Prestige

Passementerie Verrier : du désuet au désiré

Le 15/12/2023
par Julie Clessienne
En reprenant la dernière passementerie parisienne, Anne Anquetin y a insufflé un vent de modernité, à point nommé. Sous sa houlette, les galons, glands, pompons et autres ornements textiles, un temps délaissés, reviennent sublimer les intérieurs classiques comme contemporains. Une reprise en main salvatrice pour ce savoir-faire rare…
Partager :
Anne Anquetin (à gauche) et une partie de l'équipe de la Passementerie Verrier.

En 2018, pour Anne Anquetin, exit l’industrie informatique ; place au concret, au palpable. Pragmatique, l’entrepreneuse, aux goûts et au caractère affirmés, se met en quête d’une entreprise à reprendre, "dans l’embellissement du bâti au sens large".

En passant la porte de la Passementerie Verrier, la magie opère : "C’est un endroit unique, chargé d’histoire. On se laisse happer par les textiles, les couleurs, les textures…" Le coup de cœur rentre parfaitement dans son cahier des charges. Elle s’accroche, défend son dossier, acte l’achat.

L’aventure débute au côté du cédant, Yves Dorget, 25 ans de maison derrière lui, lui-même fils du couple qui avait succédé à l’historique lignée Verrier, à la fin des années 1960. "Il s’est reconcentré sur ce qu’il aimait faire – la fabrication – et m’a laissé le champ libre sur ce qu’il n’aimait plus, retrace la dirigeante. Il attendait que le téléphone sonne, ce qui n’est plus la bonne stratégie. J’ai musclé le jeu côtés innovation et développement commercial, tout en respectant le positionnement sur-mesure et export." Une gageure dans ce secteur "étroit"…

Dans l’atelier depuis 1918

Le nom de Verrier est associé à ce savoir-faire spécifique depuis… 1753, date à laquelle leur patronyme apparaît pour la première fois dans les "Règlements des Maîtres passementiers".

Les galons, glands et pompons ont alors la cote. Sous le Second Empire, ces artisans convergent dans l’est de Paris. La Passementerie Verrier se pose rue Orfila, dans ses locaux actuels, en 1918.

"L’entreprise était à l’origine un atelier de fabrication industrielle pour des marques tierces (comme la Maison Houlès) ; elle a pris son destin en main dans les années 1990 en s’orientant sur le sur-mesure, en marque propre", rembobine Anne Anquetin.

L’expérience accumulée et la préservation d’archives précieuses lui permettent de concevoir des ornements textiles qui agrémentent sièges, têtes de lits, tentures et rideaux dans tous les styles, de l’époque Louis XVI aux Années folles.

"Toute décoration intérieure raffinée mérite sa passementerie exclusive, pour ornementer, souligner ou juste finir les détails."

Pour ce faire, de multiples étapes sont nécessaires à l’équipe de dix personnes, "autodidactes, pour la plupart, et formées en interne". Sur les métiers à tisser, au retord ou directement à la main dans la partie dévolue à l’enjolivage. "Si les techniques traditionnelles et artisanales ne changent pas, nous avons investi sur la commande numérique d’un de nos métiers Jacquard, en remplacement des cartes perforées."

Des possibilités infinies

Les connaissances pointues et le savoir-faire très spécifique de l’atelier sont souvent mis à contribution par des tapissiers, antiquaires ou conservateurs, dans des opérations de restauration pour reproduire des modèles anciens.

Château de Fontainebleau, Wallace Collection à Londres ou encore MET (New York) ont ainsi déjà fait appel à eux. Mais le gros des prescriptions vient des décorateurs d’intérieur, pour des projets le plus souvent résidentiels.

Désormais, Anne Anquetin souhaite s’orienter vers des projets en phase avec son époque.

"Le secteur peut sembler ringardisé par certains aspects ; nous nous devons de designer des propositions attrayantes pour les décorateurs. Nous modernisons nos produits, explorons de nouvelles finalités, de nouveaux usages de notre savoir-faire." 

Perles et strass métamorphosent alors les franges et galons en véritables pièces de joaillerie. Les fils se marient au verre, au cuir, aux plumes ou au métal pour mieux s’intégrer dans des projets de décoration d’intérieurs contemporains.

"Bijoux de mur ou de fenêtres, claustras, bas-reliefs…, les possibilités sont infinies !" Et plaisent aux décorateurs de renom, qu’Anne Anquetin part convaincre, sur des Salons professionnels, du raffinement de la passementerie, loin d’être passée de mode…

Plus d'infos : www.passementerie-verrier.com

Dates clés

  • Fin XIXe-Début XXe : création approximative de l’entreprise.
  • 1918 : déménagement de l’atelier rue Orfila dans le XXe arrondissement.
  • 1968 : les parents d’Yves Dorget, rentrés apprentis à l’atelier, rachètent l’entreprise aux Verrier.
  • 1992 : Yves Dorget reprend l’affaire et concentre son savoir-faire sur le sur-mesure.
  • 2018 : Anne Anquetin reprend la direction - Obtention du label EPV.
  • 2023 : L’entreprise réalise plus de la moitié de son CA à l’export (États-Unis, Grande-Bretagne…).
Partager :