Métiers d'art

"Nous mettons tout en œuvre pour apporter plus de visibilité à nos savoir-faire"

Le 05/05/2020
par Propos recueillis par Samira Hamiche
Alors qu’elle a pris ses fonctions à la direction générale de l’Institut national des métiers d’art (Inma) début mars, Anne-Sophie Duroyon-Chavanne a la tâche de structurer la mise en place de la future Agence française des métiers d’art et du patrimoine vivant. Une nouvelle entité qui vient sceller le rapprochement entre métiers d’art et Entreprises du patrimoine vivant (EPV), dont l’Inma s'est vu confier la gestion du label fin 2019. Rencontre.
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Où en sommes-nous de la création, sous forme de GIE, de l’Agence française des métiers d’art et du patrimoine vivant ? Quelles sont les prochaines échéances ?

Anne-Sophie Duroyon-Chavanne : Cette agence verra le jour courant 2020 autour de trois ambitions : fédérer les métiers d’art et le patrimoine vivant, former, et informer. Ce rapprochement est déjà en cours depuis fin 2019 avec l’intégration du label EPV aux services de l’Inma. Cette structure nationale sera un véritable porte-étendard pour les professionnels des métiers d’art et du patrimoine vivant, à même de les accompagner dans tous les sujets de leur vie professionnelle, de les valoriser auprès du grand public et de la presse, et de les pousser à l’international comme véritables ambassadeurs des savoir-faire d’excellence français. La piste de la création d'un groupement d’intérêt économique (GIE) est toujours à l'étude.

Aujourd’hui, nous nous concentrons sur l’urgence : les accompagner vers une sortie de crise et imaginer des solutions la relance. L’enquête que nous avons menée auprès de 2 000 professionnels est un excellent baromètre des difficultés réelles des entreprises. Elle nous a permis de porter cette réalité du terrain auprès de nos ministères de tutelle (Économie et Finances, Culture) pour que les problématiques de ces entreprises, souvent spécifiques, soient prises en compte dans l'analyse qui est faite par l'État de la situation réelle des professionnels des métiers d'art et du patrimoine vivant, et dans l’architecture des dispositifs d’aide.

L’Inma gère désormais le label EPV : comment mieux incorporer les entreprises artisanales (petites structures, affiliées aux chambres de métiers et de l’artisanat) à ce dispositif, les inciter à déposer leur candidature ? Allez-vous développer une stratégie en ce sens ?

A.-S. D.-C. : Les petites entreprises (une à neuf personnes) constituent déjà près de la moitié des entreprises labellisées EPV. Le label, décerné par le ministère de l'Économie, les met en lumière et leur permet de se positionner sur les marchés étrangers avec le "savoir-faire France". Le problème qui se pose aujourd’hui pour leur développement se situe sur la formation : en l’absence de formations spécifiques à leurs métiers qui sont, par nature, rares, les entreprises ont du mal à embaucher. Pour remédier à cela, un des critères d’obtention du label est la formation interne, qui assure la transmission des savoir-faire. Celle-ci coûte en moyenne 28.000 euros par an et par personne formée, ce qui peut être un frein pour les plus petites structures. La future Agence française des métiers d’art et du patrimoine vivant se saisira de cette question pour être à même d’accompagner au mieux la transmission. L’Inma pilote déjà par ailleurs le dispositif Maîtres d’Art-Élèves qui assure la transmission de savoir-faire extrêmement rares sur une durée de trois ans : nommés fin 2019, un serrurier-cleftier, un fabricant de makhilas (un bâton de marche doublé d'une arme appartenant à la culture et à la tradition basques, NDLR) ou encore un archetier ont la possibilité, grâce au dispositif, de transmettre leurs gestes et leur entreprise à leur élève.

Nous réfléchissons par ailleurs à la création d’un guide des métiers d’art qui référencerait des ateliers exerçant un métier d’art. Ce référencement serait une des réponses au besoin de valorisation des artisans indépendants, qui détiennent des savoir-faire d’exception, et un moyen pour eux d’aller chercher de nouveaux marchés.

Nous réfléchissons également à des projets permettant de mieux fédérer les professionnels des métiers d'art et du patrimoine vivant avec pour ambition de créer des opportunités de développement et d'échanges de bonnes pratiques du secteur (logistique, approvisionnement de matières premières, commercial et innovation).

Sur le volet de la crise sanitaire, quelles actions seront menées à votre niveau pour aider les artisans d’art à redémarrer leur activité ?

A.-S. D.-C. : Nous mettons tout en œuvre pour porter les entreprises vers la relance, et leur offrir une visibilité dont elles manquent cruellement en ce moment avec l’annulation de tous les Salons et événements, indispensables à leurs activités de commercialisation. Plusieurs temps forts de communication sont en cours d’élaboration.

Nous menons aussi des réflexions avec nos partenaires, pour la mise en place d’actions complémentaires aux dispositifs de soutien à la trésorerie des entreprises pour les aider à sortir de la crise. Ces projets sont à l’étude, nous devons les calibrer au mieux face à l’incertitude de la situation ; des annonces seront faites avant l’été. Nous préparons aussi les Journées européennes des métiers d’art et du patrimoine vivant 2021 (nouvelle appellation des Jema) pour que ce temps fort de l’année des métiers d’art soit une vitrine exceptionnelle de nos entreprises et des savoir-faire français.

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