Covid-19

Atelier Tuffery : fabriquer des masques est un acte de bon sens

Le 24/03/2020
par Propos recueillis par Julie Clessienne
Avant même que les mesures de confinement ne soient imposées, Julien Tuffery, à la tête de l’atelier lozérien éponyme, a bousculé les habitudes de son entreprise. Ce maître tailleur-confectionneur, installé à Florac, a mis de côté la tradition familiale de fabrication de jeans pour concevoir des masques de protection. Un devoir citoyen accompli avec professionnalisme et humilité.
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A l'Atelier Tuffery, en Lozère, les masques de protection ont remplacé les jeans dans la chaîne de fabrication. 300 à 400 pièces y sont produites tous les jours.

À quel moment avez-vous décidé de vous lancer dans la production de ces masques de protection?

Le dimanche qui a précédé le discours d’Emmanuel Macron (le 16 mars 2020). En famille d’abord. Nous avions conscience du tournant qui était en train de s’opérer et nous voulions nous rendre utiles à notre niveau, fournir des masques au cercle proche. Dès le mardi matin, au lendemain de l’annonce du confinement, toute notre équipe a répondu présent, motivée.

Comment organisez-vous la fabrication, puis la distribution ?

Nous fabriquons entre 300 et 400 masques par jour alors que nous ne sommes plus qu’à un quart des effectifs (une quinzaine de collaborateurs d’habitude). Nos équipes travaillent sur la base du volontariat, dans le respect le plus strict des mesures d’hygiène et des règles de distanciation sociale. Nous avons décidé de donner ces masques gratuitement car ils ne sont ni normés ni certifiés. Nous ne les destinons pas au personnel médical mais surtout au personnel sociomédical (qui travaille dans des foyers d’accueil par exemple) mais aussi à nos confrères artisans, ceux de l’agroalimentaire notamment. Nous tentons de répondre aux sollicitations que nous recevons sur le Net, sur lequel s’est créée une liste d’attente. Les paquets sont ensuite mis à disposition à notre atelier et les gens passent les récupérer. Nous collaborons aussi étroitement avec la Chambre de métiers et de l'artisanat de la Lozère, et sa présidente Florence Vignal. 200 masques ont été distribués par leur intermédiaire aux artisans des métiers de bouche proches de chez nous.

Comment ces masques sont-ils conçus ? Quelle a été votre réflexion ?

Nous faisons cela avec un maximum de professionnalisme et de bon sens, de façon à ce que nos masques aient un niveau de protection équivalent à n’importe quelle autre mesure barrière. Ils sont fabriqués avec une toile en polyester et coton, qu’on utilise habituellement pour faire nos fonds de poche. Ce tissu a l’avantage d’être ultra-serré, donc très résistant ; le polyester retient moins l’humidité et le coton apporte le confort. Nous empilons 2 à 3 couches, la barrière est donc assez conséquente, et ils englobent le nez, la bouche, les joues et le menton. Nous les donnons par paire, pour que les gens puissent opérer un roulement en les lavant régulièrement.

Ce type d’initiatives fait des émules en ce moment…

Nous sommes très contents d’être parmi les premiers à avoir agi, même si notre démarche semble moindre par rapport au travail accompli quotidiennement par le personnel de santé. En tout cas, le comité stratégique de la filière Mode et Luxe a pris la mesure de ce problème et s’organise actuellement pour faire le lien entre les besoins gouvernementaux et les ateliers textiles sur tout le territoire. Beaucoup d’ateliers industriels se lancent, revoient leurs chaînes de production autour d’un modèle économique dédié… C’est prometteur !

Pensez-vous continuer longtemps ? Quelles sont vos perspectives ?

Nous avons hâte d’arrêter de produire des masques. Cela voudra dire, d’une part, que la pénurie est endiguée mais aussi que nous pouvons reprendre nos habitudes, honorer nos commandes et surtout nous retrouver car nous nous languissons vraiment les uns des autres. Les commandes de jeans continuent d'affluer sur notre site, même si l’on sent bien que ce n’est pas la préoccupation du moment. Nous évaluons d’ores que notre CA est 6 à 7 fois moins élevé que d’ordinaire (NDLR : 1,4 M€ en 2019) et nous pouvons encore nous appuyer sur nos stocks pour le moment. Nous nous estimons chanceux car notre entreprise se portait plutôt bien avant cette période. D’autres auront plus de mal à passer le cap. Je ne peux donc qu’encourager les consommateurs à continuer à faire appel à leurs artisans de proximité pour limiter la casse au maximum…

www.ateliertuffery.com

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