Interview

Alain Griset : "J’aurais naturellement préféré que chacun puisse continuer à exercer son métier"

Le 09/11/2020
par Propos recueillis par Julie Clessienne
Alain Griset a intégré le Gouvernement Castex en juillet dernier. À sa charge : les PME, sous l’autorité de Bercy. Crise sanitaire, reconfinement, fronde des petits commerces, aide à la numérisation… Le ministre a répondu en exclusivité au Monde des Artisans.
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Alain Griset, ministre délégué aux PME, souhaite que 50% des commerces soient numérisés d'ici à 2021. Un plan de numérisation de 100 millions d’euros à destination des TPE a été annoncé dans ce sens.

Vous avez été auditionné lundi 2 novembre par la Commission des affaires économiques du Sénat. Quelle était votre position sur la fermeture des commerces de proximité ? Sur la possibilité d’accorder aux Préfets de décider localement de l’ouverture des petits commerces ?

Tout d’abord, j’aimerais rendre un hommage appuyé aux commerçants de proximité et aux artisans qui, depuis le début de la crise sanitaire, ont eu une attitude exemplaire en adoptant des protocoles et en investissant dans leur entreprise pour garantir au mieux la sécurité sanitaire de leurs clients et de leurs salariés.

La décision prise par le Président de la République de fermer les commerces ne vendant pas des produits de première nécessité ne pouvait pas être mise en œuvre de façon différenciée sur le territoire français, car le virus circule partout. Cela nous a amenés à ne pas demander aux préfets des décisions spécifiques par territoire.

J’aurais naturellement préféré que chacun puisse continuer à exercer son métier. Cependant, pour combattre le virus, il nous faut réduire au maximum nos points d’interactions sociales. C’est pourquoi sous l’autorité du Premier ministre et avec Bruno Le Maire, nous avons pris des mesures d’accompagnement exceptionnelles en renforçant les dispositifs d’aides qui vont permettre aux entreprises de faire face à cette période : l’aide au titre du fonds de solidarité qui passe à 10.000 € par mois (contre 1.500 € au printemps) pour les entreprises fermées administrativement et les secteurs les plus touchés, la prise en charge à 100% de l’activité partielle ou encore l’exonération de charges sociales.

Nous incitons, bien évidemment, tous les commerçants qui le souhaitent, à poursuivre leur activité par la mise en place du retrait de commandes, de la vente en ligne. Les revenus qui seront générés pendant cette période selon cette modalité par les commerces fermés ne seront pas pris en compte dans le calcul de l’aide du fonds de solidarité.

Que répondez-vous aux élus locaux qui mènent une fronde pour les commerces de proximité ? Aux commerçants qui ont décidé de contourner la loi en ouvrant malgré tout ?

Préciser que, sur 36.000 maires en France, seulement quelques dizaines ont pris un arrêté qui contredit le décret instaurant cette fermeture administrative. Je tiens donc à souligner l’action d’une énorme majorité de maires qui soutiennent leur commerce de proximité et qui savent que leur rôle ne consiste pas à prendre des décisions contraires à la loi. Quant aux commerçants, il est de leur intérêt de ne pas suivre ces arrêtés au risque de subir des sanctions.

Le "click & collect" ou la vente en ligne sont préconisés pour limiter les pertes de CA mais quels sont les leviers à actionner pour les commerçants situés en zone rurale, parfois en zones blanches ?

Le Gouvernement a décidé comme action prioritaire l’accompagnement des TPE/PME dans la numérisation de leur activité, afin d’améliorer l’organisation de leur entreprise, leurs relations clients et augmenter leur chiffre d’affaires. C’est pourquoi nous avons annoncé un plan de numérisation de 100 millions d’euros à destination des TPE avec un objectif ambitieux, nous souhaitons que 50% des commerces soient numérisés en 2021.

Pour ce faire, nous lançons une labellisation pour les offreurs de solutions numériques, leurs offres préférentielles seront recensées sur le site internet clique-mon-commerce.gouv.fr, qui sera en ligne dès ce mardi 10 novembre.

Chaque commerce fermé administrativement et qui n’est pas numérisé, bénéficiera également d’une aide de 500 €, 120.000 commerces sont concernés.

Enfin, nous soutiendrons les communes qui développent leur plateforme locale en regroupant les offres commerçantes de leur ville.

Je tiens à rappeler que le gouvernement travaille ardemment à la couverture du territoire, qui a progressé très fortement ces dernières années, pour que chaque Français ait accès à une connexion internet, que ce soit la fibre ou la 4G.

Chaque artisan et commerçant a l’impression que son activité est "essentielle". Comment faire entendre à certains qu’ils ne le sont pas ?

L’ensemble des commerçants et des artisans sont essentiels à la vie et à la stabilité de la Nation. Ils sont créateurs de lien social par les services qu’ils rendent, les emplois qu’ils créent et la formation des plus jeunes. En me nommant au Gouvernement, le Président de la République a voulu manifester son attachement à l’ensemble des TPE-PME.

Les grandes surfaces ont été contraintes de condamner certains de leurs rayons par principe d’équité, des dispositifs sont-ils à l’étude pour freiner la concurrence des plateformes en ligne ?

Par soucis d’équité, le Premier ministre a demandé aux grandes et moyennes surfaces commerciales de ne vendre que des produits de première nécessité afin de ne pas pénaliser les 200.000 commerces de proximité qui ont dû fermer mais le commerce en ligne n’est pas concerné par ces restrictions. Bon nombre d’artisans et de commerçants utilisent déjà le commerce en ligne et comme je l’ai dit précédemment, nous souhaitons accélérer cette tendance.

En revanche, il est important de rappeler que la France est le premier pays d’Europe à avoir appliqué depuis 2019 une taxe sur les services numériques pour imposer le chiffre d’affaires réalisé en France.

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