Risques professionnels

Réparation en cas de faute inexcusable de l’employeur : quels préjudices ?

Le 02/03/2020
par Lisiane Fricotté
En cas de faute inexcusable de l'employeur, la voie à une réparation plus complète des préjudices a été ouverte en 2010, par le Conseil constitutionnel. Depuis, un travail de construction jurisprudentielle s'effectue autour de cette notion de préjudice.
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Quels sont les préjudices couverts ?

En cas de faute inexcusable, le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut demander une meilleure réparation (CSS, art L. 452-3).

Ainsi, en cas de séquelles, la rente versée par la caisse primaire d’assurance maladie est majorée. Et le salarié peut obtenir une indemnisation spécifique :

  • de préjudices causés par les souffrances physiques et morales, des préjudices esthétiques et d’agrément. À ce titre, peut, par exemple, être indemnisé le salarié qui a des séquelles portant une atteinte constante à la qualité de la vie du fait qu’il soit notamment empêché d’avoir des activités ludiques, sportives et de faire les actes les plus courants (Cass 2e civ., 8 avril 2010, n° 09-11.634) ;
  • du préjudice résultant de la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle. Il faut que le préjudice soit certain, c’est-à-dire que les pertes de chance ne soient pas purement hypothétiques.

Une limitation remise en cause

Le Conseil constitutionnel admet le principe de la réparation forfaitaire mais considère qu’en cas de faute inexcusable, les juges doivent veiller à ce que les préjudices qui ne sont pas déjà couverts soient réparés (Cons. constitutionnel 2010-8 QPC, 18 juin 2010) . Solution confortée par la Cour européenne des droits de l’homme qui considère que le dispositif n’est pas contraire à la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH, 5e sect., 12 janvier 2017, req. n° 74734/14).

>> Lire aussi à ce sujet notre article "AT-MP : un régime toujours en évolution".

Selon les termes même de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, en présence d’une faute inexcusable, les dispositions du Code de la Sécurité sociale ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que la réparation de l’ensemble des préjudices non couverts soit demandée devant les juridictions compétentes (voir fiche 45).

>> Lire aussi à ce sujet notre article "Comment contester une décision de la Sécurité sociale ?".

Il s’agit notamment du préjudice sexuel, du déficit fonctionnel temporaire, de l’aménagement d’un appartement, des frais d’un véhicule adapté en raison d’un handicap ou d’un refus de prêt immobilier (Cass. soc., 30 juin 2011, n° 10-19.475P ; Cass. 2e civ, 4 avril 2012, n° 11-14.311 et 11-14.594 ; Cass 2e civ, 28 juin 2012 n° 11-16.120 ; Cass. 2e civ. 11 octobre 2018 n° 17-23.312).

En revanche, les soins étant déjà couverts ainsi que la perte de gains résultant de l’incapacité permanente partielle, il n’y a pas lieu, selon la Cour de cassation, de compléter l’indemnisation pour ces préjudices (Cass. 2e civ., 4 avril 2012, n° 11-18-014, n° 11-10308 et n°11-15.393).

La perte de droits à la retraite étant déjà couverte par la rente majorée d’incapacité permanente versée en cas de faute inexcusable, elle ne peut donner lieu à indemnisation complémentaire (Cass. Ch. mixte, 9 janvier 2015, n° 13-12.310 ; Cass. Soc., 6 octobre 2015, n° 13-26,052 ; Cass. Soc., 3 mai 2018, n° 14-20.214).

Le salarié ne peut donc pas saisir le juge prud’homal pour demander une indemnisation des préjudices résultant de l’accident du travail. La juridiction prud’homale reste seulement compétente pour statuer sur :

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