Réflexion

L’après-crise se prépare dès maintenant

Le 07/03/2021
par Olivier Hielle
Si les défaillances d’entreprises ont été exceptionnellement basses en 2020, les artisans doivent veiller à l’effet boomerang et réfléchir dès maintenant au remboursement des dettes accumulées pendant la crise.
Partager :

Le plus dur reste sans doute à venir pour les entreprises artisanales. Mises sous une cloche depuis le début de la crise sanitaire, elles ont pu survivre tant bien que mal grâce aux dispositifs mis en place par le Gouvernement.

Parmi ces mesures, le prêt garanti par l’État (PGE), qu’il va tout de même falloir penser à rembourser. Car, contrairement à ce que pensaient, de bonne foi, les entreprises qui y ont eu recours, l’État ne s’est pas porté caution solidaire. Ce n’est qu’après la mise en œuvre des procédures collectives qu’il pourra intervenir…

Gare à l’effet boomerang

La Délégation des entreprises, groupe de travail du Sénat, s’intéresse depuis plusieurs semaines à la question de la reprise de l’activité économique, et surtout aux risques d’un effet boomerang.

Étrangement en effet, 2020 s’est close avec 29 % de baisse de défaillances d’entreprises par rapport à 2019.

"Ce chiffre n’est qu’un trompe-l’œil, alerte Joël Fourny, président de CMA France, lors d’une table ronde organisée le 21 janvier dernier. Il faut craindre une accélération des défaillances lorsque les aides s’arrêteront."

Les aides de trésorerie et les possibilités de décalage des dettes fiscales ou sociales ont permis de repousser les échéances, mais celles-ci risquent de réapparaître, quoi qu’il arrive, à la fin de la crise sanitaire.

Accompagner à la reprise dès aujourd’hui

Ce jeudi 4 mars, le Sénat a organisé une nouvelle réunion. À cette occasion, Yannick Ollivier, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, a expliqué que l’accompagnement des entreprises, dans la perspective de reprise d’une activité normale, doit commencer dès maintenant : "Il faut identifier la situation dans laquelle les entrepreneurs vont sortir de la crise le plus tôt possible. Certains en sont conscients, d’autres sont dans le déni… Nous sommes intimement convaincus que l’enjeu c’est de les accompagner le plus rapidement possible."

Jacques Moreau, président de l’Ordre des experts-comptables, confirme cette nécessité : "L’important c’est qu’on aille vite. Et il faut avoir l’honnêteté de penser qu’il y aura des entreprises qu’on pourra sauver et d’autres non."

Le but : éviter un effet domino. Si des entreprises fragiles sont maintenues à flot coûte que coûte après la crise, elles risquent d’en entraîner d’autres d’ici quelque temps.

Pousser les entrepreneurs à se faire aider

Mais, pour que les commissaires aux comptes et les experts-comptables puissent mener à bien leur mission d’accompagnement et de conseil, les entrepreneurs doivent accepter de se faire aider, ce qui n’est pas gagné.

"L’entrepreneur a tendance à se refermer sur lui-même en cas de difficulté, constate Jacques Moreau. Il a peur de se mettre dans une situation désagréable pour lui : perte de son emploi, de son patrimoine s’il l’a engagé… Bien sûr, on connaissait ce genre de situation avant la crise liée à la Covid-19 mais je crains que ça ne tende à se développer encore plus, d’autant que nous sommes en situation d’impasse."

Patrice Duceau, vice-président du Groupement de prévention agréé (GPA) du Centre-Val-de-Loire, renchérit : "La détresse du chef d’entreprise le pousse à se renfermer. Un chef d’entreprise qui commence à avoir des doutes ne va pas le claironner sur tous les toits. Notre mission, c’est justement de gagner la confiance de tous les acteurs. Quand on a pu anticiper les petites créances, on peut sauver les entreprises."

Experts-comptables, commissaires aux comptes, réseau des chambres de métiers et de l’artisanat et associations de terrains, comme le GPA sont, tous, disposés à travailler en équipe pour permettre aux artisans de s’en sortir du mieux possible.

"Nous incitons les entreprises qui auraient des difficultés à se manifester avant qu’il ne soit trop tard", conclut Joël Fourny.

Partager :