Fraude

Travail détaché : enfin du concret !

Le 03/05/2016
par Sophie de Courtivron
Les organisations professionnelles du bâtiment avaient salué, fin mars 2015, la publication d’un décret relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal (loi du 10 juillet 2014). Un an après, qu’en est-il ?
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Un travailleur "détaché" est un salarié envoyé par son employeur dans un autre Etat membre en vue d’y fournir un service à titre temporaire. Le secteur de la construction regroupe à lui seul 43,7 % des détachements...

Henry Brin, président du Conseil de l'artisanat de la FFB, rappelle que "la directive européenne de 1996 a eu des effets délétères qui se sont amplifiés avec la crise". "Des officines véreuses ont pu mettre en place un travail parallèle", dénonce-t-il, sans que le gouvernement n’en mesure les conséquences. "Des entreprises ne payent pas les travailleurs détachés au tarif du pays dans lequel ils travaillent, ne respectent pas la durée légale du temps de travail ni les consignes et normes de santé et de sécurité au travail", liste Patrick Liébus, président de la Capeb.

Plusieurs avancées

Le 22 février 2016, un décret a enfin – et après le long combat de la FFB – instauré la carte d’identification professionnelle pour tout employé du BTP, en application de la loi Macron de 2015. "C’est un progrès. Il y a beaucoup de choses très importantes dans ce texte. Des sanctions sont applicables en cas de non-respect des règles ; les organisations professionnelles peuvent dorénavant se porter partie civile dans les procédures engagées en matière de travail illégal", évoque Patrick Liébus. Cette carte, contrôlable et non falsifiable, sera prochainement en circulation (dès publication d’un arrêté). 

"Le 23 février 2016, la ministre du Travail, le ministre des Finances, la Capeb, la FFB, la FNTP et les Scop du BTP avons signé une convention nationale définissant les différentes actions auxquelles nous nous engageons", précise Patrick Liébus. "En outre, selon la loi Macron, donneur d’ordres et maître d’œuvre sont solidairement responsables vis-à-vis de toute la chaîne de sous-traitance", rappelle Henry Brin.

De plus, "il y a des sanctions sur le terrain : les chantiers de deux entreprises ont par exemple été arrêtés dans le Bordelais. On ne voyait pas ça, avant", souligne Patrick Liébus. En effet, les actions de contrôle ont massivement augmenté : 1 300 en moyenne par mois depuis septembre dernier, contre 600 en juin 2015. Quelque 139 amendes ont été notifiées au 2e semestre 2015 (pour un montant de 675 700 €) ; les entreprises du BTP en représentent les deux tiers.

Le combat continue

Le combat continue, notamment en matière d’union des forces. La FFB se mobilise pour l’implication des douaniers "qui peuvent intervenir n’importe quand". "Nous demandons plus de personnel à disposition pour les contrôles, plus de coordination entre la police, la gendarmerie, les douanes, la Direccte, les Urssaf pour la sanction des contrôles et plus de communication pour plus de prévention et de sensibilisation de la filière", ajoute Patrick Liébus, qui constate et apprécie néanmoins, comme Henry Brin, "une véritable écoute du côté du ministère du Travail".

Vers la fin du dumping social ?

Annoncé dans le programme de travail de la Commission pour 2016, le projet de révision de la directive européenne de 1996 concernant le détachement des travailleurs (déjà modifiée fin 2013 sous l’impulsion de la France) a pour objectif de ne laisser aucune place au dumping social dans l’Union. Le 8 mars 2016, la Commission européenne a proposé une révision des règles qui prévoit que les travailleurs détachés "bénéficieront de manière générale des mêmes règles en matière de conditions de rémunération et de travail que les travailleurs locaux".

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