Réformes

Financement de l'apprentissage : l'Artisanat dans l'expectative

Le 03/09/2019
par Samira Hamiche
En cette "rentrée des décisions", le président de CMA France, Bernard Stalter, monte au créneau sur plusieurs dossiers sensibles, comme celui du financement des contrats d'apprentissage, sur lequel artisans et CFA attendent une réponse rapide du Gouvernement.
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Bernard Stalter parle à la presse lors de la conférence de presse de rentrée.

Au tableau, les sujets sont légion... Le ton, lui, est déterminé. Lors de la conférence de presse de rentrée de CMA France, son président, Bernard Stalter, s'est montré ferme quant aux inquiétudes du secteur de l'Artisanat.

Alors que quelques mois se sont écoulés depuis l'adoption des lois PACTE et Avenir Pro, l'heure était aux appels à l'action pour soutenir l'économie artisanale. Pour rappel, celle-ci regroupe aujourd'hui 1,3 million d'entreprises et 4 millions d'actifs et génère chaque année 300 milliards de chiffre d'affaires.

Contexte d'incertitude

"Nous sommes le poumon de l'économie du pays, nous sommes des experts de la formation, de l'apprentissage... L'artisan est partout !", a posé le président de CMA France face aux journalistes venus en nombre. Et de souligner le rôle-clef du réseau consulaire des Chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), "proche du terrain" : "ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera pas demain ; nous accompagnons systématiquement les réformes menées en cohérence avec le développement de nos entreprises". Bernard Stalter a réaffirmé au passage sa volonté de préserver les CMA départementales, tout en poursuivant la réforme de régionalisation et de mutualisation des chambres.

« CMA France est là pour agir et fédérer, nous sommes la boîte à outils et la boussole ! »

Bernard Stalter, président de CMA France

Plein emploi, soutien des entreprises et de l'apprentissage : si les objectifs  font consensus, le contexte international, lui, regorge d'incertitudes. En Europe, les inquiétudes guettent : Allemagne en récession, Brexit, instabilité gouvernementale en Italie, vacance du pouvoir en Espagne... Autant d'éléments, a énuméré Bernard Stalter, "angoissants", "qui impacteront les artisans en France et obligent à anticiper, à être proactifs et réformateurs". Et à s'assurer du soutien de l'Etat.

Apprentissage : halte à l'iniquité

Au premier rang des sujets d'inquiétude de CMA France, l'inégalité de traitement sur les contrats d'apprentissage. Originellement, les contrats signés au 1er septembre devaient être financés à hauteur du coût-contrat défini scrupuleusement par les branches professionnelles. Or, à ce jour, l'Etat ne s'engage pas à appliquer partout ce "juste prix", ce qui occasionne des disparités entre CFA et entre territoires. La déperdition globale est chiffrée à 200 millions d'euros par France Compétences.

En date du 30 août, le dernier courrier de Muriel Pénicaud n'apporte pas non plus de réponse claire à la demande d'alignement des coûts. La lassitude se fait donc entendre... "Cela fait plusieurs mois qu'on nous balade !", s'est ainsi insurgé Bernard Stalter.

Une situation affaiblissante pour les 112 CFA de l'artisanat qui s'apprêtent à accueillir 74.000 apprentis en septembre et "vivent déjà une situation compliquée", a fait remarquer Bernard Stalter. "Au 1er septembre, Schneider Electrics (Grenoble) va toucher 10.500 € de subvention, quand un CFA à Albi qui dispense la même formation touchera 7.544 €". Autre cas emblématique : "si LVMH fait signer un contrat pour un CAP maroquinerie, il recevra 11.454 €, alors que le même contrat dans un CFA de Lyon bénéficiera de 6.000 €".

En signe de protestation, le président de CMA France a d'ailleurs décliné l'invitation de Muriel Pénicaud à visiter un CFA à Angers l'après-midi du 5 septembre prochain, la ministre du Travail ayant en effet prévu de visiter un atelier de maroquinerie Louis Vuitton (groupe LVMH) dans la matinée... Une forme de "provocation", regrette le représentant du réseau des CMA, qui accuse surtout les "arbitrages gouvernementaux".

