Opinion

Cédric Perrin : "L’atout de l’artisan est sa plasticité"

Le 20/09/2023
par Propos recueillis par Sophie de Courtivron
Ce professeur agrégé et chercheur en histoire, rattaché à l’université d’Évry, s’intéresse particulièrement à l’histoire des artisans et des petites entreprises : un domaine peu exploré. Il vient de sortir un livre sur le sujet et nous fait part de son optimisme quant au secteur.
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Pourquoi vous intéressez-vous à l’artisanat, aux TPE, à l’apprentissage… ?

C’est un peu la convergence entre mon histoire personnelle et ma formation d’historien à l’université.

Mon père était artisan peintre. À l’université de Tours, mon professeur d’histoire contemporaine avait travaillé sur les PME… Je me suis focalisé sur la strate en dessous : les artisans et leur place dans l’histoire économique.

La "révolution" industrielle aurait-elle pu faire disparaître l’artisanat ?

Selon Marx ou Engels, les artisans sont laminés par la grande industrie et sont voués à aller grossir la masse du prolétariat. Les économistes classiques les rejoignaient là-dessus : l’artisanat correspond à une phase ancienne de l’Histoire et est donc destiné à subsister sous forme reliquaire. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé.

"Certains métiers ont certes périclité ou quasiment disparu (tisserand, forgeron, tonnelier…), mais le progrès technique en a créé de nouveaux qui les remplacent : mécaniciens automobiles/informatique, électriciens, etc. L’artisanat s’est transformé et les artisans se sont adaptés."

Artisan signifie étymologiquement "homme de métier" : il maîtrise les techniques, met en œuvre de nouveaux matériaux, outils… C’est une condition pour que l’artisanat perdure. S’il n’était que lié à une tradition, un héritage, il aurait disparu.

Quelles autres idées reçues sur l’artisanat évoquez-vous dans votre livre ?

Il y a par exemple l’idée qu’une entreprise artisanale est une entreprise familiale ; il y a plus d’entreprises familiales dans les grandes entreprises que dans les petites (Schneider, Mulliez…) !

J’évoque aussi les liens que l’on fait entre l’artisanat et les régimes autoritaires du XXe siècle (Vichy, Franco…). Oui, il y avait une propagande qui valorisait le travail manuel, mais ces régimes se sont montrés incapables de protéger les artisans et étaient bien plus proches des grosses entreprises.

En quoi le secteur de l’artisanat fait-il preuve aujourd’hui de vitalité ?

Il y a 1,5 million d’entreprises artisanales, qui réalisent à elles seules plus de 10% du PIB national.  Nous sommes sur des métiers portés par un renouveau de l’image de l’entrepreneur.

"Les politiques publiques ont poussé les gens à créer leur emploi. Cette dynamique correspond aux préoccupations contemporaines : les artisans vont accompagner la rénovation de l’habitat, la circularité, les marchés de proximité, la réparation…"

L’atout de l’artisan est sa plasticité. On a des artisans là où les grandes entreprises n’ont pas la souplesse nécessaire pour intervenir.

Biographie

  • 1973 : Naissance à Tours.
  • 1997 : Professeur d’histoire-géographie.
  • 2001 : Docteur en histoire.
  • 2007 : Publication de son premier livre, "Entre glorification et abandon. L’État et les artisans en France (1938-1970)", au CHEFF.
  • 2023 : Parution de "Le XXe siècle des artisans. Histoire d’une disparition non advenue", chez Le Manuscrit.
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