Reconfinement

La grogne des commerces de proximité

Le 02/11/2020
par Julie Clessienne
À l’approche des fêtes de fin d’année, les commerçants "non essentiels" obligés de rester fermés a minima jusqu’au 1er décembre, crient à l’injustice et réclament l’équité face aux grandes surfaces et aux plateformes d’e-commerce. Pour l’instant, le Gouvernement se laisse le temps de la réflexion.
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Obligés à baisser leurs rideaux le 30 octobre, les commerces de proximité catégorisés comme "non essentiels" n’ont cessé depuis d’exprimer leur colère. Avec Noël qui se profile, le manque à gagner pour certain est énorme (en moyenne 30% du CA annuel des petits commerçants), voire "plus de 50% de notre chiffre d’affaires", selon Romain Mulliez, coprésident de la Fédération des commerces spécialistes des jouets et des produits de l'enfant, qui a annoncé le dépôt d’un référé devant le Conseil d’État contre la vente de jouets dans les hypermarchés. "Pour nous, c’est toute l’année qui se joue sur ces deux mois de novembre et décembre", affirme-t-il.

Pour Joël Fourny, président de CMA France : "La lutte contre le virus ne doit pas désarmer la Première Entreprise de France, qui pèse 12% du PIB. Elle ne doit pas générer de l’injustice en créant des situations incompréhensibles ou, plus grave encore, en instaurant une concurrence déloyale entre commerces de proximité et grande distribution, au détriment des artisans et petits commerçants, et à terme des centres-villes."

Même colère du côté de l’U2P, dont le président Laurent Munerot s’est exprimé dans un communiqué ce samedi 31 octobre : "Contraindre à la fermeture des entreprises qui ont mis en place toutes les mesures pour assurer la sécurité sanitaire de leurs salariés et de leurs clients est un acte de défiance inadmissible. A fortiori quand en parallèle les pouvoirs publics autorisent les grandes surfaces à ouvrir et à vendre les mêmes produits et services, alors que les interactions sociales qui favorisent la transmission du virus y sont beaucoup plus importantes que dans les entreprises de proximité."

Libraires en colère

Autre profession vent debout, et particulièrement médiatisée depuis les annonces du 29 octobre : les libraires, consternés de se voir obligés de fermer, créant ainsi une autoroute aux plateformes de vente en ligne et aux rayons livres des supermarchés. En réponse, Jean Castex a fait savoir le dimanche 1er novembre, sur le plateau de TF1, que le Gouvernement a décidé de fermer les rayons "non essentiels" des grandes surfaces (culture, jouet…) dès ce mardi 3 novembre. Un nivellement par le bas que regrette le secteur qui attendait plutôt une autorisation à rouvrir.

Dans un communiqué commun, Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot, ministre de l’Économie et de la Culture, ont fait savoir qu’ils recevraient cette semaine l’ensemble des acteurs de la filière du livre "pour étudier avec eux les modalités d’une éventuelle réouverture des librairies, dans la perspective du point d’étape fixé par le président de la République".

[Mise à jour du jeudi 5 novembre : Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot ont annoncé dans un communiqué commun que l'Etat prendra en charge à compter de ce jour et durant le confinement les frais d'envoi des livres expédiés par les librairies indépendantes. Ne seront facturés aux clients que les frais de port au tarif minimum légal, soit 0,01 €. Les libraires devront déposer leur demande de remboursement à l’Agence de Services et de Paiement (ASP), accompagnée des factures justifiant des coûts d’expédition des commandes.]

Concurrence entre coiffeurs en salon et à domicile

Pour éviter tout crêpage de chignon entre coiffeurs en salon et coiffeurs à domicile, l’Unec, première organisation professionnelle du secteur a aussi demandé dès samedi 31 octobre des éclaircissements au Gouvernement, via une lettre adressée au Président de la République. Alors que Claire Chaize, porte-parole du ministère de l’Intérieur, s’était avancée à confirmer sur BFMTV et France Inter le 30 octobre que l’exercice de la coiffure à domicile était autorisé, le Gouvernement a rétropédalé ce lundi 2 novembre. Bruno Le Maire a ainsi fait savoir à nos confrères de RTL qu’il souhaitait corriger cette iniquité dans la journée et donc que la coiffure à domicile ne sera plus possible durant le confinement.

Une fronde soutenue par certains politiques

Depuis le 30 octobre, les commerçants désœuvrés multiplient les initiatives pour faire entendre leurs voix et valoir leurs droits à travailler en cette période cruciale : grèves de la faim, ouvertures "clandestines", pétitions, manifestations…

Des revendications soutenues par les maires de plusieurs villes (Brive, Beaune, Perpignan, Colmar, Chalon-sur-Saône, Valence…), qui ont pris des arrêtés autorisant l’ouverture des commerces non alimentaires sur leur commune. Pour rappel, ces arrêtés sont jugés "illégaux" par les préfectures.

Le Sénat a annoncé que sa commission des Affaires économiques entendrait ce lundi 2 novembre, à 16h30, le ministre délégué aux PME Alain Griset "sur la réponse que souhaite apporter le gouvernement à ces contestations".

[Mise à jour du mercredi 4 novembre : les tribunaux administratifs de Strasbourg et d'Evreux ont annulé mardi 3 novembre les arrêtés pris par des maires souhaitant autoriser l'ouverture des commerces de proximité pendant le confinement. Des décisions identiques sont attendues dans toute la France ces prochains jours.]

Alors que l’examen du projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire se poursuit ce 2 novembre à l’Assemblée nationale, le Sénateur Philippe Bas a porté un amendement, voté par le Sénat, qui vise à ce que le préfet puisse, à titre dérogatoire et lorsque les conditions sanitaires le permettent, autoriser l’ouverture de commerces de vente au détail et de service de proximité.

L’Association des maires de France a, elle, demandé dans un tweet le réexamen de la notion de "première nécessité".

En attendant des éclaircissements, Bruno Le Maire encourage les commerçants à solliciter les aides disponibles et à mettre en place autant que possible le retrait en magasin et la livraison à domicile.

Le ministre de l'Économie a aussi annoncé qu'un "nouveau régime d'assurance pour les entreprises en cas de catastrophe sanitaire" serait finalisé "dans les prochaines semaines" et opérationnel en 2021. "On est sur quelque chose qui pourra accompagner dans la fin de cette crise et pour la suivante", complète-t-on à Bercy.

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