 "Nous lançons un appel au Gouvernement car nous ne voulons pas d'un apprentissage à deux vitesses ; il faut absolument régler ce problème financier. Nous n'accepterons jamais de prendre les jeunes en otage", a résumé Bernard Stalter. Si le Gouvernement reste mutique, le président de CMA France n'hésitera pas à porter l'affaire en justice... "Je n'ai pas peur de me battre", a-t-il assuré. 

« J'attends une concurrence loyale. On ne fait pas de politique sur le dos de l'apprentissage ! »

Formation professionnelle : la menace plane toujours 

Autre inconnue de cette noueuse équation de rentrée : le financement des conseils de la formation des artisans, malheureux feuilleton à rebondissements. Après une période de gel, l'Etat avait promis un déblocage de fonds issus de l'Agefice pour l'année 2019.

Or, la situation reste confuse et la "tuyauterie" est lente... Les retards se sont accumulés et le financement n'est pas garanti. "A ce jour, nous sommes bloqués et n'avons aucune piste", a déploré Bernard Stalter, précisant que les CMA elles-mêmes étaient venues à la rescousse financièrement ces derniers mois pour permettre aux artisans de se former.

De son côté, le ministère du Travail promet que l'apport de l'Agefice "sera effectif avant la fin septembre". Muriel Pénicaud a en outre demandé à l'Igas "d'examiner les évolutions possibles du financement de ces formations". La ministre estime en effet que le double assujettissement "n'est pas une solution acceptable" (actuellement, les artisans cumulant le statut de salarié et chef d'entreprise paient double).

CMA France attend aussi des réponses sur le financement des CMA d’Outre-mer. Celles-ci accusent 20 % de perte budgétaire, du fait de l’exonération de CFE des entreprises enregistrant moins de 5.000 euros de CA. Une situation tendue, qui appelle une compensation de l’Etat. 

Les autres chantiers de la rentrée...

 

- Engagement à l'échelle locale

Soucieux de la sauvegarde des centres-villes et de la ruralité, le réseau des CMA entend aller plus loin que le Plan Action Coeur de Ville, qui ne concerne que 222 communes, et appelle à ce titre à un "plan ambitieux au niveau des territoires" (dans la lignée des propositions consécutives au Grand Débat de l'Artisanat). Autres suggestions : le renforcement de l'engagement citoyen des artisans par leur participation active aux conseils municipaux, la mise à disposition d'un pourcentage de logements réservé aux artisans locaux (à loyers modérés ou collectifs), ou encore des facilités de stationnement. CMA France encourage en outre les élus à valoriser leurs actions au travers du prix "Ma Ville, Mon Artisan".

 

- Appuyer la transition énergétique 

Répar'Acteurs, Eco-Défis... Les artisans sont déjà engagés en faveur de l'économie circulaire et de l'écoresponsabilité. Ils réclament à l'Etat des aides pour acquérir des véhicules propres, ou encore une TVA à 5,5 % pour les activités de réparation.

 

- Une taxe robot ?

Paiement au péage, enregistrement à l'aéroport... Autant de tâches que nous accomplissons nous-mêmes. Une forme de travail dissimulé qu'il faudrait taxer ? Bernard Stalter en est convaincu. "Je suis conscient que nous sommes en retard sur la robotisation, sauf que notre système social dépend de la masse salariale. Il faut robotiser notre pays, mais trouver une solution pour payer la protection sociale. Je suis prêt à mener un débat sur le sujet !"

 

- Un plan "anti-morosité"

Pour "redonner confiance aux gens", Bernard Stalter appelle à "laisser les entreprises travailler, arrêter les tracasseries administratives qui ne créent pas un climat de confiance". "L'artisan ne demande pas des aides, il demande à ce qu'on le laisse travailler tranquille!". Le président de CMA France suggère aussi de valoriser - par voie de presse notamment - les entreprises "où les apprentis sont épanouis, où les apprentis sont heureux". 

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