Opinion

Aurélien Cadiou, président de l’Anaf : « apprentissage et mobilité européenne ne font pas bon ménage »

Le 24/05/2021
par Laëtitia Muller
En visite dans un CFA du CNAM à Saint-Denis début mai, la ministre du Travail Élisabeth Borne a été alertée par l’Association nationale des apprentis de France (Anaf) sur les freins à l’apprentissage en Europe. Ils seraient la conséquence des dispositions de la loi de 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Nous avons voulu en savoir plus : entretien avec le président de l’Anaf, Aurélien Cadiou.
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En quoi la mobilité des apprentis en Europe est-elle freinée par les dispositions de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ?

L'interprétation des textes entraîne une obligation de suspension des contrats, si la mobilité est supérieure à 4 semaines.

Cela met l’apprenti dans une situation très compliquée : sans contrat, le jeune n’a plus de salaire, ni de couverture sociale.

Il s’agit d’un point bloquant pour l’apprenti, mais également pour les entreprises qui souhaitent parfois poursuivre les contrats, et qui ne le peuvent pas sans forcément tomber dans l’illégalité.

Face à ce hiatus juridique, la ministre du Travail annonçait début mai que « la disposition était prête » et qu’il restait à « trouver le vecteur législatif pour le faire ». Pas de quoi vous satisfaire on l’imagine…

Les apprentis ont besoin de réponse avant la fin de leur cursus ! Leur mobilité a été freinée par la crise, gommant momentanément les effets de la réforme « Avenir professionnel », pourtant les effets négatifs sont réels.

Nous aurions pu penser que la crise offre un temps complémentaire au Gouvernement pour pallier les difficultés engendrées par cette réforme, mais il n’en est rien : en cette fin d'année d’apprentissage, des apprentis ne pourront pas partir en mobilité, ou le feront avec un contrat suspendu…

L’Anaf déplore que les Opco, en charge de l’aide à la mobilité internationale depuis le 1er janvier 2020, ne communiquent pas sur le sujet auprès des CFA et des apprentis…

L’association est fréquemment alertée par de nombreux apprentis qui expliquent ne disposer d’aucune information sur ces prises en charge.

Certains sont même soutenus par leur école qui tente également de faire bouger les choses pour permettre à leurs apprenants de réaliser leur mobilité.

Mobilité parfois indispensable à l’obtention du diplôme, comme en école d'ingénieur.

Quelles sont les solutions et comment l’Anaf voit-elle l’avenir des relations CFA-Opco ?

Les Opco ont dû se mettre en ordre de marche très rapidement, j'en suis conscient, mais la situation des apprentis se dégrade et il faut avancer vite.

La réforme date de septembre 2018, il est temps de résoudre tous les points qui restent en suspens et de ne pas négliger les apprentis.

En effet, les travaux en cours semblent surtout porter sur les problèmes administratifs, la relation Opco/CFA… mais peu sur les difficultés rencontrées sur les apprentis.

En tout cas, l'Anaf n'est conviée à aucun groupe de travail DGEFP/Opco/CFA.

Quel avis portez-vous sur la réforme de l’apprentissage ?

Globalement, le SAV de cette réforme n'a pas été fait. L’arrivée de la crise sanitaire a laissé ce travail en suspens.

À cela s’ajoutent de nombreux changements au sein du ministère du Travail avec l’arrivée de Jean Castex à la tête du Gouvernement.

Les nouvelles équipes héritent de la réforme « Avenir professionnel ». Sa réussite n’est plus portée par ses initiateurs ! La problématique liée à la mobilité internationale en est un parfait exemple : ces problèmes existent depuis au moins début 2020…

D’autres sujets portés par l’Anaf, par exemple les aides aux apprentis ou les abus constatés au sein de certaines écoles, restent également sans solution à ce jour.

>> En savoir plus sur l'ANAF

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