Santé des dirigeants

Le moral des artisans durement éprouvé

Le 04/05/2020
par Samira Hamiche
Spécialistes de la santé des entrepreneurs, l'Observatoire Amarok et le LabEx Entreprendre ont mené une enquête sur la capacité de redémarrage des petites entreprises. L'étude met notamment en exergue le rôle clé des réseaux consulaires dans le soutien aux entrepreneurs.
Partager :

Crainte pour leur activité, trésorerie à sec, angoisse pour leurs proches... Les dirigeants de petites entreprises sont en souffrance en cette période inédite de crise du Covid-19. Pour y voir plus clair dans ce contexte anxiogène, l'Observatoire Amarok et le LabEx Entreprendre ont lancé en avril une enquête universitaire "sur le moral des chefs d'entreprise et le redémarrage post-crise sanitaire". Cette enquête a été dédiée à la mémoire de Bernard Stalter, décédé en avril dernier.

Avec ses collaborateurs de l'université Montpellier-3 et de la MBS, le fondateur de l'Observatoire Amarok, Olivier Torres, entendait ainsi décortiquer la corrélation entre l'état de santé des patrons (TPE, PME, indépendants) et leur capacité de rebond économique. Il s'agissait notamment d'évaluer l'état de santé des dirigeants, mais aussi le pourcentage de risque de perdre du chiffre d'affaires et la probabilité de déposer le bilan à brève échéance.

Du 16 au 22 avril, 1 925 chefs d’entreprise (commerçants, artisans, professionnels libéraux et agriculteurs) ont répondu à l'enquête, composée de 102 questions. De quoi établir un solide état des lieux…

La santé mentale fragilisée

Inquiétude n°1, le dépôt de bilan angoisse près d'un tiers des répondants (30,5 %), qui estiment que ce risque les guette de près après le confinement. Cette perspective "impacte davantage la santé du chef d’entreprise que le risque de contracter gravement le Covid-19", notent les auteurs de l'étude.

Paradoxalement, remarque l'étude, la suspension d'activité a permis aux chefs d'entreprise de reprendre quelques forces physiques. Mais si plus de "repos" forme un terreau (relativement) salutaire, les entrepreneurs ruminent, et le mal-être a hélas pris le dessus. La nuit, le sommeil est agité, quand l'insomnie n'est pas au rendez-vous : l'Observatoire Amarok enregistre ainsi le pire indice de qualité du sommeil depuis sa création.

"Rester à la maison et voir son entreprise brûler atteint fortement la santé mentale et la qualité du sommeil. Avec un score de 2,89, la santé mentale est menée à rude épreuve", développe la synthèse de l'étude.

"Les entrepreneurs français sont sur les nerfs. Rien n’est pire pour eux que la rude épreuve de l’inactivité."

Le risque de burnout élevé

Fait encore plus inquiétant : pour plus d'un tiers des répondants (34,5 %), l'indice de risque de burnout dépasse le score de 4 (niveau où l’on commence à déceler la présence d’un risque). À titre de comparaison, l’enquête réalisée en 2019 sur un échantillon représentatif de l’entrepreneuriat français affichait un score de 17,5%. La population à risque a donc doublé en un mois de confinement ! 

Par ailleurs, 9 % des dirigeants interrogés, soit 165 individus sur 1925, entrent en phase nécessitant une aide ou une intervention extérieure. L'Observatoire Amarok estime ainsi à 300 000 le nombre d'entrepreneurs présentant, à ce jour, "un risque sévère". 

Le rôle crucial des consulaires et des réseaux d'aide

Dans leur conclusion, les auteurs de l'étude soulignent l'importance, pour les chefs d'entreprise, de solliciter une aide psychologique : la ligne téléphonique déployée par le réseau Apesa apporte, à ce titre, une première réponse.

Par ailleurs, les chercheurs saluent le travail des services de santé au travail, des chambres consulaires et des syndicats professionnels impliqués dans l'écoute des entrepreneurs. Ils insistent en outre sur le "besoin de formation de celles et ceux qui sont en contact avec les chefs d’entreprise".

L'enquête laisse ainsi entrevoir un constat prégnant : celui du "rôle crucial en cette période joué par le réseau consulaire". "Fortement démunis ces douze dernières années au gré des politiques publiques visant à réduire avec constance leurs moyens, nous affirmons clairement et sans détour que les réseaux consulaires (CCI, CMA, chambres d’agriculture…) sont aux premières loges et sans aucun doute le premier réseau de soutien aux entrepreneurs face à cette crise sans précédent", développent ainsi les chercheurs.

Ces derniers rappellent : "Des milliers de permanents répondent à des centaines de milliers de chefs d’entreprise pour décortiquer le sens des ordonnances (42 au total au 27 avril), pour faciliter les démarches d’accès aux dispositifs de soutien à l’économie, pour mettre en réseau tout l’écosystème entrepreneurial." Un constat empirique que ne démentiront pas les conseillers des CMA, mobilisés au quotidien !

www.observatoire-amarok.net

Partager :