Prestige

La Fonderie de Verre : tout feu, tout flamme

Le 24/01/2024
par Julie Clessienne
Sa route s’esquissait dans le papier, dans ses Vosges natales. C’est finalement dans le verre, en pleine campagne bretonne, à Saint-Alban (22), qu’Olivier Fonderflick va se révéler et acquérir une réputation à l’international. Un procédé délicat et une matière fragile que le solide dirigeant apprivoise avec ardeur et talent.
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L'équipe de la Fonderie de Verre : Olivier Fonderflick, sa compagne verrière Laetitia Briend, Logan Fusin, salarié, et Camille Petiot, apprentie.

Pas à sa place. C’est ainsi qu’Olivier Fonderflick résume les prémices de sa vie professionnelle. Issu de l’industrie papetière, promis à une carrière dans l’imprimerie, le jeune homme profite de ses pauses pour courir admirer les vitraux de la cathédrale de Saint-Dié-des-Vosges. Fasciné.

"Je n’avais plus qu’un objectif : intégrer le Cerfav, centre d’excellence qui forme aux arts verriers, près de Nancy. J’y suis parvenu au bout de trois ans, grâce à l’obtention d’un congé formation." 

La fascination s’y mue en passion instantanée pour la pâte de verre, technique modernisée par le légendaire Lorrain Daum, et le procédé de la cire perdue. Prochain arrêt : Marseille, au Cirva où le stage d’un mois va durer… huit ans.

Embauché en tant que technicien, il y fabrique les œuvres d’artistes de renommée internationale, en résidence au centre : Gaetano Pesce, Jean-Michel Othoniel… "Une chance énorme." 

La technique acquise, le verrier se rêve à la tête de son propre atelier, "plus forcément réservé à l’élite". La cité phocéenne s’avère inaccessible ; un projet en région parisienne tombe à l’eau.

L’astuce décisive

Une escapade en Bretagne, sur les terres de sa compagne, verrière elle aussi, lui apporte la solution : un hangar à céréales de plus de 500 m2. Non sans crainte : le lieu est isolé, la région très rurale, "pas trop tournée vers l’art". Il se lance pourtant et surmonte la première année d’activité.

Puis vient l’astuce décisive en 2012 : se référencer sous la dénomination "Fonderie de verre" (et la déposer à l’Inpi). "L’association des deux termes n’existait pas mais c’est exactement ce que tapent sur Internet des artistes en quête de ce savoir-faire." Succès et retombées instantanés.

Pendant plusieurs années, Olivier se rend également une fois par mois à Paris et à Bruxelles dans un bureau en co-working, au contact des designers et artistes pour lesquels il réalise des pièces spectaculaires – luminaires, sculptures, plateaux de table… – en partance surtout pour New York ou Los Angeles.

Le rêve des neiges éternelles II, 2021. Chapelle Saint-Michel, cimetière de Saint-Paul-de-Vence. Design Stéphane Guiran

Le verrier se spécialise en parallèle dans les trophées (associations, industries…), "pour assurer un retour tous les ans. Je les dessine dans 90% des cas car j’ai aussi un diplôme en design d’objet, passé en candidature libre en 2007 aux Beaux-Arts de Lyon." 

Désormais, il accueille directement sa cinquantaine de clients réguliers à l’atelier, dans un appartement rappelant "l’esprit résidence" tant apprécié au Cirva. "Nous peaufinons ensemble les projets, faisons des essais de matière… Mais le fait de ne plus aller à Paris freine ma culture générale en matière d’art et de design. Je compte y remédier prochainement." La faute au temps. Et qu’il en faut.

Un sacerdoce quotidien

La technique de la cire perdue se décompose en de multiples étapes : fabrication du moule en silicone "à partir du mètre-modèle du client", coulage de la cire, emprisonnée dans du plâtre une fois durcie, passage à la décireuse (un four à vapeur). "La cire y fond pendant toute une journée puis le verre est enfin ajouté dans le creux généré, descend progressivement par gravité." 

Température de fusion ? "Autour de 1.000 degrés, selon le volume et l’épaisseur désirés. Temps de cuisson ? "Deux semaines en moyenne." 

Éviter tout choc thermique, veiller à la météo et aux coupures de courant fatales, jongler entre une dizaine de fours, polir les pièces pendant des jours, accueillir un public de curieux les vendredis et des professionnels en stage une fois par an… Un sacerdoce pour Olivier et sa petite équipe constituée d’un salarié, d’une apprentie fraîchement recrutée et de son épouse, "qui a son propre atelier et intervient sur certaines de mes pièces".

"Je recherche un nouveau collaborateur pour assurer les finitions, une tâche primordiale qui demande au moins une dizaine d’années d’expérience." Une quête désespérée qui freine son développement. Seule cette perle rare pourra lui permettre de briser le plafond de verre. Un comble.

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