Covid-19 ; ils devront rendre leur copie aux pouvoirs publics avant l’été.

"Nous avons survécu grâce à nos fonds propres"

Christophe et Valérie Maugard n’ont jamais cessé de faire tourner leur boulangerie, malgré leurs problèmes de santé (lui est diabétique et son épouse a la sclérose en plaques). "Nous avons modifié nos horaires pour nous adapter aux besoins des clients." L’artisan déplore le silence assourdissant des décideurs politiques envers les professionnels de Rouen, en souffrance depuis 18 mois (Gilets jaunes, etc.). "Pas un coup de fil, un courrier, un SMS !" L’entreprise, qui a perdu 80% de son CA la première semaine ("remonté" à - 55 % début mai) devrait bénéficier de la part de son assureur d’une participation à la perte d’exploitation. "Nous avons survécu grâce à nos fonds propres. Toutes charges payées, nous avons atteint notre point 'zéro', et mis l’argent au bout." Pourquoi ? "Pour servir les gens."

Votre trésorerie, une certitude

Servez-vous de ce contexte exceptionnel pour vous rapprocher de votre comptable et faire régulièrement le point avec lui. Surveillez votre rentabilité et gérez votre fonds de roulement. "Anticipez sur 12 à 18 mois… Faites des hypothèses, selon la vitesse de reprise de l’activité, les remboursements à effectuer (…). Le nerf de la guerre, ce sera la trésorerie", martèle Stéphane Regnier, fondateur de RCA Consulting. Mettez plus que jamais en place des outils et des indicateurs, dès maintenant.

Siagi : des encours reconfigurés

"Le PGE permet de régler les problèmes à court terme. Nous souhaitons assainir la situation financière des entreprises à moyen terme", pose Karine Desroses, présidente de la Siagi. La société de caution mutuelle pour les petites entreprises propose ainsi à ses 22.000 clients une garantie de prêt de trésorerie simplifiée et attractive associée à un réaménagement de leurs encours auprès des banques. "L’ingénierie financière peut aider les artisans à récupérer de la trésorerie." Dans le même esprit, la Siagi proposera bientôt aux entrepreneurs un simulateur leur permettant de mieux définir la capacité de remboursement des prêts en cours et nouveaux prêts, à montant d’échéances égal.

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