Fiscalité

Prélèvement à la source : l'U2P tire la sonnette d'alarme

Le 11/04/2018
par Samira Hamiche
L'Union des entreprises de proximité (U2P) lance une campagne d'envergure destinée à alerter le gouvernement du poids administratif et financier que représentera la mise en oeuvre du prélèvement à la source (PAS) pour les petites entreprises.
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"Gérer les feuilles d’impôts, c’est pas mon boulot !". Le slogan de l'Union des entreprises de proximité (U2P) est sans équivoque : les chefs d'entreprises ne doivent pas supporter le poids administratif et financier du passage au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, programmé au 1er janvier 2019. C'est pourquoi l'organisation lance mercredi 11 avril son offensive, en déployant une campagne d'envergure.

Coût humain et financier, lourdeur administrative engendrée pour les employeurs : autant de motifs qui soulèvent l'ire des indépendants, qui entendent réduire l'impact de la réforme sur les entreprises de proximité. L’U2P porte ainsi trois revendications :

  • simplifier le dispositif,
  • compenser les coûts de gestion pour les employeurs,
  • protéger les employeurs des risques juridiques.

Oui au principe, non à la mise en oeuvre

Loin de remettre en cause le principe-même du prélèvement à la source de l'IR, l'U2P souhaite en alléger le poids pour les indépendants, déjà submergés de procédures. A ce stade, "le PAS est pour les employeurs une complication et non une simplification", pose Alain Griset, le président de l'organisation.

"Les chefs d’entreprise artisanale, commerciale ou libérale n’ont ni DRH, ni fiscaliste, ni service juridique à leur disposition. Comment sont-ils supposés faire face à cette surcharge administrative ?", questionne  le président de l'U2P.

Pour les entreprises de moins de 20 salariés, l'U2P estime le surcoût à "environ 125 € par salarié pour la mise en place la première année, et autant pour la gestion annuelle en régime de croisière" (logiciels notamment). Au cumul, cela représente "un surcoût global d’un milliard d’euros pour l’ensemble de l’économie de proximité en 2019, et 500 millions chaque année par la suite". Du côté du ministère de l'Action et des Comptes publics, le surcoût est chiffré à 300 millions d'euros... En somme : le prélèvement à la source aura bel et bien un coût pour les chefs d'entreprise ! 

En outre, telle que formulée actuellement, la mise en place du PAS génèrerait "1h30 de travail supplémentaire par salarié chaque mois, ce qui représente une semaine de travail non rémunéré en plus par an pour l’employeur." 

Côté "technique", l'U2P rappelle que les éditeurs de logiciels de paie ne semblent pas être prêts pour la transition. Autre blocage : "il a été dit que ce serait simple via la DSN, sauf que la DSN ne fonctionne pas", souligne Patrick Liébus, le président de la Capeb. "Dans le secteur du bâtiment, les commissaires aux comptes ne certifient pas les comptes, il y a de nombreux ratés... ça n’est pas anodin". Et de rappeler la persistance des "zones blanches" (non couvertes par Internet), où envoyer une DSN n'est pas chose facile !

Un bouleversement facteur de tensions

L'U2P relève un autre point de crispation, cette fois du côté des salariés. Selon un sondage réalisé en avril 2018 par l’institut YouGov pour l’U2P, la fin de l’anonymat fiscal inquiète trois quarts des Français (74 %), qui déplorent que leur employeur ait accès à leur taux d’imposition. "Comment ne pas craindre, dans ces conditions, que la confiance ne laisse place à la tension et à la suspicion, dans les relations entre employeurs et salariés ?", s'inquiète ainsi l'U2P. 

Par ailleurs, Bercy avance que l'administration fiscale sera toujours la principale interlocutrice des contribuables. Or, l'U2P n'y croit pas : en se voyant confier le rôle de la collecte de l’impôt sur le revenu, les employeurs se voient "déléguer par l’État les responsabilités qui vont avec". "S’il y a une faille, le salarié s’adressera à l’employeur. De plus, il aura l’impression que c’est l’entreprise qui le ponctionne", note Patrick Liébus, qui rappelle que le PAS sera "synonyme de baisse de pouvoir d'achat".

Du côté de l'UNAPL, représentée par Michel Chassang, les mots sont sévères. "Cette décharge de responsabilité du gouvernement et de l’administration de Bercy sur les entreprises est tout à fait inadmissible", souligne-t-il. Le président de l'UNAPL dénonce "l'idéologie aveugle" du gouvernement et estime que ce dernier a fait la "sourd'oreille" aux indépendants lors des multiples réunions organisées à Bercy.

A noter qu'aucun bilan de l'expérimentation planifiée en 2017 n'a été publié.

Des sanctions sévères pour les employeurs

En cas d’erreurs ou omissions de déclarations, ou encore de divulgation involontaire de données personnelles, les chefs d'entreprise risquent gros : 250 euros d'amende pour les premiers, 1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour la divulgation.

"Dans un monde hyperconnecté, qui peut être certain que son taux d’imposition reste totalement secret ?", questionne Alain Griset. Avis partagé par Patrick Liébus, qui rappelle que dans les TPE-PME du bâtiment, "les salariés parlent entre eux de leurs salaires". De quoi susciter des défiances en cas d'inégalités...

Face à ce risque, l’U2P souhaite une révision profonde du dispositif, et "que les employeurs bénéficient d’une large protection".

Une pétition pour faire bouger les lignes

Afin de faire rayonner ses revendications, l'U2P a publié une pétition sur le site change.org et sur son site. Les signatures seront remises avant l'été au ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin.

Dans le même temps, des affiches seront diffusées sur le web, accompagnées du hashtag #ChacunSonJob. Disponibles sur le site de l'U2P, elles sont à disposition des artisans désireux de soutenir le mouvement.

L'organisation compte également sur le soutien des particuliers. D'après le sondage YouGov, 23 % d’entre eux estiment que les entreprises ne peuvent effectuer cette tâche sans recevoir une compensation et 42 % jugent purement et simplement que ce n’est pas aux entreprises de collecter l’impôt, mais bien à l’État.

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