Flory Brisset : et l’impossible devint broderie…

La malicieuse trentenaire l’affirme tout de go : "En général, on ne vient pas me voir quand on sait ce qu’on veut !" Car, chez Invenio Flory, les cerveaux sont en ébullition permanente pour dépoussiérer l’art de la broderie et l’amener dans des univers encore inexplorés, inexploités.

Une marque de fabrique qui l’a rapidement distinguée dans le milieu – hermétique – des brodeurs parisiens historiques. "J’ai poussé les portes des grandes maisons de couture à 21 ans, au culot, alors que j’étais en 1re année de master en direction artistique de mode à l’école Duperré à Paris III. Bien avant l’ère LinkedIn qui simplifie la recherche d’interlocuteurs et les prises de contact !

J’ai fait mouche en proposant des échantillons innovants, à partir de matériaux issus de l’industrie, comme le plastique ou le néoprène", retrace Flory Brisset.

Dior, Stéphane Rolland, Jean Paul Gautier puis Yves Saint Laurent la mettent rapidement à contribution sur leurs collections haute-couture ou prêt-à-porter, séduits par ses recherches "qui sortaient des sentiers battus et cette nouvelle patte esthétique". Chanel, Balmain et Balenciaga la challengent aujourd’hui sur leurs pièces novatrices.

Hybridation sans limite

Alors que tous délocalisent à tout-va, Flory s’enracine. Elle trouve son port d’attache dans un loft lumineux au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis). Un terrain de jeu idéal, "modulable à l’envi, au gré des projets, minutieux comme monumentaux", synergie parfaite entre studio, laboratoire et atelier.

« J’aime l’idée de maîtriser la chaîne dans son ensemble. Ici, on crée, on conçoit, on fabrique ! Nous sommes dans l’hybridation sans limite des savoir-faire – broderie, plumasserie, travail du cuir, maille, tissage – et des procédés techniques – sérigraphie, moulage, thermoformage, conception 3D…" 

Une équipe de cinq personnes, venues d’horizons variés, s’y affaire, studieusement. Beauvoir et Nietzsche, les cabots maisons, veillent au grain. "Une trentaine de personnes, indépendants ou intérimaires, viennent renforcer les effectifs au moment des lancements des collections, pour les moments forts de l’année."

Toujours plus loin mais… en France !

Produire en Île-de-France est sa façon à elle d’ancrer le savoir-faire de la broderie dans son bassin historique, tout en le propulsant dans des applications inédites.

"Délocaliser est une aberration sociale et écologique. Demander à des artisans à l’autre bout du monde de délaisser leurs méthodes traditionnelles pour leur imposer notre savoir-faire n’a aucun sens, estime la créatrice.

"Il y a d’autres façons de faire des économies, notamment en remplaçant des matières premières coûteuses. Par exemple, nous avons œuvré sur la mémoire de forme de broderies en silicone pour les bas-reliefs de mobiliers extérieurs, là où l’on ne nous attendait pas forcément…" 

Car Flory Brisset ne s’interdit aucune collaboration, forte de son double cursus en design. Si la mode représente 60% de son activité, le reste est le fruit de projets menés dans le design d’objets et d’intérieur, comme récemment avec le très tendance David T’Kint, basé à Dubaï.

"Nous faisons progresser la pratique, le geste et la résultante, en lien avec l’évolution des goûts, mœurs et matériaux. C’est notre méthode pour pérenniser les métiers d’art", Flory Brisset.

Prochain défi de taille, qui se concrétisera fin 2024 : "Redonner vie au château de la Guittonnière, dans les Deux-Sèvres. Nous pourrons y travailler sur des œuvres d’ampleur (architecture, décoration)… Continuer à hybrider les savoir-faire, en s’essayant à la culture de plantes tinctoriales, pour créer des matières premières à base de fibres végétales". Flory Brisset : définitivement indéfinissable…