Musées d’entreprise

La passion au service du marketing

Le 29/09/2017
par Marjolaine Desmartin
Qu’ils l’appréhendent comme un moyen de communiquer leur amour pour leur travail, d’élargir leur clientèle ou de valoriser un patrimoine, ces trois artisans ont choisi d’ouvrir un musée d’entreprise. Et ainsi, d’actionner un levier de croissance en termes d’image indéniable.
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Roy Baierlein – Horloger : Un support pour échanger

Les heures perdues n’existent pas pour Roy Baierlein. Le Centre horloger de Provence, fondé il y a 35 ans à Avignon par cet artisan et son épouse et installé depuis neuf ans à Entraigues-sur-la-Sorgue (Vaucluse), comprend des ateliers (montre, pendule, fabrication), un centre de formation, une manufacture et un musée. « Nous sommes quatre, avec mes deux fils, pour faire fonctionner le centre. Cela demande une énergie énorme, admet Roy. En comptant les livres que j’écris, je dois travailler quelque 18 heures par jour. » Mais, quand on aime, on ne compte pas.

Preuve de la passion de l’horloger, une collection privée de 2 500 montres, du modèle Renaissance au chronographe moderne, qu’il expose au public dans une salle dédiée. « À dire vrai, je pensais que cet espace regrouperait clients et visiteurs. Ce n’est pas toujours le cas. Le public vient souvent de loin pour découvrir notre collection, et repartir avec une horloge dans ses bagages n’est pas chose aisée. En revanche, on nous confie des montres, souvent difficilement réparables à l’étranger. » Du simple curieux au passionné, du couple à la famille, le musée attire entre 400 et 500 personnes chaque année. Et ratisse large : Allemands, Suisses, Hollandais, Anglais…

Beaucoup viennent pour les conférences animées par Roy. « Il s’agit de soirées entre amateurs où l’on échange autour d’une thématique. Le musée est un support qui me permet de parler de tout. » Dans cette logique d’ouverture, l’horloger organise, avec d’autres artisans, le Salon Arts & Maîtrises. Les 15, 16 et 17 septembre, chaque vitrine du musée a accueilli le travail autour du métal d’un artisan (bijoutier, doreur…).

www.centrehorloger.fr

Timothée Cangrand – Sandalier : Vendre directement aux consommateurs

Un musée peut en cacher un autre… Spécialiste des espadrilles entièrement cousues main, l’entreprise Don Quichosse, labellisée EPV*, a ouvert il y a plus de dix ans un magasin-musée à Ossès (Pyrénées-Atlantiques). Aujourd’hui, elle a transformé son atelier de Mauléon-Licharre en atelier-musée. « Nous faisons beaucoup de visites. Ce sont des offices de tourisme, des comités d’entreprise, des hôtels… qui nous contactent à cet effet, ainsi que des touristes de passage, détaille Timothée Cangrand, cinquième génération de cette lignée de sandaliers. Nous montrons pendant environ 45 minutes comment fabriquer des espadrilles, puis les visiteurs peuvent en acquérir dans notre magasin. »

Des visiteurs, le jeune homme estime en recevoir environ 3 000 par an, simplement à Mauléon.

« Nous avons deux buts, bien distincts mais complètement indissociables : faire partager au public notre passion et lui faire connaître nos produits, et vendre directement aux consommateurs afin de diminuer notre dépendance aux intermédiaires. » Pari réussi : le B to C, ou Business to consumer, représente aujourd’hui une grosse partie du chiffre d’affaires de l’entreprise. « Il y a bien sûr une contrepartie, tempère Timothée. Lorsque nous décidons d’ouvrir au public, il faut le recevoir, qu’ils soient quatre personnes comme quarante, et laisser ce que nous sommes en train de faire. Il faut donc rattraper ces heures non directement productives, ce qui nous amène à nous lever tôt et à nous coucher tard ! »

* Entreprise du Patrimoine Vivant

www.donquichosse.com

Carole Marfaing – Biscuitière : Faire vivre le patrimoine

Une fois par an, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, il est remis en route et des démonstrations de mouture y sont organisées. Lui, c’est le vieux moulin de Sinsat (Ariège). Construit au XVIIe siècle, cet édifice équipé d’une roue à eau et de deux meules de pierre a servi tour à tour à faire de la farine et de l’électricité. Aujourd’hui, il fleure bon les cookies, les sablés et les croustillants, préparés par Éric Boutin, Carole Marfaing et l’équipe des Biscuits du Moulin dans l’atelier attenant.

« Nous sommes très fiers du moulin. Beaucoup d’étrangers sont étonnés de trouver un édifice pareil ici. En France, on ne met pas assez en valeur le petit patrimoine », regrette Carole. Pour remédier à cette situation, la co-gérante laisse libre accès au site, où un petit film pédagogique est projeté. Elle anime aussi des visites commentées. « J’explique la vie dans la vallée, la manière dont le moulin tournait, les céréales que l’on cultivait dans le coin… »

Pour elle, faire vivre ce patrimoine est une évidence. D’autant plus que « la mode revient à la farine broyée à l’ancienne sur meule de pierre. Cette technique, utilisée pour nos biscuits, permet de conserver les nutriments. » Certains jours, le moulin de Sinsat peut accueillir jusqu’à 200 visiteurs. Une affluence qui n’effraie pas Carole. « Même si nous ne sommes que quatre, nous sommes bien rodés ! » En été, le site attire de nombreux touristes – Espagnols, Andorrans, Hollandais… –, en hiver, des sportifs et, le reste du temps, des curistes. Qui, souvent, repartent les mains pleines de gourmandises. Coup double pour les Biscuits du Moulin !

www.lesbiscuitsdumoulin.com

Des enjeux multiples

« Ouvrir un espace de marque revêt plusieurs enjeux pour l’entreprise : communiquer sur des valeurs et un savoir-faire spécifique, s’inscrire dans une démarche culturelle, vendre directement aux consommateurs et valoriser ses salariés, liste Cécile Pierre, déléguée générale d’Entreprise et Découverte, l’association de la visite d’entreprise. De la même manière, plusieurs raisons motivent l’intérêt du public : comprendre un territoire par le biais d’un savoir-faire, rêver autour d’un produit, consommer autrement (conseils, accès à l’intégralité d’une gamme…) et échanger. » L’investissement n’est pas le même selon les ambitions de l’entreprise et le nombre de visiteurs. « La base, c’est une formation de l’artisan, la sécurité et la signalétique. Certains choisissent de recourir à des supports de médiation modernes : plaquette, film… Dès lors qu’un seuil de 3 à 4 000 visiteurs est franchi, embaucher est presque incontournable. On entre là dans une démarche de professionnalisation de l’offre. »

www.entrepriseetdecouverte.fr

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