Se relever plus fort

Nouvelles attentes… nouveaux défis !

Le 15/06/2020
par Sophie de Courtivron
En presque deux mois d’arrêt, les habitudes de consommation ont changé. Les artisans pourront tirer parti de la nouvelle appétence des Français pour leur domicile et les circuits courts. À une condition : prendre le virage du numérique.
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Le pâtissier girondin Cyril San Nicolas a vendu son commerce physique il y a quelques mois pour lancer son école de pâtisserie numérique. Une aubaine alors que la France était confinée…

Les Français ont pris goût au télétravail. "La majorité des salariés qui l’ont testé veulent continuer", observe Pascale Hebel, directrice du pôle Consommation et Entreprise au Crédoc. Un mouvement qui "va entraîner une hausse importante des journées en télétravail après le Covid".

Déplacement du cercle de vie

Les personnes seront davantage chez elles ; la consommation va donc se déplacer à proximité du domicile. En outre, "en presque deux mois, les gens ont vu ce qui ne fonctionnait pas chez eux ; on peut donc imaginer le développement de la réparation et d’activités d’intérieur (décoration, équipement du foyer) ", évoque Pascale Hebel. À noter que "les gens seront aussi sur place pour recevoir les artisans." 

Le recentrage autour du domicile va engendrer de nouvelles pratiques. "Les Français devraient avoir davantage recours aux livraisons (restauration, alimentation, mais aussi coiffure)." Vous ne pouvez pas livrer ? Proposez à votre clientèle un "drive" ou du "click & collect" via votre site Internet. Vous ne pouvez en effet plus faire l’impasse du Web et de ses opportunités.

"Post-confinement, le prix restera le premier critère d’achat des Français (43 %), mais devra être balancé avec une production plus locale (32 %) et plus saine et bio (20 %)", Étude Strategy& - PWC, avril 2020.

E-commerce et e-services

La bascule vers l’e-commerce semble avoir eu lieu. Selon un baromètre de l’institut Foxintelligence, les personnes nées entre 1940 et 1959 se sont mises massivement aux courses alimentaires en ligne pendant le confinement, alors qu’elles ne le faisaient pas avant. Un phénomène "qui va durer", estime Pascale Hebel. "Nous avons profité de cette pause forcée pour nous créer un compte Whatsapp, revoir complètement notre site web et créer un site de vente en ligne", illustre un artisan, qui s’est aussi rendu compte que les rendez-vous par écrans interposés pouvaient être un atout. "Je peux montrer notre outil de production, ainsi que le showroom." Internet, c’est non seulement de la vente en plus, mais aussi une communication et une gestion potentiellement dopées. "Une partie de la population peut payer plus cher pour avoir de la réactivité", pointe Pascale Hebel. Et de la qualité.

Circuits courts et proximités plébiscités

De nombreuses enquêtes effectuées pendant le confinement montrent que les gens ont envie de consommer plus responsable/local. La sociologue et ingénieure agronome Catherine Darrot, dans son enquête "Manger au temps du coronavirus" mentionnée sur le site CNRS le Journal le 17 avril 2020, constate notamment un "raccourcissement des distances parcourues pour s’approvisionner (…) et (…) une réorientation très importante vers des produits plus frais et plus locaux". Néanmoins, "la question du prix reste essentielle. Les circuits courts ont explosé, mais chez ceux qui ont les moyens", nuance Pascale Hebel. "Les gens en avaient marre de faire la queue devant Leclerc et cela a sauvé mon commerce", confie un artisan traiteur. Pour garder cette nouvelle clientèle, l’artisanat doit continuer à mettre en avant ce qui fait, et a fait lors du confinement, toute sa différence : le lien humain. Mais humanité, qualité et proximité doivent désormais rimer avec connecté.

Témoignage

Une école de pâtisserie en ligne

Cyril San Nicolas, pâtissier depuis 20 ans, a eu jusqu’à 17 salariés et deux affaires. Passionné par la transmission, ce Girondin a vendu son commerce physique pour lancer une école numérique pour amateurs, personnes en reconversion et professionnels. "Nous ne devions pas démarrer aussi rapidement ! Nous avons saisi l’opportunité d’avoir beaucoup de personnes à la maison derrière des écrans." Un pari gagnant, commencé par un groupe Facebook à succès et poursuivi par une plateforme de cours payants (coursdepatisserie.fr). "Nous avons offert beaucoup de cours pendant le confinement." Le but de l’école est de répondre à chaque besoin de façon ciblée. "J’ai une formule pas chère pour les apprentis qui n’auraient par exemple pas fait de viennoiserie auprès de leur patron ; je viens en complément." Différentes caméras permettent à Cyril de faire ses démonstrations en temps réel. Il est soutenu par la profession au sens large (CMA, professionnels, CFA…), fourmille d’idées, et pense "loin" : il vise la France entière, voire l’international. Le numérique n’a pas de frontières.

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