Entretien

Faire des artisans EPV "de véritables ambassadeurs"

Le 12/04/2024
par Propos recueillis par Samira Hamiche
Valorisation des savoir-faire et de la transmission, développement des EPV, recensement des artisans d'art... Pour Le Monde des Artisans, Anne-Sophie Duroyon-Chavanne, directrice générale de l'Institut pour les Savoir-Faire français (ex-INMA), revient sur les missions et les perspectives de cet organisme de promotion des métiers d'art.
Partager :

L’INMA change de nom… mais pas de vocation ! Sa stratégie, elle, se voit recentrée. Au regard de ces nouveaux axes directeurs, de quelle manière votre institution, née il y a 135 ans, mettra-t-elle en avant les artisans d’art, y compris les plus petits et isolés ?

L’Institut a été l’une des premières associations à être reconnue d’utilité publique. Nous avons toujours placé au cœur de nos préoccupations l'intérêt général, en veillant à ce que nos actions bénéficient à l'ensemble de l'écosystème. Nous favorisons activement les collaborations entre artisans, industriels et artistes.

Parmi nos initiatives, les Journées Européennes des Métiers d'Art illustrent notre engagement à faire connaître et valoriser le savoir-faire artisanal à travers tout le territoire. De plus, notre nouvelle identité s'accompagne de la création d'un nouvel annuaire des savoir-faire d'exception, qui vise à recenser de manière exhaustive tous les acteurs de notre écosystème.

Enfin, notre projet d’étude nommé Les Éclaireurs entame une démarche inédite qui permettra d’avoir une compréhension globale du paysage de ces métiers. En permettant de mesurer le poids économique réel du secteur des métiers d’arts et des savoir-faire de haute technicité, ce programme permettra d’obtenir une reconnaissance au service de tout le secteur.

Associé au prestige et à la protection des savoir-faire, le label EPV comptait environ 1.035 entreprises au 31 décembre 2023. Des dispositifs incitatifs sont-ils prévus pour les artisans d’art ?

La stratégie nationale en faveur des métiers d’art vise à porter à 2.500 le nombre d'entreprises labellisées d'ici fin 2025. Cela s’inscrit dans une dynamique de relance du label EPV qui, suite à une réforme initiée entre 2018 et 2020, a connu des difficultés, entraînant le transfert de sa gestion de l'Institut Supérieur des Métiers (ISM) à notre Institut.

Cette même stratégie a chargé CMA France de créer des incubateurs EPV pour augmenter le nombre de candidatures, en collaboration étroite avec l'Association nationale des Entreprises du Patrimoine Vivant (ANEPV), regroupant les dirigeants des entreprises labellisées et incluant des associations régionales agissant comme des relais sur le territoire. Ces associations régionales sont en mesure d'identifier des entreprises possédant un savoir-faire exceptionnel et de leur présenter le label ainsi que ses avantages.

Pour rappel, le label est ouvert à tous les artisans et manufactures répondant aux critères établis en 2020, notamment celui de la transmission des savoir-faire. Les incubateurs EPV, qui seront mis en place par CMA France, permettront de mieux comprendre ces critères et d’accompagner les professionnels dans la constitution de leur dossier.

Il incombe ensuite au gestionnaire du label d'appliquer une instruction de qualité basée sur une jurisprudence en harmonie avec les autres entreprises déjà labellisées sur l'ensemble du territoire, et d'assurer la valorisation du label dans la presse et sur les supports digitaux.

À l’Institut, nous mettons en valeur les EPV dans l’ensemble de nos dispositifs, assurant ainsi une bonne visibilité au label. En mettant en avant leurs compétences, leurs projets novateurs et leurs artisans, notre objectif est d'en faire de véritables ambassadeurs capables d'encourager d'autres structures à s'intéresser à ce label.

En quoi consiste votre stratégie en faveur de la transmission et de l’apprentissage ?

La transmission et l'apprentissage sont au cœur de notre stratégie. Nos recherches sur les savoir-faire rares attestent que certains métiers ne sont plus détenus que par certaines personnes et menacent de disparaître. Le programme Maître d’Art / Élève du ministère de la Culture, opéré par l’Institut depuis 2014, contribue à leur pérennisation puisqu'une fois nommé, chaque Maître d’art a le devoir de transmettre pendant trois ans son savoir à l’élève qu’il aura sélectionné.

Cependant, ces vocations manquent de visibilité et la formation professionnelle souffre toujours d’un déficit d'image. Le programme À la Découverte des Métiers d’Art que nous avons créé en 2016 a déjà permis de sensibiliser plus de 10.000 collégiens et nous ambitionnons d'intensifier son développement sur l’ensemble du territoire.

Les Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA) permettent également au jeune public d’entrer en contact avec la matière afin de pouvoir développer ces initiatives, nous apportons des bonnes pratiques aux professionnels sur l’accueil du jeune public.

Enfin, notre Prix Avenir Métiers d’Art, organisé depuis 2002, récompense chaque année des jeunes de moins de 26 ans dans les filières de formation aux métiers d’art et met ainsi en valeur les jeunes talents et leurs savoir-faire spécifiques. Les lauréats bénéficient d’un accompagnement dans la suite de leur parcours professionnel.

JOP de Paris, Exposition universelle d’Osaka… Autant d’occasions de faire rayonner les professionnels français des métiers d’art à l’international. Pouvez-vous nous en dire plus sur les dispositifs qui seront déployés par l’Institut ?

Les Jeux Olympiques de Paris constituent une vitrine idéale pour valoriser les entreprises françaises spécialisées dans la fabrication d'équipements sportifs de qualité, tels que les boules de pétanque, les makilas, les chaussures de marche ou encore les surfs. Nous mettrons en lumière ces savoir-faire remarquables tout au long de cette période sportive.

Notre lien historique avec les expositions universelles est profondément ancré dans notre histoire, puisque notre Institut a été fondé en 1889 à l'occasion de l'exposition universelle de Paris. Nous continuerons ainsi à participer activement à ces événements d'envergure mondiale pour promouvoir les métiers d'art français. Pour Osaka, nous avons signé une convention avec la Cofrex et l’ANEPV afin de présenter des entreprises françaises labellisées pour l'équipement du pavillon France.

Enfin, dans le cadre des 30 ans du programme Maître d'Art Élèves, nous aurons le plaisir de participer à la Nuit Blanche de Kyoto en octobre 2024. Cette présence nous offre l'opportunité unique d'établir un parallèle entre notre programme français et le dispositif des trésors vivants japonais. Durant le mois de septembre nous serons présents à Venise dans le cadre de l’évènement phare européen Homo Faber, qui permettra de présenter les savoir-faire d’exception de Maîtres d’Art et d’Elèves, ou encore d’EPV.

Partager :