Artisanat d'art

Le SIPC, trait d’union et carrefour de débats

Le 07/10/2019
par Propos recueillis par Samira Hamiche
Financement de la formation, transmission du savoir-faire, sauvegarde du patrimoine... A l’approche de la 25e édition du Salon international du patrimoine culturel (SIPC), la présidente d’Ateliers d’Art de France, Aude Tahon, se confie sur les préoccupations et les terrains d’engagement du secteur de l’artisanat d’art.
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Portrait de Aude Tahon, présidente d'Ateliers d'Art de France

Il y a quelques mois, vous mettiez en garde contre l’instrumentalisation de l’image positive de l’artisanat d’art par les industriels du luxe. Où en sommes-nous sur ce sujet ?

Récemment, en allant visiter un atelier de maroquinerie à vocation industrielle, la ministre du Travail a donné un signal supplémentaire. Le Gouvernement indique que c’est là que se situe l’avenir des métiers d’art, dans des centres de formation destinés aux futurs salariés de grands groupes. Avec la réforme des opérateurs de compétences (OPCO), les fonds se retrouvent dirigés vers ces entreprises qui forment "de la main-d’oeuvre", dans le sens "masse salariale". Or, l’artisanat d’art, ce n’est pas ça... Nous comprenons les besoins spécifiques des industries du luxe, mais cela ne correspond pas aux besoins du secteur et des entreprises de métiers d’art. Les artisans d’art et petites manufactures ont besoin de savoir-faire particuliers, ils ne fonctionnent pas comme les grands groupes. Sur ce point, nous sommes intangibles. Lors des dernières assises d’AAF, en juin, notre communauté de métiers d’art a débattu des enjeux de la formation et échangé autour du modèle des "ateliers-écoles". Le terme d’"atelier école" est issu de notre enquête sur les enjeux de la formation, menée auprès des entreprises et des apprenants, et permet d’identifier le rôle essentiel de nos entreprises dans la formation et la transmission. Un créneau de conférences est prévu au Salon international du patrimoine culturel (SIPC), au cours desquelles nous développerons ces sujets.

« On entend beaucoup parler de ‘salariat’ : mais que dit-on sur les milliers d’emplois que créent les petites structures ? »

Le thème retenu pour le SIPC 2019 est “Futur en héritage”. Ressentez-vous une prise de conscience collective du rôle des artisans dans la sauvegarde du patrimoine ?

L'engouement pour la restauration de Notre-Dame de Paris montre que la société civile est parfaitement mobilisée, consciente des enjeux du patrimoine, et qu’elle a envie de participer. Cette réaction d’appropriation prouve que c’est un bien collectif dont on se soucie. Hélas, nous pensons que le Gouvernement n’a pas su l’entendre. L’annonce d’un chantier sur cinq ans, en-dehors du temps du patrimoine, est emblématique. Là où la population était prête à l’idée qu’un chantier de restauration dure des années, l’exécutif a avancé comme un atout le fait de réaliser les travaux en un temps réduit. Or, il n’y a aucun a priori de la population à ce que le chantier d’une cathédrale dure le temps qu’il faut… Car on ne le fait pas pour soi, mais pour son environnement, et pour sa descendance. La société comprend ce temps-là, qui est d’ailleurs lié aux valeurs des métiers d’art : la connaissance et le respect des monuments. De plus, ce n’est absolument pas un frein au tourisme : les gens veulent savoir comment on restaure un monument, c’est un moment de découverte, de partage.

Le SIPC est un lieu de rencontres et d’exposition pour les artisans… Le concevez-vous également comme un temps d’analyse ?

Oui, le SIPC est un carrefour de débats. Nous profiterons de ce temps pour porter les sujets d’actualités : les freins qui nous pénalisent, la formation, l’accès aux marchés, la difficulté d’identification des artisans d’art, la prévention santé… Un créneau sera notamment dédié à l’accès aux marchés publics. Nous souhaitons montrer de quelle manière les acteurs du patrimoine travaillent ensemble : artisans d’art, élus locaux - les maires notamment - et architectes du patrimoine. Les débats sur Notre-Dame de Paris empêchent de voir ce qui constitue le quotidien et les besoins des chantiers du patrimoine…Or cette économie "triangulaire" mérite d’être mise en lumière. Nous souhaitons aussi communiquer sur la déontologie du code du patrimoine, un temps mise à mal par la loi d’exception sur la restauration de Notre-Dame.

« En termes de sécurité au travail, de réglementation, nous sommes en décalage avec l’industrie. »

Le savoir-faire français a le vent en poupe… Le salon constitue à ce titre une formidable vitrine pour les artisans à l’export. Comment cela se matérialise-t-il ?

La période actuelle s’ouvre à la visibilité internationale via les territoires. Les Régions, qui tiennent des stands sur le SIPC, agissent comme des marques et sont des tremplins à l’étranger. Elles permettent d’identifier et localiser nos savoir-faire français. Nous devons développer cette attractivité auprès du visitorat international, mais aussi aider aux fléchages des aides publiques à l’exportation pour les artisans d’art. Nos marchés sont à la fois à l’échelle locale et internationale. Nos entreprises ont besoin de pouvoir accéder à des salons internationaux et à ces marchés vitaux.

Les artisans d'art à l'export (source : observatoire AAF)

  • En moyenne, le chiffre d'affaires annuel des artisans d'art à l'export représente plus d'un tiers (34,8%) de leur CA total.
  • 24 % des artisans d’art génèrent entre 50 et 75% de leur CA à l’export.

>> Salon international du patrimoine culturel, du 24 au 27 octobre 2019 au Carrousel du Louvre www.patrimoineculturel.com 

>> www.ateliersdart.com 

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