Justice

Alain Griset dans la tourmente

Le 26/11/2020
par Stéphane Schmitt
Alors que le secteur artisanal a accueilli avec enthousiasme l’arrivée d’Alain Griset, l’un des leurs, au Gouvernement en juillet dernier, le ministre délégué aux PME est visé par deux enquêtes ouvertes par les parquets de Lille et de Paris concernant un de ses comptes bancaires. L’entourage du ministre a évoqué une "maladresse, sans volonté d’enrichissement personnel".
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Alain Griset, à droite, lors de son déplacement au Salon à l'Envers de Thionville le 15 octobre 2020.

Le mardi 24 novembre, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a indiqué avoir saisi la justice du dossier d’Alain Griset, ministre délégué aux PME, pour "omission substantielle" d’une part de son patrimoine et soupçon d' "abus de confiance".

En cause, la déclaration de situation patrimoniale de l’ancien artisan taxi qui "omet des participations financières détenues dans un plan d’épargne en actions (PEA), ainsi que le compte espèces associé, pour un montant total de 171.000 €", a indiqué la HATVP. L’entourage du ministre a évoqué quant à lui une "maladresse sans volonté d’enrichissement personnel".

Une somme remboursée dès son entrée en fonction

En 2019, le bureau de la Confédération nationale de l’artisanat des métiers et des services (Cnams) du Nord, présidé par Alain Griset jusqu’à son entrée au Gouvernement, lui avait confié 130.000 € afin qu’il les place sur son PEA.

Selon nos confrères du Monde, Alain Griset aurait demandé à sa banque dès son entrée à Bercy que l’argent soit restitué à la Cnams du Nord. Mais l’établissement bancaire l’aurait alors informé que cette démarche n’était pas possible dans l’immédiat, les plafonds du PEA ayant été dépassés. L’erreur a été reconnue par la banque, qui s’est alors engagée à régulariser le PEA, comme le confirme un mail adressé au ministre, daté du 13 novembre, que Le Monde a pu consulter.

"M. Griset a dit à la Haute autorité qu’il avait l’accord de la Cnams, pour qu’il puisse faire fructifier cette somme, mais alors on est dans la confusion des patrimoines, ce qui n’est pas conforme à la loi", a précisé Didier Migaud, le président de la HATVP, auprès de l’AFP.

C’est la première fois que l’HATVP, créée suite à l’affaire Cahuzac en 2013, saisit la justice concernant un nouveau ministre.

La HATVP précise aussi qu’ "à la suite d’une demande de précisions formulée par la Haute Autorité, Monsieur Griset a déposé deux nouvelles déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale les 19 et 21 octobre 2020. Ces nouvelles déclarations ayant été déposées après l’échéance du délai légal et faisant suite à une demande de précisions de la Haute Autorité, elles ne se substituent pas aux déclarations initiales et ne remettent pas en cause l’appréciation de la Haute Autorité".

Alain Griset, qui a intégré le Gouvernement Castex en juillet dernier, sans gravir les marches du cursus honorum, qui mènent habituellement aux hôtels ministériels, s’est particulièrement investi ces dernières semaines pour la réouverture des commerces de proximité. Sa nomination et la création inédite d’un ministère dédié aux PME étaient perçues comme un geste fort pour le secteur artisanal...

Un fin connaisseur des rouages de l’artisanat

L’engagement d’Alain Griset au service des artisans remonte à 1975, date à laquelle il démarre son activité de chauffeur de taxi à Lille. Autodidacte, il a mené tous les combats pour défendre les intérêts des artisans. En tant que président de la Chambre de Métiers et de l’artisanat du département du Nord, puis de la région Nord Pas de Calais et enfin des Hauts-de-France.

Parallèlement, il a créé l’Union nationale des taxis en 2012 en pleine crise entre les chauffeurs de taxis et la plateforme Uber. Il gagnera plusieurs batailles juridiques pour rétablir l’équité entre artisans et plateforme.

À la tête de l’APCMA (Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, ex-CMA France) entre 2000 et 2016, de la Cnams mais aussi de l’U2P, il devient un fin connaisseur des attentes des patrons artisans. Sa nomination, gage d’une action pragmatique, au plus près du terrain et d’un dialogue social de proximité, le fait passer de l’autre côté de la table des négociations. Pas un rouage ne lui échappe, lui qui a exercé presque tous les mandats du secteur.

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