Viande bovine

Face aux scandales sanitaires, les artisans bouchers s'affichent

Le 04/07/2019
par Samira Hamiche
Suite à l'affaire des "faux steaks hachés" distribués aux plus démunis, les artisans bouchers expriment leur colère. Au travers d'une campagne mettant l'accent sur la qualité des produits et du service, la CFBCT entend rappeler avec véhémence l'attachement des bouchers à l'éthique et au savoir-faire.
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Artisan boucher tranchant un bifteck

Le 7 juin dernier éclatait un énième un scandale sanitaire lié - indirectement - à la viande bovine. Importés frauduleusement de Pologne, 780 tonnes de faux steaks hachés ont été vendus à des associations caritatives, dans le cadre d'un marché financé par le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD). Au tableau des ingrédients : de l'amidon, du soja, de la peau, du gras... Bref, tout sauf de la viande de boeuf et ce, malgré des contrôles sanitaires réputés stricts. Avec comme seul argument des prix bradés.

"Les steaks hachés de la honte"

Outrée par la situation, la Confédération Française de la Boucherie, Boucherie-Charcuterie, Traiteurs (CFBCT) fait aujourd'hui part de son ras-le-bol. L'affaire a de quoi "salir la réputation de toute une filière et semer le doute sur le contenu de nos assiettes", dénonce Jean-François Guihard dans le dernier éditorial de La Boucherie française.

Les responsables ? "Ce sont toujours les mêmes : des individus sans scrupule, des « traders » de la viande, prêts à tout pour s’en mettre plein les poches", martèle le président de la CFCBT, qui les qualifie également de "brebis galeuses", qui "entachent la réputation du noble produit qu’est la viande, la vraie, la bonne, celle qui fait la fierté de nos terroirs et de notre culture".

"A des années-lumière de ces steaks hachés de la honte, nous, artisans bouchers, faisons notre travail honnêtement et dans les règles de l’art", développe-t-il. Or, ce qui semble "anodin" pour les bouchers ne l'est pas forcément pour les consommateurs. Désorientés face aux dérives de l'industrie agro-alimentaire et au militantisme vegan voire antispéciste, soucieux de leurs dépenses, ils renforcent leur vigilance... Au point, parfois, de ne plus distinguer le vrai du faux, le bon du mauvais.

Campagne d'affichage 

Afin de sensibiliser la clientèle au savoir-faire et à l'éthique des bouchers, la CFBCT lance une campagne d'affichage. Objectifs : rappeler la qualité du "fait-main" inhérente aux artisans bouchers, mais aussi leur sens du service et de la juste mesure.

"Chez nous, le steak haché est composé à 100% de viande, issu de races sélectionnées spécifiquement là encore pour leur viande (limousine, aubrac, blonde d’Aquitaine, salers, parthenaise…), chez nous, le steak haché est préparé à la vue et à la demande de nos clients", énumère Jean-François Guihard.

La CFBCT invite ainsi les 18.000 artisans bouchers de France à aposer l'affiche suivante en magasin : 

affiche des artisans bouchers avec le message "Ici votre steak haché 100% français préparé devant vous"

Et si on consommait français ?

Mais l'action de l'organisation professionnelle ne s'arrête pas là. Sur le terrain politique, la CFBCT interpelle ministre de l’Agriculture et élus. "Ce scandale n’est pas le premier et ne sera pas le dernier si aucune décision forte n’est prise. Je pose ouvertement la question : qu’attend-on pour mieux contrôler la viande au niveau européen ?", interroge Jean-François Guihard.

La CFBCT réclame notamment un changement rapide de la réglementation des appels d’offres, en faveur de la qualité du travail et du produit, et non du prix bas (comme ce fut le cas pour les faux steaks hachés). "Mesdames et messieurs les élus, trouvez-vous normal qu’un artisan boucher n’ait pas le droit de servir son voisin restaurateur en viande hachée ?", questionne encore le président de la confédération. 

Corolaire des prix bas de la viande : les piètres conditions d'élevage, contre lesquelles les artisans bouchers s'élèvent depuis toujours. "Exploitations de 30 000 bêtes", animaux "engraissés de manière industrielle aux antibiotiques activateurs de croissance" constituent une menace non seulement pour l'éthique mais pour l'image des artisans bouchers et pour l'économie française. 

"Aujourd’hui scandale du boeuf polonais, demain scandale à la fois du boeuf polonais et du boeuf brésilien ! Et si on consommait français ?"

"La récente conclusion d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) permettant notamment l’importation de 99.000 tonnes de viandes bovines sud-américaines imposées au taux préférentiel de 7,5%, est tout simplement scandaleuse. Cet accord va non seulement à l’encontre des attentes sociétales des consommateurs mais s’annonce désastreux pour nos partenaires éleveurs auxquels nous adressons notre soutien inconditionnel", clame le président de la CFBCT. 

L'accord, estime-t-il, "enterre définitivement les promesses des Etats généraux de l’alimentation et avec elles, l’espoir d’une alimentation saine, durable et accessible à tous".

www.boucherie-france.org

La colère des associations

En France, quatre associations sont concernées par le scandale des faux steaks hachés : les Restos du Coeur, Secours Populaire, Banques alimentaires et La Croix-Rouge. A ce jour, elles ont distribué 150 tonnes sur les 480 tonnes reçues... Et sont sans nouvelles des "vrais" steaks hachés promis par Voldis, la société responsable des envois. 

Rien qu'en frais de stockage et réfrigération, les associations évaluent le préjudice financier à 250.000 euros. Le préjudice moral, lui, est moins quantifiable...

Quant à la question des responsabilités, elle est actuellement débattue au Sénat.

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